Cali : « Mes albums sont le fil de ma vie »
Photos : Billie Larsen
Vingt ans après son premier album, L’amour parfait, Cali signe un nouvel opus intitulé Ces jours qu’on a presque oubliés. À travers des textes toujours aussi justes et poétiques, l’auteur et interprète français nous offre un voyage magique, teintés de confidences, jusqu’aux confins de l’Irlande. Dans cet album, toujours aussi riche et profond, les sonorités se bousculent et transcendent la voix rauque d’un chanteur engagé que les années subliment. De passage à Dudelange, pour un concert déroutant de générosité au Centre culturel Opderschmelz, nous avons eu le bonheur d’échanger avec cet artiste fou amoureux de la scène et des émotions qui volent.
Ton nouvel album Ces jours qu’on a presque oubliés sortira le 14 octobre, comment le définirais-tu ? Qu’est-ce qui t’a inspiré pour ce projet ?
C’est un album très acoustique, enregistré sur une seule prise. J’ai voulu garder ce premier jet pour sublimer cette pureté captée lorsque l’on crache dans le micro nos chansons pour la première fois. J’ai mis dans cet album des mots très personnels, il était donc hors de question de tricher. En général, on fait entre cinq et dix prises en essayant toujours de retrouver cette émotion ressentie au début de l’enregistrement. Je dirais que cet album est aussi un opus organique. J’ai eu la chance de jouer avec le violoniste de The Waterboys, Steve Wickham. Il a notamment joué sur le tube Sunday Bloody Sunday du U2. On a créé quelque chose qui se rapproche de l’univers proposé par Bruce Springsteen dans Nebraska. Il y a aussi des similitudes avec les projets musicaux de Bob Dylan ou bien de Johnny Cash mais avec des textes en français et même en espagnol. Tous mes albums sont très différents. Actuellement, tout va super vite avec les réseaux sociaux et tout ce qui est balancé en radio. Avec Ces jours qu’on a presque oubliés, j’ai voulu retrouver un peu de calme et retourner en quelque sorte à la source.
Les chansons de l’album ont été enregistrées d’une seule fois, j’ai comme l’impression que tu aimes te challenger…
Ce n’est pas vraiment un challenge, j’ai seulement voulu capturer un moment de vie. Je ressentais le besoin d’atteindre une certaine plénitude et de me poser enfin. Je voulais me retrouver avec mes mots, sans fioriture. J’aime dire que le héros ce n’est pas le chanteur c’est la chanson. On peut habiller une chanson à notre guise, avec une robe de bal ou avec une simple nuisette. L’auditeur entend tout de même de subtils arrangements, grâce à des orgues d’Église. Il y a aussi, ici et là, la présence d’un quatuor. Et si on tend l’oreille, on attrape quelques sonorités de mandoline ou de violon. Le piano et des sons espagnols s’invitent également à la fête.
Des sonorités irlandaises et espagnoles rythment cet album, qu’est-ce qui te plaît musicalement dans ces deux pays ?
J’ai fait une fugue, à 16 ans, je suis partie en Irlande pour retrouver une amoureuse. De suite, j’ai été absorbé par ce pays, par la gentillesse des gens et par la musique locale. Une certaine magie y règne. Je dis souvent que l’on appartient au pays où l’on souhaite mourir. Moi, c’est l’Irlande. J’entretiens une relation particulière avec U2 et le groupe The Waterboys. Ils ont le point commun de venir d’un pays fascinant et j’ai eu la chance immense de pouvoir jouer avec eux. À l’occasion d’un de mes voyages en Irlande, Steve Wickham m’a conduit dans un village nommé Sligo, dans l’ouest de l’Irlande. Il souhaitait me faire découvrir une pure tradition locale. Un beau jour, on part toquer trois fois à la porte d’une toute petite maison.
Puis, on rentre dans un couloir, des gens nous attendent avec des bougies. On boit évidemment du vin chaud. Et là, des musiciens irlandais jouent de la musique locale et vous êtes immédiatement plongés dans une merveilleuse ambiance. Cela me touche beaucoup car il y a une vraie histoire derrière cette tradition. En ce qui concerne la musique espagnole, elle fait complètement partie de mon ADN. Je viens du Sud de la France, de Perpignan. Les sonorités catalanes et gitanes ont donné de l’odeur à ma vie lorsque j’étais enfant. Elles m’ont vu grandir. Vous savez, j’ai eu l’occasion de jouer avec Patti Smith et Simple Minds notamment. Ces échanges musicaux m’ont apporté beaucoup d’exotisme et l’envie de donner de la couleur à ma musique.
Ces jours qu’on a presque oubliés est un album très intimiste, tu poursuis une sorte d’introspection après Cavale… Peut-on dire que tes albums sont comme une thérapie ?
Mes albums sont le fil de ma vie. Ils sont aussi le fruit de mes rencontres. J’écris et je compose l’ensemble de mes chansons. J’aime rencontrer des musiciens, échanger avec les gens qui m’amènent un autre ressenti et surtout leur amour de la musique. Dès le départ, j’ai voulu faire ce travail pour croiser des visages, voyager et arpenter des chemins encore inconnus. C’est une thérapie car cet album me permet d’aller sur la route et de faire ce que j’aime par-dessus tout.
En bon showman que tu es, tu enchaînes les tournées. Lors de tes concerts, tu es très généreux et tu donnes énormément à ton public…
La vibration ressentie sur scène est unique. Avec la pandémie, les gens ont pris l’habitude de commander de la nourriture, des films, des livres et des concerts à la maison. Mon idée est de montrer à tout le monde que rien ne vaut l’émotion d’un spectacle. L’échange entre un artiste et son public est tout à fait indescriptible. C’est un voyage intérieur extraordinaire. Plus j’en fais, plus j’ai envie d’en faire. C’est assez drôle !
Il y a 20 ans, tu sortais L’amour parfait. Depuis, rien ou presque n’a changé. Comment expliques-tu cette longévité et appréhendes-tu toujours la sortie d’un nouvel album ?
Je ne ressens pas vraiment de stress. À chaque fois que je sors un album, je retrouve un peu l’ambiance de Noël. Une période où l’on aime recevoir des cadeaux mais surtout en faire. On a envie de découvrir la réaction de nos proches à l’ouverture du présent. J’endosse ce rôle lorsque je sors un album. J’ai envie de découvrir le visage des gens qui écoutent mes sons. Effectivement, mon premier album a 20 ans et il m’a permis de commencer mon rêve alors que je pensais que ce serait le seul et l’unique. J’en suis à mon dixième album, je me sens extrêmement chanceux. Lorsque je regarde en arrière, même si je n’aime pas trop le faire, je me dis que c’est allé tellement vite… Hier, j’étais un enfant. Aujourd’hui, j’ai 10 albums à mon actif. C’est à la fois extraordinaire et complètement dingue ! Le public m’a toujours accompagné. Je me dis que cela peut continuer encore quelques années. À mon dernier souffle, je pourrais me dire que j’aurai quand même pas mal croqué la vie !
Outre la musique, tu écris des romans. D’où te vient cette passion pour l’écriture ?
J’ai écrit trois romans et je suis en train de boucler le quatrième. L’écriture romanesque est arrivée dans ma vie un peu hasard, il y a peu de temps. Un jour, une dame m’a dit qu’elle aimait beaucoup lorsque j’écrivais des chansons sur l’enfance et l’adolescence. Elle m’a ensuite demandé pourquoi je n’allais pas plus loin. J’ai donc démarré par une phrase, puis une deuxième et la machine était lancée. Le soir, lorsque je suis en pleine écriture et que je vais me coucher, je ne sais pas ce qui va se passer dans mon livre le lendemain. Je prends un plaisir fou à mener cette double vie. J’ai aussi toujours aimé la littérature, les auteurs américains comme Charles Bukowski, John Fante, Oscar Wilde ou encore Gabriel Garcia Márquez. Tous ces écrivains m’ont apporté tellement de joie et de liberté. Je pleurais parfois en lisant leurs mots.
Dans quel rôle te sens-tu le mieux : chanteur ou auteur ?
On peut ajouter au milieu père de famille et acteur. J’ai un film qui va arriver et j’ai fait du théâtre. Je me sens bien dans tous ces rôles. Il est vrai que lorsque je me lève le matin, j’ai plutôt tendance à écrire une chanson que de jouer dans un film (rires). Chanteur semble donc être mon rôle numéro 1. Mais je me dis aussi qu’il n’y a pas de chapelle, on est libre de faire ce que l’on souhaite.
Tu es aussi un artiste très engagé, en faveur de la planète notamment, en quoi est-ce important pour toi ?
Cet engagement vient de mon grand-père. Combattant, il s’est battu contre tous les fascistes : Mussolini, Franco et Hitler. Il est mort assez jeune. J’ai toujours été fasciné et bouleversé par son histoire. Comment un homme peut se réveiller un matin et se dire je vais aller défendre les opprimés ? Je trouve cela merveilleux. J’ai aussi quatre enfants, je me demande ce que l’on va leur laisser. Ils se posent des questions que je ne me posais pas à leurs âges. J’essaye « d’arroser » leur futur terrain pour qu’ils puissent après jouer dessus.
Pour assister au concert exceptionnel de Cali au Centre culturel Opderschmelz rendez-vous sur opderschmelz.lu !