Regarder la vidéo en entier
Accéder directement au site
BOLD Magazine BOLD Magazine

ÆM : petit à petit l’oiseau fait son nid

Texte : Godefroy Gordet

Chanteuse, auteure et compositrice, Ema Macara est une artiste précoce. À tout juste 14 ans, elle commence à écrire ses premières chansons, pour remporter, à 17 ans seulement, le Song Contest du Screaming Fields en 2018. Un tremplin dans sa jeune carrière qui la convint à poursuivre son rêve d’une carrière musicale autour de la création de son projet dream-pop ÆM. Trois singles, autant de collaborations avec le groupe Foreigners et de nombreuses scènes plus tard, la voilà lancée dans un monde dont elle est tombée follement amoureuse. Consciente de la charge de patience qu’il faudra qu’elle trouve pour exulter au milieu de tant d’autres artistes et désireuse d’acquérir un bagage technique solide, elle étudie actuellement la production musicale, tout en continuant à envouter son public de sa voix éthérée et ses mélodies accentuant l’envol. Pour sûr, vous croiserez certainement ÆM sur l’une des scènes du pays prochainement…

« J’ai récemment trouvé des vidéos de moi quand j’avais 5 ou 6 ans en train de faire du karaoké à la maison », l’amour que porte Ema Macara pour le chant et la musique a toujours fait partie d’elle. À 13 ans elle décide d’apprendre quelques accords au piano et commence à faire des reprises de ses chansons préférées, de là elle apprend à écrire ses propres morceaux, et l’histoire commence. Ema Macara lance son projet dream-pop ÆM en 2018, poussée par son succès au Screaming Fields, au cours duquel elle est lauréate du Song Contest et gagnante de l’Artist Package offert par Cactus, avec son morceau City Ties« À ce moment, j’ai senti que je pouvais transformer quelque chose que je faisais pour moi-même, en quelque chose que je pouvais partager avec les autres ». Pour la première fois, la jeune musicienne sent une reconnaissance publique face à son travail et sent qu’elle peut aller plus loin, « cela a changé ma vie, je suis passé d’une volonté de devenir scientifique à celle de faire de la musique professionnellement ».

Un avant et un après Screaming Fields

L’obtention de ce prix au Screaming Fields lui permet d’intégrer le programme de suivi du Rocklab, qui l’aura aidé à faire évoluer considérablement son projet ÆM, lui aura fait découvrir la scène musicale luxembourgeoise et comprendre l’industrie musicale. Un soutien bénéfique sans quoi elle confie qu’elle n’aurait pas sorti sa musique aussi tôt, « j’y ai notamment rencontré Napoléon Gold. J’avais du mal à transformer mes idées en chansons complètes, mais avec son aide, je me suis beaucoup améliorée ».

City Ties qui lui vaut ce succès éclaire, et premier titre du projet ÆM, est un titre qui porte en musique les maux de notre société. Soutenue par une mélodie rêveuse, et sur fond d’une tessiture vocale planante, la chanson sort d’un processus de composition assez classique : de quelques accords au piano, nait une mélodie, puis viennent les paroles… « À l’époque, j’étais obsédée par la chanson Petals de Bibio et la ligne de parole ‘don’t wear a tie that will choke you to death in the’ a attiré mon attention. J’ai utilisé cette imagerie pour créer mes propres paroles ». Ema Macara écrit sa chanson dans une humeur particulière, se sentant dépassée par le temps qui passe, et l’allure à laquelle le monde tourne, « j’avais l’impression que je n’avais aucun contrôle sur ma vie, tout ce que je voulais c’était m’enfuir dans une forêt pour ne plus sentir la pression que je ressentais de la part des gens ». Ainsi, elle écrit les paroles comme connectée à ses émotions, et City Ties se dessine.

« La façon dont je communique, je vois le monde, et dont je le décris, passe toujours par le langage et la musique »

ÆM

Après le Screaming Fields, elle livre le clip de City Ties sur YouTube, le 24 avril 2019. Sous l’œil de Cedric Letsch, sa chanson est mise en images dans une esthétique très douce, sous des nuances de rose et de violet, en communion avec la vidéo, « les œuvres précédentes de Cedric s’accordaient parfaitement avec cette ambiance. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois au Rocklab pour discuter de nos idées pour la vidéo et lorsque nous avons finaliser le concept, il a réuni une équipe incroyable pour le tournage. Ça a été très amusant pour moi, et beaucoup de travail pour eux ».

Projet électronique atmosphérique, dans la création de son projet musical Ema Macara s’inspire du downtempo, de l’indie rock et de l’ambient, influencée par des artistes comme Toro y moi, Lapalux et Bibio. Mais c’est aussi ses origines portugaises qui auront guidé la force narrative de sa musique, autant que ses renforts esthétiques d’une certaine manière, « la façon dont je communique, la façon dont je vois le monde, et la façon dont je le décris, passe toujours par le langage et la musique. Il me serait impossible de me séparer des langues que j’utilise pour m’exprimer, alors j’aime écrire dans ma langue maternelle ». Aussi à la radio, comme sur scène, ce n’est pas une rareté que de l’entendre chanter en portugais…

Petit à petit l’oiseau ÆM fait son nid

Dans ce sens, en 2020, au Lëtz’ play, organisée au Centre Culturel Neimënster, elle tient la première partie de Francis of Delirium. Elle y fait entendre des chansons en anglais et en portugais, et se permet d’improviser, au-delà de son set décrit alors comme « parfaitement exécuté ». La scène pour elle constitue une forme d’expression, « je change souvent les paroles et la mélodie de mes chansons pour refléter ce que je ressens ce jour-là. Jouer mes chansons de cette manière, différemment de jour en jour, est une façon de raconter des histoires de mon passé avec une touche de présent ».

Dans la suite de son parcours musical, en octobre 2020, elle signe un featuring avec FOREIGNERS sur le titre Silhouettes. Une collaboration qu’elle réitère un an plus tard sur la chanson Anchorage et encore sur Sonder. D’un simple échange entre musiciens, une véritable amitié musicale se créée, « nous ne nous connaissions pas avant de collaborer ensemble. Ils m’ont vu au festival Screaming Fields, et depuis lors, on s’est rendus compte qu’on s’accordait parfaitement musicalement. Kevin et Ilyana sont des producteurs incroyables et j’adore ce qu’ils font, ce sont aussi des gens incroyables que j’ai eu le plaisir de connaître ».

Si FOREIGNERS développe une dance-pop zénithale plutôt club, assez éloigné de son travail, tantôt acoustique, et vocal, tantôt électronique, entre rêve et poésie, comme Macara l’explique, « quel que soit le genre, quand la musique est bonne, il n’y a rien qui s’oppose à la création ». C’est donc avec beaucoup de facilités que leurs violons s’accordent, Foreigners en charge de la production, ÆM aux paroles et à la mélodie. « Jusqu’à présent, Sonder a été la seule chanson sur laquelle Foreigners avait déjà une idée du thème et les paroles. Sur Silhouettes et Anchorage, ils m’ont donné beaucoup plus de liberté pour écrire ce que je ressentais à l’écoute des démos ». Ainsi, d’une démo aux derniers enregistrements, le trio s’ajustent et trouve sa symbiose musicale.

Et petit à petit l’oiseau ÆM fait son nid. On peut la décrire aujourd’hui comme artiste « émergente », bien que les étapes de son parcours sont encore nombreuses face à des ambitions évidemment très présentes. « Je redoute l’insatisfaction. Je suis du genre à oublier les bonnes choses après une mauvaise journée, et me dire que j’aurais pu faire différemment. Il m’est difficile d’être heureuse dans le travail que je fais, mais c’est quelque chose sur lequel je travaille dur ».