«Ma façon à moi de faire du nation branding»
Evoquer le Grand-Duché avec Stéphane Bern? Préparez-vous à y passer des heures. Quand il est question pour le journaliste – né à Lyon, mais profondément luxembourgeois de cœur et de sang – d’évoquer le pays de ses grands-parents maternels, il est intarissable.
Il est d’ailleurs venu dans la capitale vendredi dernier, afin de présenter à la presse son dernier ouvrage Mon Luxembourg, paru aux éditions Flammarion.
«C’est ma dette d’amour pour le Grand-Duché». Il entre directement dans le vif du sujet. Même s’il le reconnaît: sa vision est sans doute fantasmée. Son Luxembourg, il le voit à travers ses yeux d’enfant quand ses camarades lui demandaient:
«Où vas-tu pour les vacances de Noël?
-Au Luxembourg!
-Quoi, tu vas au Jardin du Luxembourg?
-Mais non, au Grand-Duché du Luxembourg.»
Et d’évoquer l’incrédulité dans les yeux de ses copains de classe parisiens, qui ignoraient tout alors de l’enchantement que représentait ce minuscule territoire pour les yeux du petit Stéphane. «On ne guérit jamais de son enfance et mes grands-parents maternels en sont un souvenir merveilleux. Surtout en comparaison avec mon éducation parisienne, nettement plus douloureuse», plaisante-t-il.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il choisit de faire paraître son beau-livre pour les fêtes de fin d’année: «c’était la période à laquelle je venais». Il tient aussi à offrir aux Luxembourgeois un beau cadeau, et leur montrer combien la région est belle et riche. Il déplore l’autodénigration perpétuelle dans laquelle les autochtones se complaisent, alors qu’ils devraient être fiers de leurs racines, de leur incroyable reconversion. «Un exemple? Comparez les sites de Esch-Belval et Florange. Il n’y a pas photo (sourire)!»
Dans ce beau recueil, en deux parties, peu de textes, mais beaucoup de photos, à travers lesquelles il revit ses souvenirs d’antan.
La première partie est consacrée à la capitale. Le journaliste nous emmène de Belair – quartier où vivaient ses aïeuls – à la ville-haute, lorsqu’il allait prendre le thé chez Namur, autrefois dans la Grand-Rue, avec sa grand-mère qui saluait presque tout le monde. Il évoque aussi les tartines de Kachkéïs, qu’ils achetaient autrefois rue Philippe II, en lieu et place «d’une boutique de fringues. Maintenant, on va au Cactus. Mais le Luxembourg évolue, et cela lui apporte une force incroyable. Regardez la richesse du pays, sa variété. Au Kirchberg, le Musée d’Histoire et son impressionnant bagage historique jouxtent le Mudam, qui a été créé par Pei. Comment ne pas s’émerveiller?»
La seconde partie, quant à elle, invite à se découvrir les autres points forts du Grand-Duché, à l’instar du Château de Vianden, qui trône fièrement en couverture. «J’en avais marre de voir toujours la photo des remparts. Il y a tellement à voir. Le Château de Vianden est totalement représentatif du Luxembourg. C’est ma façon à moi de faire du nation branding… Il n’y avait pas besoin de dépenser autant… Let’s make it happen? Sans blague» plaisante-t-il au sujet de la récente et vivement contreversée campagne lancée par le Gouvernement. Stéphane Bern se lâche un peu, lance quelques boutades. En revanche, pas question de plaisanter sur la monarchie. On peut rire de tout, mais pas de la famille royale!
Le journaliste évoque sans détour l’amour immodéré qu’il lui porte. «Un jour, j’ai demandé à mon père pourquoi nous n’avions pas de Grand-Duc. Il m’a alors répondu que nous, nous avions un président. J’étais dégoûté (sourire)», raconte-t-il facétieux, en écorchant au passage François Hollande, l’actuel président français. Il raconte également comment, chaque année, le 5 janvier, il écrivait une carte au Grand-Duc Jean pour lui souhaiter son anniversaire. En retour, il recevait une photo, qu’il épinglait soigneusement au-dessus de son lit. Une manie qui inquiétait légèrement sa grand-mère, et qui, finalement, lui a ouvert les bras de la formidable carrière qu’on lui connaît aujourd’hui. «En juillet 1985, lorsque la Grand-Duchesse Charlotte est décédée, le journal Madame Figaro voulait réaliser un portrait de celle-ci, mais n’avait que peu de photos pour l’illustrer. J’avais ces images et une connaissance parfaite de la famille grand-ducale, je me suis naturellement proposé.» Il n’en fallut pas plus. Amour inconditionnel ou reconnaissance éternelle, peut-être les deux, il se revendique aujourd’hui comme le défenseur de la monarchie et sort les griffes dès qu’on l’égratigne.
Preuve de son attachement, Stéphane Bern vient d’acheter une petite maison, à Bonnevoie. C’est important pour lui de retrouver ses racines et d’être là où il peut vraiment être lui-même, laisser tomber le masque du personnage public. Gage qu’on pourra l’y croiser plus souvent? Nul doute, il y reviendra très bientôt pour l’ouverture de la boutique son ami Christian Louboutin. Et attend patiemment de pouvoir acquérir la nationalité luxembourgeoise «par piété filiale, et non pour les impôts! (rires) Un éléphant retourne sur ses terres pour mourir.»
Stéphane Bern, Mon Luxembourg, aux Editions Flammarion.