BULB ZONE, Pionniers de la 3D luxembourgeoise
Pour découvrir Bulb Zone il faut traverser la moitié de la route d’Arlon, franchir les portes du magasin Eicher Frères, déambuler dans les rayons et continuer vers le fond de la boutique… Là, Delphine et Pascal, les principaux entrepreneurs derrière Bulb Zone, se sont organisés leur espace, tout en cocooning, s’il l’on veut, entre les machines à impression 3D, le labo’ électronique et d’immenses armoires fourre-tout. «Une zone à idées», comme le nom l’indique, où une petite équipe s’active à inventer, créer, et aider ceux qui aimeraient en faire autant…
Bulb Zone est d’abord, on l’a dit, une initiative de Delphine (la gérante) et Pascal, un couple d’amoureux de 3D et d’électronique qui a commencé à tâter la 3D il y a 5 ans pour faire germer l’idée de fédérer cette passion tout juste trois ans après. Aujourd’hui réunis autour de cette structure, Michaël, spécialiste de l’électronique, les a rejoints Michel Rodembourg avec Eicher Frères leur apporte un soutien logistique sans faille, et quelques stagiaires se font les dents ici, avant de partir vers de lointains horizons… Bulb Zone est en activité depuis le 1er mai à Luxembourg mais le couple y réfléchit depuis juin 2014. Un long processus d’engagement qui a mûri pendant deux ans avant de voir définitivement le jour, «Il y en a qui vont vite (ou trop) avec beaucoup de moyen, nous on fait l’inverse», explique Pascal, qui tient à préciser qu’ils ont pris leur temps pour pouvoir se dire expert du domaine et «aujourd’hui on a la chance de travailler avec des gens qui ont la même philosophie que nous» se réjouit Delphine.
En simplifiant, on pourrait dire que Pascal et Delphine, vendent des machines, apprennent aux gens à les utiliser, pour créer des objets, «Dans la branche, aujourd’hui tu as des centaines de milliers d’objets téléchargeables sur le net et imprimables. Il n’y a pas de limite», explique l’équipe. Dans cette «maker’s factory», leur travail ne se résume pas à de la vente de produits, «On vent les machines, les accessoires, les consommables, mais surtout un service pour apprendre aux gens à utiliser les imprimantes. Et c’est la même chose dans le volet électronique de Bulb Zone».
Après avoir signé des partenariats avec Printerbot, pour leur machine ou PrintinZ, pour leur plateau d’impression, ou avec Adafruit pour le côté électronique, les voilà distributeur européen de plusieurs grandes marques du domaine, pas nécessairement pour le business, mais plutôt parce que leur philosophie correspond à la leur, «Nous tenons à conserver le côté maker, en expliquant à nos clients comment se débrouiller avec leur imprimante pour gagner du temps et de l’argent».
Installé au cœur de la boutique de fournitures pour bureaux Eicher Frères, Bulb Zone est un shop in the shop, qui donne une dimension moderne, voire futuriste au lieu. Très peu développé le marché de l’impression 3D, sort pourtant doucement de sa léthargie, «L’impression 3D existe depuis 30 ans, ce n’est un secret pour personne. Le secteur a été bloqué par des brevets posés par les grosses boîtes comme Stratasys entre autre», explique Pascal. Dès lors que les brevets sont tombés dans le domaine public, une communauté de «makers», s’est organisée pour développer la chose, «Ce sont les makers, des bricoleurs, qui ont développé l’impression 3D jusqu’à ce que les entreprises se rendent compte du marché existant là derrière» rajoute-t-il. Un territoire pris d’assaut par les Fab Lab, antre de ces makers, qui développent eux-mêmes leurs propres machines et améliorent les produits, «Des projets expérimentaux développés par des passionnés, que les grosses marques utilisent ensuite», s’insurge le couple. Aujourd’hui devenu un business florissant, le marché de l’impression 3D ne cesse de grandir, «des marques comme Maker Bot, entre autres, créent des machines fermées, à obsolescence programmée, qui sont lancées trop tôt sur le marché. Ces marques attendent que les makers améliorent les machines pour sortir les suivantes».
A l’image des aspirations de Printer Bot, marque phare du secteur, l’idée est d’intégrer une imprimante 3D, à prix modéré, dans chaque foyer, pour que in fine, tout le monde se mette à l’impression 3D, «Il faut simplement avoir de la patience, de la méthodologie». Même si la prise en main peut se faire en une petite semaine, l’impression 3D prend du temps, «Des pièces sortent au bout de 15 à 20h», tout dépend donc des personnalités, «certains vont trouver leurs pièces sur le net, d’autres vont les modéliser ou encore les scanner». Sorte de quatrième révolution industrielle, l’émergence des imprimantes 3D, va changer de façon considérable notre monde. L’avènement d’une telle technologie va réellement changer les choses pour les générations futures, mais la progression est encore trop lente de nos jours, «Les grosses entreprises n’ont pas encore pris conscience du potentiel de ce marché», argumente Pascal, pour poursuivre, «Ikea pourrait déjà mettre en ligne beaucoup de ses produits, mais ne le fait pas, tandis que Nokia avait déjà développé quelques coques imprimables en 3D à la sortie du Lumia». De nouveaux modèles économiques basés sur ce marché changeraient la façon dont les gens consomment des gens, «mais aujourd’hui il y a un peu de méfiance, alors que la 3D est présente dans le médical depuis au moins 20 ans». Difficile encore dans notre société actuelle de convaincre le particulier qui veut tout tout de suite en un clic, mais force est de constater que la révolution est en marche.
En France, de nombreux Fab Lab se montent pour ouvrir la recherche au plus grand nombre et aller encore plus loin dans l’expérimentation de ces technologies, «c’est une super idée qui est venue des universités et écoles américaines, mais aujourd’hui les choses dérapent un peu», s’attriste Pascal. En France, il y a actuellement plus de Fab Lab qu’aux Etats-Unis, une dérive pour les créateurs de Bulb Zone, «Aujourd’hui les FabLab voient plus le côté business. L’idée du Fab Lab a été complètement dénaturée», précise Delphine. Quoi qu’il en soit, bercés par les origines du mouvement, Delphine et Pascal sont les pionniers du domaine au Luxembourg, «L’idée pour nous c’est de faire comprendre aux gens que tout est possible, et pourquoi pas le faire ensemble». Et finalement il n’y a pas d’âge, même si l’effet semble être le même qu’avec les téléphones portables de l’an 2 000, les clients de Bulb Zone traversent les générations et tous les secteurs d’activité se confondent, «On peut travailler avec tout le monde, le bâtiment, l’automobile, la restauration».
Une belle entrée en matière pour Bulb Zone dans cette sphère en pleine expansion mais visiblement lésée par un marché qui peine à passer la seconde. Mais qu’importe pour ce duo de makers, «On ne vend pas du rêve mais on vend ce qu’on sait faire. Aujourd’hui on se sent capable de répondre à toutes les demandes. Notre but est de proposer un service plus que de vendre des machines». Avec l’essor fulgurant de l’impression 3D, dans 5 ans, les deux entrepreneurs voient bien des Bulb Zone un peu partout, «sur Paris, Bruxelles, Anvers, et toujours en gardant cette même philosophie».