Regarder la vidéo en entier
Accéder directement au site
BOLD Magazine BOLD Magazine

Jeanne d’Arc version rock, rap et DAB

Texte : Jonathan Blanchet

CannesBold_Jeanette

Petit détour par la Quinzaine des Réalisateurs, avec Jeannette, le dernier projet bien barré de Bruno Dumont (Hors-Satan, P’tit Quinquin).

Une comédie musicale sur Jeanne d’Arc signée Bruno Dumont ? Autant le dire tout de suite, à l’annonce du projet, on était plus que partant. Surtout depuis que le cinéaste nordiste, habitué aux drames austères et secs, s’était essayé à l’absurde et au comique quasi-slapstick avec sa série P’tit Quinquin (qui reviendra bientôt pour une deuxième saison). Adapté de Charles Peguy (dont Dumont assure qu’il a conservé toute l’essence de ses écrits, extraits de « Mystère de la charité de Jeanne d’Arc »), Jeannette, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, raconte Jeanne d’Arc à travers deux époques. Quand elle n’est que petite fille, âgée de huit ans, assaillie de questionnements, de doutes, mais aussi animée par une foi grandissante. Celle-là même qui va l’amener, quelques années plus tard, à quitter Domrémy pour bouter les Anglais hors de France.

Dans cet entre-deux scénaristique, Jeannette renoue avec la veine authentique et burlesque de P’tit Quinquin : ici, les comédiens mangent les mots ou se reprennent parfois au cours d’une réplique sans que ces imperfections ne soient gommées au montage. Dumont donne vie à des tableaux hallucinants où, au hasard, Jeanne fait la rencontre improbable d’un duo de nonnes qui  se lancent dans des couplets rock, basculent sur le twist mythique de Pulp Fiction et se secouent violemment le voile sur du métal. Un niveau de dinguerie qui atteint son apogée lors de l’entrée en scène de l’oncle de la future Pucelle d’Orléans qui réveille le Jul qui sommeille en lui et s’adresse à sa nièce avec un flow… déroutant. Entre autres moments de grâce, le film enchaîne les tableaux baroques d’une grande beauté visuelle (épaulé par Guillaume Deffontaines, son chef opérateur depuis Camille Claudel), qui donne aux lumières du Nord une dimension quasi-mythologique.

Pourtant, Jeannette n’égale jamais P’tit Quinquin,en étant circonscrit à un nombre limité de lieux et de personnages et à un corpus de chants sommaire et centré sur les mêmes thématiques (le doute, la ténacité de son héroïne, la foi, encore). Des imperfections qui ne doivent pas être un frein à la découverte de cette folie douce, à voir prochainement au cinéma et sur Arte.