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Benjamin Martinez : « Il faut changer nos modes de consommation »

Souhaitant offrir une alternative propre à la fast fashion, Benjamin Martinez a fondé Fenyx, une marque de vêtements en tissus recyclés. Les pièces griffées Fenyx sont fabriqués localement, entre Nancy et Metz. L’ancien ingénieur de la construction était pourtant bien loin du monde de la mode…

Quelle est l’histoire derrière Fenyx ?

Fenyx est l’aboutissement d’un besoin personnel non assouvi, dans le sens où j’avais fait évoluer ma façon de consommer niveau alimentation, niveau produit d’entretien et cosmétiques, mais je ne trouvais pas de vêtements qui correspondaient à mes valeurs. J’en avais assez de participer à un système que je ne cautionne pas. J’étais malgré moi un panneau publicitaire ambulant. J’ai donc commencé à m’intéresser à l’univers du textile, pour comprendre les process de fabrication. Je souhaitais proposer une alternative cohérente afin de transformer mon engagement en acte. Fenyx offre des produits, aux valeurs environnementales et sociétales fortes, avec une transparence et une traçabilité.

Êtes-vous issu du monde de la mode ?

Non, pas du tout ! J’étais à mille lieux du monde de la mode avant Fenyx, j’étais ingénieur en économie de la construction. J’ai donc beaucoup travaillé pour créer cette marque. Et puis, l’univers est parfait comme on dit. J’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment. À la base, je devais fabriquer à Saint-Etienne avec du tissu d’Amiens. Finalement, la pandémie de Covid-19 a bouleversé mes plans. J’ai eu la chance de rencontrer un fabriquant de tissu basé à Nancy et un gérant d’atelier situé également à Nancy. Mon tissu est donc nancéien, il est d’une qualité largement supérieur et est plus durable. Il est aussi bien plus engagé et transparent au niveau environnemental. La confection est faite plus localement ce qui permet d’avoir un impact plus important sur le territoire lorrain. Grâce à cela, la marque a pu obtenir le label Mosl et le label La Lorraine notre signature.

« Nous ne sommes pas du tout dans une logique de surproduction »

BENJAMIN MARTINEZ

Quels matériaux utilisez-vous pour fabriquer les vêtements Fenyx ? Qu’est-ce qui vous différencie d’un polo acheté dans une grande enseigne ?

Nous utilisons des matières recyclées. Contrairement à un polo d’une grande enseigne qui va consommer à peu près 3 000 L d’eau, nous allons être davantage sur une consommation d’environ 1 L. Nous transformons de la bouteille plastique française après l’avoir collectée, nous avons ainsi une traçabilité sur le produit et nous connaissons son origine de A à Z. Ces bouteilles sont censées être brûlées ou enfouies. Cela permet donc de limiter les déchets en décharge et de ne pas faire pousser des matières au bout du monde. La production de coton consomme beaucoup d’eau et implique l’utilisation de produits chimiques. Elle fait travailler de nombreuses personnes dans des conditions désastreuses. Ces vêtements font des milliers de km pour venir dans vos armoires. Nous vendons nos polos à 90 €, alors qu’un polo Ralph Lauren acheté en destockage coûte aux alentours de 120 €. Nous sommes donc moins chers que les grandes enseignes pour un vêtement qui est produit localement avec une qualité de tissu supérieur et des valeurs sociétales beaucoup plus importantes, opposées à celles l’industrie de la mode. Il n’est en aucun question d’exploitation chez Fenyx.

Vos produits sont essentiellement fabriqués dans le Grand Est, avez-vous eu des difficultés à trouver des confectionneurs locaux ?

C’est assez difficile puisqu’il y a énormément de marques qui souhaitent faire du made in France, le peu de confectionneurs locaux sont donc très sollicités. Les coûts de fabrication en Made in France sont importants. La problématique était de trouver des sociétés locales, partageant les mêmes valeurs que nous, et disponibles. Nous produisons nos pièces en petite série afin de rester cohérent, cela nous permet de mieux gérer notre acheminement de tissu et matière. Nous ne sommes pas du tout dans une logique de surproduction, nous travaillons à la pré-commande et n’avons pas beaucoup de stock. Lorsqu’un client commande un produit Fenyx, il doit prendre en considération ce volet. Il y a tout un travail de pédagogie avec le client pour le sensibiliser à ce mode de production différent et exclusif. L’attente vaut le détour !

« La fabrication d’un polo Fenyx nécessite l’équivalent de sept bouteilles en plastique recyclées ainsi que 80 grammes de fibres végétales. »

BENJAMIN MARTINEZ

Où peut-on retrouver les vêtements Fenyx ?

Nous avons deux points de vente à Metz, l’un à Maze Metz (rue de la Chèvre) et l’autre au Centre Saint-Jacques. Nous avons également deux distributeurs nancéiens dont Exclusive Lingerie Nancy. Il y a aussi notre site internet. Et nous avons été contactés récemment par un magasin à Belfort et à Épinal. Pour l’instant, nous vendons principalement des polos. La fabrication de ce produit nécessite l’équivalent de sept bouteilles en plastique recyclées ainsi que 80 grammes de fibres végétales. 2 000 L d’eau sont ainsi préservés.

Comment peut-on enrayer la mécanique de la fast fashion ?

Dans certains cas, la consommation de fast fashion est une question de pouvoir d’achat. Car il est vrai que le made in France coûte un certain prix.  Nous avons développé une application pour que les gens puissent s’habiller gratuitement afin de solutionner le problème du budget. Pour enrayer la machine, il faut aussi sensibiliser au maximum aux questions écologiques. Il doit y avoir une prise de conscience du côté des consommateurs. L’échange reste primordial afin d’exposer les problématiques liées à la fast fashion. Nous avons ouvert une boutique au Centre Saint-Jacques, à Metz. Nous croisons régulièrement des clients qui avaient pour habitude d’aller au H&M voisin. Ils s’arrêtent par hasard dans notre boutique et découvrent notre marque. Ils allaient au H&M ou dans un autre magasin pour s’habiller. Avec Fenyx, en plus d’acheter des vêtements, ils retrouvent une identité de marque forte avec des valeurs environnements et sociétales indéniables.

Avez-vous rencontré des difficultés au début de Fenyx ?

J’ai lancé Fenyx en plein confinement, les débuts n’ont pas été de tout repos. De plus, je n’avais pas de compétences dans le textile et la couture donc il a fallu tout apprendre. Je n’avais pas non plus de relations dans ce secteur. J’ai passé de longues heures à appeler des entreprises pour échanger avec quelqu’un. Les débuts ont donc été sportifs. Actuellement, notre atelier est basé à Nancy. Nous en avons en réalité deux : un qui s’occupe des petites séries et un autre plus industriel pour les grosses commandes. Le nom de la marque a une vraie histoire : cela signifie garder espoir dans le chaos. Avoir la fe en espagnol signifie avoir la foi. Nyx est la personnification du tonnerre, du chaos. En réalité, nous sommes dans une période assez sombre. Mais malgré tout, j’ai espoir que l’on puisse faire renaître un monde plus juste, plus durable, plus éthique. Ensemble, nous pouvons changer le monde en modifiant nos modes de consommation.

Quels sont les projets de la marque ?

Nous avons participé les 4 et 5 novembre au village des solutions de demain, au Conseil départemental du 54. Le salon regroupe des acteurs engagés implantés en Meurthe-et-Moselle. Nous partons le 9 novembre au salon du Made in France, à Paris, pour représenter le département de la Moselle pendant 4 jours. À cette occasion, nous lançons notre application ainsi que quatre nouveaux produits (deux vestes légères et deux vestes plus épaisses) interchangeables et connectables entre eux. Puis, le 16 et 17 décembre, nous serons au salon de la mode durable à Roubaix.