Alexandre Kominek : le verbe insensé d’un bâtard sensible

À moins d’avoir vécu off the grid dans une grotte du Larzac ces dernières années, tu as forcément vu passer le minois espiègle ou le torse bombé d’Alexandre Kominek, éminent membre de la diaspora du stand up suisse, chroniqueur joyeusement hystérique dans La Bande originale de Nagui sur France Inter et showman invétéré aux déhanchés aussi « caliente » que son gros tube, J’aime les mamans… Monsieur cartonne partout et jouera son « Bâtard sensible » au Casino 2000 le 4 avril prochain. L’occasion était trop belle pour ne pas tailler le bout de gras avec ce truculent humoriste, aussi bosseur que déconneur – et de lui offrir la couverture de ce numéro 90 par la même occasion…
Salut Alex ! Pour celles et ceux qui auraient l’outrecuidance de ne pas encore savoir qui tu es, tu peux nous faire un petit point bio ?
Bien sûr ! Je suis né à Genève d’un père tunisien et d’une mère polonaise et j’y ai grandi dans les quartiers plutôt populaires de Plainpalais et des Acacias. Populaire à Genève, ça veut dire que t’as la Rolex, mais pas la Patek (rires) ! À l’école, j’étais ce qu’on pourrait appeler un cancre parmi les meilleurs, ce qui m’a permis d’aller à la fac et de me rendre compte que le droit, c’était vraiment pas fait pour moi. J’ai bifurqué vers une école de pub pour obtenir un bachelor. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser à l’humour, alors que je faisais déjà un peu de théâtre. J’ai fait mes premières scènes avec le Swiss Comedy Club entre Lausanne et Genève en 2013, alors que le stand-up en Suisse en était encore à ses prémices. On a commencé à jouer un peu plus dans les années suivantes, mais quand je dis plus, ça voulait dire trois ou quatre fois par mois !
C’est ce qui t’a donné envie d’aller voir ce qui se passait du côté de Paris ?
Oui, quand j’ai commencé à monter régulièrement à Paris à partir de 2016 et que j’ai vu que les mecs et les nanas jouaient quatre fois par soir, j’ai compris qu’il y avait de la marge de manœuvre… Je présente mon premier spectacle à la Petite Loge deux ans plus tard, je fais pas mal d’allers- retours, je joue alors aussi au Théâtre Bo Saint-Martin, puis vient le COVID qui pète ma carrière. Retour en Suisse à nouveau, puis à la fin de tout ça je reviens à Paris au Théâtre du Marais et là ça commence à jouer et à plaire sévère ! C’est aussi à ce moment-là que j’ai commencé à faire de la radio.
Justement, de la Suisse à France Inter, un parcours d’immigration choisie qui a le vent en poupe ?
Il y a clairement eu les précurseurs, Marina Rollman et Thomas Wiesel, qui ont un peu installé la diaspora humoristique suisse. Marina s’est vraiment imposée avec des grosses chroniques, puis il y a eu une petite infiltration avec moi et là, soyons honnêtes, c’est le grand remplacement ! Rien que dans mon émission La Bande originale avec Nagui, y’a Julie Conti, Bruno Peki ou encore Rébecca Balestra, puis dans Zoom Zoom Zen t’as Matthieu Noël et Yann Marguet par exemple… On est une belle tripotée, oui ! Et après tout, les Français viennent piquer notre argent en Suisse, pourquoi on viendrait pas piquer leur public en retour (rires) ?
D’où vient cet exode ? Les plateformes suisses ne permettent pas ce genre de format ?
Si, on est toutes et tous plus ou moins passés par les médias suisses. Il y a la radio et la scène, mais l’exposition est plus grande en France et je pense qu’on a tous en point commun d’avoir envie d’y jouer notre spectacle, donc on passe la frontière de manière assez naturelle !
Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire de l’humour ? C’était quoi, le premier processus créatif ?
Je dois dire que c’est d’abord grâce à mes copains, qui m’ont inscrit à une scène ouverte. J’avais pas eu beaucoup de temps pour préparer mon passage, je me suis mis un bon coup de pression et je crois bien que mon premier sketch était un truc du genre « tu vas pas en boîte avec ta meuf ». On était encore un peu loin du terme « processus créatif »…


« POPULAIRE À GENÈVE, ÇA VEUT DIRE QUE T’AS LA ROLEX, MAIS PAS LA PATEK »
On a déjà eu la chance de te voir au Luxembourg avec le concept 360° Comedy Night, aux côtés notamment de Nino Arial ou encore Tareek : tu en gardes quel souvenir ? J’en ai un très bon souvenir, avec un très bon public, chaud et bien habillé (rires) ! Il faut dire que les sets se déroulaient dans un club, donc il y a tout de suite une ambiance particulière… On avait été accueillis comme des princes par Samy en tout cas, je me réjouis de revenir !
Aujourd’hui, ta tournée est sold out partout, tu as annoncé pas moins de trois Olympia en janvier 2026 : comment tu expliques cet engouement explosif et cette dynamique incroyable ?
Écoute, je ne sais pas si quelqu’un a actionné un levier, mais j’ai l’impression qu’il y a tout de même un truc assez organique dans ce qui se passe et dans le travail commun qu’on fait avec mes producteurs Agapè et Dark Smile. On a vraiment bossé sur des petites salles au début, à Paris ou en province, pour créer la demande et jouer devant des salles bien remplies, puis s’ouvrir à de plus en plus gros et aujourd’hui, le fait d’avoir fait ça, ça permet aux gens de parler du spectacle, de le conseiller autour d’eux. Tu peux avoir la promo la plus dingue sur le web, y’a jamais mieux que le bouche-à-oreille et le travail pour arriver là où tu veux. Bien sûr, tu vas voir des humoristes percer d’un coup sur les réseaux sociaux – en tout cas tu vas avoir cette impression, mais souvent les gens ne savent pas qu’il y a des années de scène avant tout ça. Bien sûr, la radio aussi m’a amené un public que je n’aurais peut-être pas touché autrement et c’est vrai qu’il y a un moment assez explosif en ce moment, mais ça fait douze ans que j’ai fait ma première scène ! C’est pas un coup de chance, c’est le résultat d’un investissement, d’un taf sur plusieurs années pour que ça cartonne.
Tu alternes scène et radio, un équilibre complémentaire et bénéfique ? Comment abordes-tu les deux ?
Il faut être assez méthodique dans l’organisation, parce que la scène demande beaucoup d’énergie, et la radio une régularité particulière. J’étale mon travail au mieux sur ma semaine, sans oublier que j’ai un devoir à rendre à un moment. Des fois l’inspiration vient, des fois ça coince et ça met un petit coup de stress, mais les deux sont effectivement complémentaires et peuvent se stimuler réciproquement. La radio me fait bosser sur des sujets que je ne traiterais pas forcément à la base et me donne des idées pour des vannes que je peux réutiliser sur scène par exemple. Mais ce n’est pas du tout le même exercice ! Sur scène, je joue beaucoup, je bouge, je suis très physique, alors qu’à la radio – et même si on est filmés maintenant – ça te pousse à écrire plus, à retranscrire cette physicalité pour toucher l’auditeur…
Par rapport à cette attitude physique justement, tu projettes en permanence une ouverture d’esprit quant à la sexualité, le corps, la diversité… Cela est important pour toi ?
Absolument. Déjà, c’est quelque chose que je ne travaille pas, je suis juste comme ça. Et ensuite, heureusement que je suis comme ça, sinon je passerais pour un gros con (rires) ! Au final ce faux mâle alpha, il se fait dominer et ça le rend sympathique aux yeux du public je crois – et c’est naturel. Et puis la tolérance, évidemment, puisque je tape sur tout le monde : c’est ma preuve d’amour et ma manière d’être inclusif !

Quand tu n’exerces pas ton talent, comment aimes-tu passer ton temps ?
J’aime beaucoup la boxe, ça me détend énormément. J’aime aussi beaucoup cuisiner, la bonne bouffe. Et puis je suis un ancien gros clubber de 35 piges en phase d’accalmie, mais j’ai encore quelques restes et j’aime toujours un peu la fête… Un joli petit cercle vertueux.
Qu’est-ce qui te fait rire aux larmes ?
Une bonne vieille chute à l’ancienne ! Ce qui me fait rire, outre la performance, c’est l’échec d’une tentative. T’as quelqu’un qui s’est dit « je vais y arriver » et on assiste à son échec pleine balle, c’est salaud, mais c’est génial. Encore plus que la chute inopinée, celle qui suit le moment où le mec s’est dit « je sais faire, je vais montrer ça à tout le monde »…et non. J’avoue, c’est mon guilty pleasure. Sinon, parmi les collègues, je dois avouer que ce que fait Robin Gomez est tellement bon… ça m’éclate vraiment !
On t’a aussi vu investi auprès de la Fondation Partage à Genève, tu as besoin de donner un peu de temps aux autres ?
L’opération avec la Fondation Partage était une première avec eux et ça s’est très bien passé, j’avais déjà collaboré avec d’autres assos auparavant, notamment pendant la pandémie de Covid-19 pour récolter des colis et trouver des logements pour les personnes en détresse. Si tu as le pouvoir d’amener ne serait-ce que quelques personnes vers ce genre de projet grâce à ta notoriété, ce serait dommage de ne pas le faire et je vais continuer à aider comme je peux, quand je peux le faire, oui… C’est important, c’est une conviction. bold-90.indd
En parlant de Genève, c’est quoi l’adresse insider d’Alexandre Kominek au bord du lac ?
Alors je te dirais l’Établi à Plainpalais et l’Audioclub pour continuer la soirée !
Tu reviens le 4 avril prochain au Casino 2000 de Mondorf-les-Bains avec ton spectacle « Bâtard sensible », que peux-tu promettre à ton public local cette fois ?
J’ai surtout envie que lui me promette qu’il va être plus chaud que les Belges, parce que je viens de jouer chez vos voisins, là, et ils vous en ont mis plein la tronche quand j’ai dit que je jouais au Luxembourg au printemps ! Prouvez-moi que vous n’avez rien à leur envier niveau ambiance !
« SI ÇA MARCHE FORT EN CE MOMENT, C’EST PAS UN COUP DE CHANCE, C’EST LE RÉSULTAT D’UN INVESTISSEMENT, D’UN TAF SUR PLUSIEURS ANNÉES POUR QUE ÇA CARTONNE »
Qu’est-ce qui t’attend cette année ?
Je vais tourner pas mal dès avril, trois mois pour une production Netflix, puis pour le film French Lover. J’ai aussi un rôle dans bref. 2, qui sort mi-février. Et impossible d’oublier la tournée qui continue de plus belle jusque début 2026 avec les trois représentations à l’Olympia à Paris, puis un retour en Belgique avant une ultime date à L’Arena de Genève pour la clôturer comme il se doit.
Qu’est-ce que tu rêverais de faire bientôt, si c’était possible ?
J’ai la scène et la radio pour faire des blagues, je ne serais pas contre avoir un rôle plus grave au cinéma, dans un registre dans lequel on ne m’attend pas ! Ça m’exciterait bien, oui…
Attention, mise en abîme : une question à trois de tes personnages de France Inter ! (Pour les accents adéquats, veuillez vous référer aux chroniques idoines). Fofinho, comment tu te réchaufferais pendant l’hiver au Luxembourg ?
Écoute Fofinho il a pas honte de dire qu’il est un peu vénal, ouiiii, alors il se réchaufferait bien sous la couette avec un beau Luxembourgeois bien doté…
Carlos, qu’as-tu à dire à toutes les mamans luxembourgeoises qui te désirent avec ardeur ?
Alors là, Carlos il leur dit qu’il arrive, qu’il va remplacer la Pom Pot’ des petits par de la Hunnegdrëpp et qu’il va la faire couler là où il faut…
Et enfin, MillionR, tu es en terrain conquis dans notre joli pays, tu as un peu de cash de côté au Grand-Duché ?
Eh bien MillionR, il a évidemment un peu de cash planqué au Grand-Duché, mais il vient surtout y mettre celui qu’il a pris chez les Français (rires) !
Merci Alexandre !
Ce portrait so fresh and so clean est également à retrouver dans le nouveau Bold Magazine #90, à lire en ligne ici!
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