Black Thunder fait gronder la techno au Grand-Duché
Promoteur de soirées techno depuis un an à peine, le jeune Tim Bettega, 18 ans tout juste au compteur, a vite su imposer ses événements sur le devant de la scène électro luxembourgeoise. Notamment au Melusina, mais pas que! Avec une clientèle et des concepts qui évoluent en permanence, il compte bien faire de sa passion une carrière future, dans la lignée de son pedigree familial. Rencontre avec la relève du clubbing Made in Lux, qui n’a ni froid aux yeux, ni la langue dans sa poche…
Tim Bettega est un enfant du pays, c’est le moins que l’on puisse dire : des origines italiennes et françaises, mais aussi une éducation luxembourgeoise dans le public où il se plait, mais où il peine à pratiquer le français. Direction donc la Normandie et l’internat pour une paire d’années collège, avant de revenir au Luxembourg pour continuer sa formation. Mais le train-train quotidien de l’élève ne lui correspond plus et le jeune homme a déjà des vues sur tout autre chose : la nuit et le clubbing. Il faut dire que c’est un milieu qu’il connaît depuis qu’il est jeune, voire très jeune : « Mon père est restaurateur et a eu pas mal d’établissements dans les années 90 et 2000. Il a notamment dirigé le Full Monty, un lieu très connu au Kirchberg à l’époque ! » – c’est le cas de le dire, tant les afterworks sur place sont alors une véritable étape incontournable pour tout bon expat’ et/ou fan de danse latine muy caliente après une dure journée de labeur…
L’héritage du clubbing luxembourgeois
Le soir, Tim n’étant pas très enclin à se faire babysitter, il se joint tôt aux aventures nocturnes de son paternel, observant avec émerveillement la foule festive avant de tomber dans les bras de Morphée sur une banquette tout confort. « Je n’étais pas vraiment un fêtard moi-même, j’ai surtout toujours aimé regarder, observer, analyser ce qui se passait autour de moi. C’est encore aujourd’hui un de mes traits de caractère », précise celui qui remplit sa première salle dès 17 ans, avec la première soirée Black Thunder. L’idée lui vient à l’approche des fêtes en 2022, alors qu’il ne trouve pas de scène nocturne qui convienne à ses goûts et à ceux de ses amis : « C’est comme si on assistait à la baisse de la qualité des soirées, avec des concepts assez anecdotiques et très peu d’investissement pour créer une vraie expérience, comme j’avais pu en vivre il y a quelques années. Faire du nombre, point. Je sais qu’il y’a de quoi faire, mais pour moi ça n’allait pas dans le bon sens. J’ai eu envie d’apporter quelque chose de nouveau, ou de renouveau, qui parle à un public qui a les mêmes attentes que moi en tant que client ».
Dont acte. Le 1er janvier 2023, il lance Black Thunder, une soirée autour de la techno, de ses initiales et d’une promesse de moments épiques. La préférence pour le lieu s’impose naturellement : à l’époque, après s’être fait remarquer sur TikTok et avoir eu la bonne idée de faire toc toc à la porte de Dan Crovisier, il photographie les nombreuses soirées du Melusina, repère intemporel d’oiseaux de nuit adeptes de bons sons à Clausen. Si les évènements « 16+ » y sont un rendez-vous immanquable pour les baby clubbers depuis quelques temps, le Melu reste alors et aujourd’hui encore une référence pour une clientèle plus adulte, qui s’y est d’ailleurs retrouvée avec grand enthousiasme en février dernier pour souffler les 40 bougies du club ! Une population qui n’a, de plus, plus vraiment l’habitude de payer pour aller en soirée… Avec un line up 100% local et plus de 500 ventes de tickets, Tim Bettega va remplir le rez-de-chaussée du club et changer la donne. « C’est un peu comme si c’était devenu le temps d’un soir le club dont les clients avaient entendu parler pendant des années par leurs parents ». Et c’est exactement ça : Black Thunder semble agir dès sa création comme un facteur de transmission d’une certaine idée de la nuit luxembourgeoise, comme un passage de flambeau sans pour autant mettre les 40+ au placard, merci bien, on en a encore sous le capot !
Techno tonique
Au cœur du projet Black Thunder, que son fondateur nomme à présent collectif, il y’a d’abord et avant tout le retour en force et en grâce de la techno chez les jeunes. Longtemps considérée comme alternative, puis presque ringarde, elle s’offre une seconde jeunesse – et pas qu’un peu – grâce à des concepts comme Boiler Room, des festivals comme Tomorrowland et des DJs et DJettes superstars aux cachets astronomiques. Les clubs les plus exclusifs de la planète investissent dans des décors digitaux pharaoniques et relaient les montées et les « drops » de leurs guests à grand coup de réseaux sociaux, créant une hype 2.0 hallucinante auprès des nouvelles générations, générant même des vocations. Pour Tim Bettega, c’est clair, il y’a encore un potentiel à exploiter en la matière au Luxembourg, même si quelques tontons de la techno n’ont jamais lâché l’affaire et font vivre la scène de manière constante depuis la première galette de Laurent Garnier – kudos à eux.
Pour la première édition de Black Thunder, ce sont des talents locaux qui furent mis en lumière et dans les oreilles du public : MonoToleranz, Louisa Pitz et Messiah Black. Mais les invités internationaux vont vite faire leur apparition au fil des 5 soirées organisées sur 2023, accompagnant une fanbase du concept rapidement fidélisée. « Il y’a un groupe de potes de Londres et d’Espagne qui sont venus presque par hasard à la première Black Thunder et qui reviennent à Luxembourg exprès depuis, ça me fait halluciner, c’est vraiment un plaisir », s’enthousiasme Tim, qui en profite par la même occasion pour émettre certaines réserves quant aux tarifs « excessifs » pratiqués par certaines agences d’artistes profitant de cet engouement pour la musique techno. Mais au-delà de celle-ci et de la vibe générale que Black Thunder a réussi à créer et imposer, il y’a aussi d’autres volets très énergivores, auxquels le jeune promoteur a dû vite faire face…
Un métier, un avenir ?
Booker les têtes d’affiche internationales et locales, ça, il sait faire. Mais Tim s’est aussi vite rendu compte que ce n’était pas tout : installer un décor, créer une identité visuelle qui marque, communiquer après du public cible, gérer un budget et allouer des dépenses à des postes précis : ce n’est pas nouveau, mais organiser une grosse (et bonne) soirée est un métier, qui prend du temps ! « Pour l’instant, je fais le pari d’investir une grosse partie de ce que je gagne à chaque événement dans la soirée suivante, par avance. C’est potentiellement risqué, mais c’est comme ça que j’aime travailler, et j’arrive à me rémunérer. J’ai d’ailleurs découvert les joies de payer des impôts, maintenant que j’ai créé une entreprise individuelle… », nous confie avec un sourire en coin Tim, qui semble avoir compris l’obligation du sérieux dans le monde très « sans lendemain » de la nuit.
L’avenir de Black Thunder, ce dernier le voit tout d’abord dans un développement et une déclinaison du concept ainsi que dans une diversification des événements proposés, dans une approche collaborative, afin d’asseoir le caractère de collectif qu’il souhaite lui conférer. Il se voit bien créer un premier petit festival, ou encore un rallye mélodique dans des sites historiques… Puis il aimerait proposer des événements dans la Grande Région – « Arlon par exemple, où j’aime beaucoup l’ambiance, ou encore Saarbrücken qui est déjà bien connue pour sa scène électro » – avant, un jour peut-être – Berlin, Paris ou Milan. Ou encore Anvers, où il a pu assister à un live mémorable d’une de ses artistes préférées, Charlotte de Witte. Côté inspirations justement, Tim cite le festival Extrema Outdoor à Hasselt ainsi que la référence mondiale Afterlife ; mais aussi la musique de film et notamment Hans Zimmer, dont il est grand amateur.
Mais avant ces souhaits pour le futur, il sait aussi rester serein et réaliste, même s’il a quitté le cursus scolaire pour le moment : « Ce n’est pas ce dont j’ai besoin aujourd’hui, mais j’aimerais obtenir mon diplôme plus tard, grâce aux cours du soir, comme l’a fait en son temps M. Asselborn, pour pouvoir ensuite étudier ce qui est nécessaire à la création de mon propore établissement ». Et c’est tout ce qu’on peut lui souhaiter !
Prochaine soirée La Sphère : ce samedi 11 mai au Melusina.
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