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Wax Tailor: «Cet album traduit l’envie d’un ailleurs»

Interview: Raphaël Ferber
Photo: Al Nanah Soler

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On l’a joint au téléphone juste avant son concert à Nice, qui constituait la 21e date de sa tournée 2016/2017. Une tournée qui l’emmène bientôt à la Rockhal où Wax Tailor, qu’on appelle le pape du trip hop, revient avec un cinquième album, By any beats necessary, totalement influencé par un nouveau voyage aux Etats-Unis.

Depuis le début de votre tournée en France, on vous voit partout à la télé, dans les journaux, sur le web… C’est pénible ou plaisant d’être en promo?
Pour être honnête, il y a un côté répétitif… Mais je considère que c’est quand il n’y a plus le moindre intérêt autour d’un projet qu’il y a un problème. Je prends ça comme un exercice «normal» qui suit la sortie d’un album. Mais pour tout vous dire, heureusement qu’il y a les médias locaux, car du côté des mass médias, ce n’est pas vraiment la même histoire…

Et quand il s’agit de répondre toujours aux mêmes questions, notamment sur votre rapport aux USA?
Ça dépend comment les questions sont posées. Mais je ne peux pas m’étonner qu’on me branche là-dessus, dans la mesure où j’arrive avec un album qui est complètement lié à la culture américaine. Donc ça va !

En quoi By Any Beats Necessary est-il si singulier par rapport à vos quatre opus précédents?
Il est vraiment lié à cette période durant laquelle je l’ai imaginé et à cette musique américaine du XXe siècle, ou, en tout cas, celle qui m’a influencé. Et qui me nourrit toujours, d’ailleurs. Je l’ai vraiment pensé à travers le prisme américain, poussé par la volonté de faire quelque chose qui illustre cette bande-son pour un road trip imaginaire. Il y a du blues, de la soul, du jazz, du funk, de la musique de film, du western, du rock psyché, du hip-hop…

Il y a des choses que vous n’auriez pas faites si vous n’étiez pas parti plusieurs semaines aux Etats-Unis?
Le côté bluesy n’aurait peut-être pas été aussi présent. De toutes les musiques qui me nourrissent, celle-ci est plus récente, je m’y suis intéressé en détail plus tardivement.

Pourquoi ne pas vous installer là-bas?
Ça ne me dit rien. Il y a un très grand écart entre l’Amérique fantasmée et le regard lucide que je lui porte, surtout dans le contexte actuel. Pour moi, c’est un pays qui réunit le pire et le meilleur, qui est capable de tout. On a toujours tendance à caricaturer et aujourd’hui encore plus que d’ordinaire: c’est tellement tentant de réduire les USA à Trump. Bien sûr que ce lien existe. Mais on ne peut pas tout analyser par ce seul prisme-là. Ok, il y a des choses qu’on peut pointer du doigt, mais c’est aussi un pays super intéressant dans son rapport à l’énergie, à cette capacité à réagir dans certaines situations. C’est un pays super stimulant, aux multiples visages. Il faut juste faire la part des choses.

«Je me souviens avoir fait des concerts avec des «gachettes», des super bons musiciens, mais qui te tournent le dos parce que ce sont des requins de studio, des cachetonneurs. C’est horrible.»

On pose la question naïvement, mais au regard de votre attachement à la culture musicale américaine et à votre besoin de traverser l’Atlantique pour nourrir cet album, vous sentez-vous moins inspiré lorsque vous êtes de retour en France?
Non, en fait, je ne suis pas convaincu que l’Amérique que je sillonne soit la plus présente sur cet album. C’est plus certainement le fantasme entretenu. On peut tout à fait inventer cette Amérique depuis un studio en Normandie et avoir moins d’inspiration sur place si on ne se fonde que sur ce que l’on voit. En revanche, y aller à un moment donné, ça nourrit.

S’il ne faut retenir qu’un seul message délivré par By Any Beats Necessary, ce serait lequel?
L’envie d’un ailleurs, une échappatoire. Pour moi, c’est parti du contexte très lourd que l’on connaît (ndlr: les attentats à Paris contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015). Je me suis réveillé un matin en me disant que je prendrais bien un billet pour faire un road trip aux Etats-Unis. Un autre aurait choisi la Patagonie ou serait allé faire les fjords, en Norvège, j’en sais rien… L’envie que véhicule l’album, c’est avant tout celle de prendre un sac et de partir.

Y a-t-il des univers, des autres pays, que vous avez encore envie d’explorer pour enrichir encore davantage votre musique?
Les Etats-Unis et l’Angleterre restent deux pays avec lesquels il y a beaucoup de choses à faire. Mais je pense également au Brésil. J’ai eu l’occasion d’y aller quelques fois, d’acheter des disques, de creuser un petit peu… Entre la Bossa Nova et quelques autres courants, il y a une vibe très… brésilienne (rires). Mais il y a toujours un temps de gestation : quand je suis parti en tournée en Inde, j’avais ramené pas mal de musiques et il fallait réussir à digérer tout ça. Il me faut toujours un peu de temps.

C’est quoi un bon concert?
C’est un bon moment entre musiciens et un bon moment avec le public, même si l’on n’a pas forcément été excellent. Le concert où on a été super bon, mais un peu autiste, qu’on a passé tête baissée sans avoir ce petit truc en plus : c’est nul. J’adore ce moment où je me rends compte que les gens au premier rang viennent pour capturer ce qui se passe sur scène. Beaucoup me disent ça : «ça fait plaisir de vous voir jouer, on vous voit sourire entre vous». Pour moi, c’est ça la quintessence du live. Je me souviens avoir fait des concerts avec des «gachettes», des super bons musiciens, mais qui te tournent le dos parce que ce sont des requins de studio, des cachetonneurs. C’est horrible. Les gens viennent pour déconnecter deux heures, s’ils n’y arrivent pas, c’est foutu. Et je dois dire que j’ai vraiment de la chance, car je pense que c’est ma meilleure tournée dans ce rapport-là, avec cette alchimie que j’ai avec mes musiciens et le public.

On vous retrouve le 7 décembre à la Rockhal : ça évoque quoi, le Luxembourg, pour vous?
Hors clichés que vous connaissez aussi, rien de particulier, car ça passe très, très vite. On est venu deux fois, mais je n’ai jamais eu le temps de vraiment découvrir le pays. En revanche, j’ai des souvenirs très précis de notre dernier passage. C’était la dernière date de la tournée 2012, j’avais quelques appréhensions, je craignais qu’il y ait peu de monde, mais j’ai été très vite rassuré. Il s’est passé plein de choses, à l’image de mon équipe technique qui a fait plein de conneries ! J’ai gardé plein de photos de cette date-là, c’est un super souvenir.