Astérix en mode gourmand pour les fêtes et la bonne cause
« Tous les plats sont faits pour être partagés. Et si c’était ça, finalement, le secret de la Potion Magique ? ». Voilà le point de la vue aussi convivial que tranché de Romain Colucci, fils de ce sacré Coluche, qui signe l’avant-propos et le dos d’un ouvrage qui fait chaud au corps et au cœur en cette fin d’année. Les 40 banquets propose au lecteur de prendre joyeusement place à table et de se taper la cloche grâce à un grand festin d’Astérix, dans une version contemporaine signée par 40 grands chefs français, le tout édité chez Albert René et au profit des Restos du Cœur… À mettre sous tous les sapins !
Il fallait peut-être simplement y penser, c’est à présent le cas : les grandes tablées qui clôturent, au
fil des décennies, chaque aventure d’Astérix, sur papier glacé comme sur nos écrans – pendants gaulois aux célèbres bacchanales de leurs ennemis jurés romains – avaient bien droit, elles aussi, à leur ouvrage gourmand moderne ! Hachette s’essaye d’ailleurs à l’exercice des recettes de « bande dessinée » depuis un moment, avec des ouvrages très réussis comme avec le Gastronogeek spécial anime japonais de Bérengère Demoncy et Thibaud Villanova en 2023, qui mettait l’eau à la bouche des fans de mangas et de japanime grâce à 40 recettes issues des plus grands succès du genre.
UN BANQUET SOLIDAIRE
C’est donc cette fois à l’univers d’Astérix que la maison d’édition s’attaque, mais dans une approche unique et fondamentalement solidaire, par le biais des Éditions Albert René, fondées en 1979 par Albert Uderzo et faisant désormais partie du groupe Hachette. Car oui, l’intégralité des bénéfices engrangés par Les 40 banquets ainsi que les droits d’auteurs d’Anne Goscinny et Sylvie Uderzo – aka les ayants droit – sont reversés aux Restos du Cœur : faith in humanity restored (au moins un peu).
« Lorsqu’on commence la lecture d’un album d’Astérix, l’on sait qu’un banquet clôturera l’aventure. Cette conclusion, qui prend systématiquement l’allure d’une fête dédiée à la joie d’être ensemble, est devenue emblématique de la série. J’ai été très heureuse de partager avec Romain Colucci et les Restos du Cœur ce moment crucial, celui au cours duquel on se rassemble pour rire et chanter. Parfois, j’imagine un banquet idéal, non forcément parfait en ce qu’il offrirait de nourritures terrestres, mais dont la compagnie, faisant fi du destin, serait enfin réunie. À la droite du chef, Albert Uderzo, à la droite d’Astérix, mon père. La cervoise coule à flots, les sangliers succèdent aux sangliers. Un peu plus loin, de l’autre côté de la table tout près d’Obélix, je vois le sourire de Coluche. Un rêve qui, grâce à ces 40 banquets, est devenu réalité », confie ainsi Anne Goscinny en introduction du tome festif.
Elle est suivie par Sylvie Uderzo : « L’idée d’inviter à un banquet gaulois la famille des Restos du Cœur portée par Romain Colucci, fils de l’irréductible Coluche, nous permet d’apporter au nom de nos deux pères, René Goscinny et Albert Uderzo, tout le soutien du village. J’en suis sincèrement ravie. Tant il y a de passerelles qui traversent ces deux mondes. Tant il y a de générosité sans calcul et sans préjugés chez Coluche comme dans le village des Gaulois ».
Dans un contexte actuel franchement morose, entre les scandales impensables, les conflits interminables et les comportements minables tout court des instances qui, ci et là, sont censées gouverner avec raison et bienveillance, ce joli recueil canaille de bonnes recettes – qui permet à celles et ceux ayant les moyens de festoyer en ces fins d’années d’apporter une aide inconditionnelle aux personnes les plus démunies, fait clairement chaud là où il faut… Romain Colucci le dit on ne peut mieux : « Ce n’est pas la première fois que vous ouvrirez un album d’Astérix avec gourmandise, mais cette fois, c’est la bonne ! La recette est dans le livre. Quelque part. Cherchez bien. Je suis sûr que vous trouverez ! On compte sur vous, par Toutatis ».
40 ALBUMS ICONIQUES, 40 CHEFS ENGAGÉS, 15 BALLES…
Ce sont en effet quarante cheffes et chefs français qui se sont mis aux fourneaux pour donner leur version actuelle de ce que serait le banquet, ou au moins une partie – en formules plat/ dessert ou entrées à partager par exemple – d’un des quarante albums d’Astérix choisis pour l’occasion. À chaque double page, on plonge dans l’une de ces « interprétations » – terme adoré des foodies et critiques culinaires amateurs – et dans l’univers génial d’Astérix. On se rappelle les ripailles de fin d’album et film animé, joyeuses certes, mais qui arrivaient aussi toujours un peu trop tôt tant on n’avait pas envie que l’aventure se termine ; on sourit en pensant à ce pauvre barde malmené et ligoté pour vouloir exprimer toute sa créativité à grands coups de fausses notes – et on revoit bizarrement très bien le rouleau à pâtisserie de Bonemine ou encore le gros poisson d’Ordralfabétix arriver en pleine poire de qui avait la malchance de passer par là, avant de servir de manière bien plus pacifique au gueuleton du soir…
Et qui d’autre pour entamer les hostilités culinaires qu’un des véritables Abraracourcix de la gastronomie française qu’est le chef Thierry Marx, qui prend en main la version mijotée d’Astérix le Gaulois. Avec un menu en trois services, rien que ça ! Œuf poché et oignon rôti en entrée, écrasé de pommes de terre et maquereau poêlé pour le plat, suivi de sa « pâte à crêpes secrète » : le chef étoilé du restaurant Onor à Paris – un de ses « quelques » projets – exprime ici une de ses pratiques phares : faire de la bonne cuisine avec des produits simples et peu coûteux !
Impossible d’énumérer ici tout le bel éventail de professionnels qui ont joué le jeu des 40 banquets, mais
on a évidemment nos petits coups de cœur : les choux farcis de Sarah Ehmann pour Astérix et les Goths ; la Blanquette de sot-l’y-laisse de dinde de Guillaume Delage pour son Tour de Gaule ; le Zaalouk d’aubergines de Mohamed Cheikh dans son très pertinent Combat des Chefs ; l’Okonomiyaki de Julien Lemarié pour Astérix et le Chaudron ; la Fondue suisse de Laszlo Badet pour Astérix chez les Helvètes – logique ; les divines Tortellini d’agneau confit à la menthe d’Anne-Sophie Pic pour Le Devin ; la Polenta crémeuse et Chermoula d’aubergines-courgettes de Zohra Levacher dans sa Grande Traversée ; le Potage Cultivateur de Jean-François Piège pour Le Grand Fossé ; la Madeleine de partage
XXL d’Émile Cotte pour Astérix et Latraviata ; la Tarte aux pleurotes et parmesan de Simon Auscher pour Le Papyrus de César ; and so on… Une multitude de miams à réaliser au fil des saisons, mais une collection à mettre sous tous les sapins possibles en cette fin d’année, pour la modique somme
d’un cocktail correct dans la capitale luxembourgeoise…
3 QUESTIONS À CÉLESTE SURUGUE, DIRECTEUR DES ÉDITIONS ALBERT RENÉ
Bonjour Céleste, quelles sont les valeurs et la mission des éditions Albert René ?
Les éditions Albert René ont été créées par Albert Uderzo à la fin des années 70, après le décès de René Goscinny pour protéger et valoriser les œuvres communes de ces deux artistes de génie qui ont révolutionné la BD franco- belge. Leur œuvre la plus connue est Astérix le Gaulois, phénomène hors norme de l’édition avec plus de 400 millions d’exemplaires vendus dans le monde en 117 langues et dialectes. La totalité des droits (édition, audiovisuel, licence) liés à ces œuvres est ainsi détenue par les éditions. Notre mission principale dans ce contexte est de nous mettre au service d’Astérix en développant de nouveaux projets, seuls (albums) ou en partenariat (films, produits dérivés, attractions au parc Astérix) et en mettant en avant 65 ans d’une œuvre patrimoniale – principalement au travers d’éditions enrichies, de hors-séries presse ou d’expositions. Il est essentiel de retrouver nos valeurs dans tous nos développements : humour, amitié, esprit de résistance, convivialité.
Comment mène-t-on le « navire » Astérix en 2024 et quels sont les défis de demain ?
C’est une fierté et un honneur d’être à la tête du « navire » Astérix. À ce titre, on se doit d’être humblement au service du personnage et de son histoire en respectant l’ADN de cet univers incroyable et d’une richesse inouïe. Astérix nous impose une ambition forte et une exigence de qualité très élevée pour tous les projets auxquels nous associons le plus célèbre Gaulois. Continuer d’émerveiller et faire rire avec de nouvelles histoires autant de lecteurs ou spectateurs dans le monde et de générations différentes est et restera notre plus grand défi, aujourd’hui comme demain.
Après ce projet gastronomique et solidaire, où pourrait bien s’aventurer le monde d’Astérix ?
Nous avons plein de très beaux projets en préparation, mais il est trop tôt pour en parler. Ce qui est certain, c’est qu’Astérix est un personnage populaire et exigeant qui peut rencontrer son public avec succès dans le cadre d’un album BD bien sûr, mais aussi d’une exposition dans un musée, avec un jeu vidéo, au cinéma, dans un parc d’attractions ou avec un projet solidaire comme l’ouvrage des 40 banquets avec les Restos du cœur. C’est sa grande force… et même sans potion magique !
Ce format est également à retrouver dans le Bold Magazine #89, à lire en ligne ici!
Un concentré de news culture, de bons plans lifestyle, de reviews et d’exclus en une newsletter BOLD chaque mercredi ? C’est en un clic avec ce lien !