Ces green apps bien pensées pour nos geeks responsables
Crise climatique oblige, les « green apps » foisonnent désormais sur nos smartphones. Les initiatives se multiplient aussi au Luxembourg. Clean Something For Nothing, Food4All, Climobil, Greenworlder: autant d’applications qui, du réseau social écolo à la lutte contre le gaspillage alimentaire en passant par le ramassage de déchets, tentent de faire une différence…
Créer ses propres produits, voyager durable, consommer moins ou mieux, limiter ses déchets, planter des arbres ou se déplacer sans CO2: à l’heure de la crise climatique et environnementale, les applications internet dédiées à l’écologie foisonnent, prodiguant conseils, défis ou outils afin de limiter l’empreinte carbone de ses utilisateurs, et ce dans tous les domaines de la vie et sous d’innombrables formes.
Le Luxembourg n’est pas en reste avec ces green apps, du partenariat à la création ex nihilo. Les initiatives se sont ainsi multipliées ces dernières années. Qui ne connaît pas ainsi la success story Food4All, l’application de lutte contre le gaspillage alimentaire lancée en 2017? F4A, porté par sa CEO, Ilana Devillers, collecte les denrées en passe d’être retirées de la vente, car trop proches de leur date de péremption, et les dispose dans un rayon spécifique de supermarchés partenaires où elles sont vendues à prix réduit. L’app permet au consommateur de connaître les produits disponibles. Plus de 150 supermarchés sont désormais partenaires du programme au Luxembourg, mais aussi en France ainsi qu’en Estonie…
Plus récente, l’application luxembourgeoise Clean Something For Nothing (CSFN) s’attaque quant à elle aux déchets. César Gonzalez, son fondateur avec Lester Perez Santos, est parti d’une expérience personnelle. Au cours d’une balade en 2018, il ramasse les déchets qu’il trouve sur son chemin. « J’ai vu qu’en dix minutes, je faisais la différence », se rappelle-t-il. Puis il partage ses séances de ramassage sur une page Instagram, dont le hashtag devient peu à peu viral. Pendant la pandémie, décision est prise de créer une app mobile dont le lancement a lieu en février 2022. L’utilisation est simple: sortir, ramasser des déchets avec un sac, prendre une photo bien sûr et enregistrer les données dans l’app, qui propose ensuite un suivi des quantités ramassées, des classements par pays ou des niveaux à débloquer. « Cela ne coûte rien, c’est très facile à réaliser et l’impact est très fort. En outre, on arrête surtout de jeter des déchets par terre », résume César Gonzalez. Jusque-là, 2300 sessions de ramassage ont eu lieu pour 480 tonnes de déchets ramassés à travers 54 pays.
Un des autres leviers pour lutter contre la crise climatique pourrait bien se trouver du côté des très populaires cryptomonnaies, selon Jean Lasar. Une idée « un peu folle », admet-il lui-même. Il part d’un postulat : « On sous-estime à quel point l’argent conventionnel nous maintient piégés dans les énergies fossiles ». Une première mise en œuvre pratique a lieu en 2019 dans les communes du sud du Luxembourg et leur système de vélos en libre-service Vel’Ok. Le principe: une application, Survcoin, avec un wallet où l’on gagne un survcoin pour chaque kilomètre effectué à l’aide de ces vélos. Des survcoins qui peuvent ensuite être dépensés chez les commerçants locaux participants. « Techniquement, ça a marché, mais on n’a pas atteint de masse critique », admet Jean Lasar. Le projet version Vel’Ok s’arrête donc là, mais continue avec la commune de Differdange, qui veut utiliser une nouvelle mouture de l’app pour inciter ses quelque 800 employés communaux à recourir à la mobilité douce (marche, vélo, bus, train, covoiturage) dans le cadre de leurs trajets domicile-travail et éviter ainsi l’autosolisme. Le lancement est programmé pour cet automne 2023… Et l’expérience ne devrait pas s’arrêter là : d’autres communes pourraient être intéressées, mais aussi des écoles ou des entreprises, espère Jean Lasar, qui compte bien étendre ces « écosystèmes locaux décarbonants ».
La mobilité est aussi l’objet de l’application web Climobil, développée en interne au sein du Luxembourg institute of science and technology (LIST). L’ambition est de « comparer correctement » l’empreinte carbone et environnementale des voitures, donc en comparant « ce qui est comparable : des véhicules de taille similaire, de même catégorie, mais surtout à l’aide de bases scientifiques robustes », explique Thomas Nazarette, créateur avec Thomas Gibon et Laurent Chion de Climobil. Après quelques semaines de travail, la première mouture est lancée en 2016. Elle permet de comparer deux véhicules, une électrique et une à combustion. Mais progressivement, année après année, l’application s’affine, les modèles de véhicules répertoriés augmentent (près de 1000 actuellement), les leviers de comparaison se multiplient (comparaison entre plus de deux voitures, prise en compte du lieu de la recharge et donc du mix électrique disponible dans la région, ou encore des impacts environnementaux autres que le CO2, comme la toxicité des matériaux polluants utilisés dans les batteries, par exemple). Le design, aride à l’origine, bénéficie à son tour d’une refonte afin de mieux accueillir les quelques centaines de visiteurs quotidiens de l’app. D’autres indicateurs d’impact environnemental devraient encore être ajoutés à l’avenir, comme les particules fines émises par un véhicule.
Le LIST a aussi collaboré, avec plusieurs pays de l’UE, à l’élaboration de l’application Scan4Chem, lancée en 2019. L’app permet, en scannant le code-barre d’un article (les produits consommables ne sont pas inclus), d’en connaître la composition et de savoir notamment s’il contient des substances « extrêmement préoccupantes » (selon la définition de la réglementation européenne REACH). Mais si la base de données répertorie 50.000 articles, elle ne peut pas tout contenir. Une fonctionnalité de l’app permet donc au consommateur d’envoyer directement une requête au fournisseur ou au producteur de l’article qui a l’obligation légale de répondre dans les 45 jours. « On n’insiste pas que sur les produits qu’il ne faut pas consommer », prévient toutefois Ghaya Rziga du LIST, pour qui l’objectif est aussi de simplement « rassurer le consommateur sur ce qu’il utilise ». L’app, désormais disponible dans 19 pays de l’UE – et bientôt encore davantage – a été téléchargée à plus de 125.000 reprises et a permis la réalisation de 220.000 scans et de 40.000 requêtes.
L’application iNaturalist.lu s’adresse quant à elle aux passionnés ou curieux de biodiversité, en permettant de photographier des espèces pour enrichir la base de données du système mondial d’informations sur la biodiversité. Comme 23 autres pays à travers le monde, le Luxembourg est, par le biais du musée national d’histoire naturelle (MNHN), partenaire officiel depuis 2020 de cette application développée aux États-Unis. Celle-ci permet donc de photographier, géolocaliser et identifier une espèce (avec l’aide des propositions d’un algorithme). « Les scientifiques ne peuvent pas être partout ni tout inventorier », explique Paul Braun, digital curator au MNHN. « Le grand public peut nous aider ». Les 5.433 utilisateurs du Luxembourg ont partagé jusqu’à maintenant 242.971 observations menant à l’identification de 7.121 espèces différentes.
Et pour mettre en relation toutes ces bonnes volontés, quoi de mieux qu’un réseau social dédié à l’écologie ? C’est en tout cas l’idée de Greenworlder, un « social network » made in Luxembourg. « Nous voulons fournir une voie pour quiconque veut vivre une vie plus durable, et cela ne s’adresse pas qu’aux individus, mais aussi aux entreprises qui ont un réel agenda green », explique le CEO de Greenworlder, Daniel Klemetz. Si vous cherchez une app ludique comme TikTok, passez votre chemin. Imaginez plutôt une sorte de LinkedIn qui ne serait pas axé sur le professionnel, mais sur l’écologie. « Il s’agit davantage du contenu et de la qualité des échanges », précise Daniel Klemetz. Lancé sur le marché il y a quelques mois, le réseau social, entièrement en anglais, ne se veut pas de frontières. Et s’il compte déjà une dizaine de milliers d’utilisateurs, selon le CEO, l’objectif est de dépasser la barre des 100.000 dans les mois qui viennent. « Notre courbe de progression grimpe très rapidement », assure Daniel Klemetz.
Mais, in fine, ce foisonnement d’apps est-il vraiment bénéfique pour l’environnement ? « On peut se poser des questions », reconnaît le directeur de l’ERIN, le département de recherche environnemental du LIST, Lucien Hoffmann. « Ces outils – l’intelligence artificielle, les ordinateurs, les algorithmes, les bitcoins – sont peut-être intéressants, mais d’un point de vue énergétique, ils ont une consommation énorme ». Et le bilan avantages-inconvénients reste difficile à établir. D’un autre point de vue, la prolifération de ces apps et leur utilisation génèrent une quantité de données bien utile pour le crowdsourcing et la confection de nouveaux instruments plus perfectionnés. « Toutes ces informations plus précises – comme au niveau de la localisation – et plus fréquentes, parfois même en temps réel, peuvent servir pour alimenter de vastes bases de données et permettre de développer des outils plus innovants », explique Lucien Hoffmann. Notamment des dispositifs de gestion de crise afin de mieux réagir face aux catastrophes climatiques, comme les inondations. Les « green apps » actuelles alimentant celles du futur, celles-ci devraient donc bien continuer à se multiplier sur nos smartphones.
Ce format est également à retrouver dans le Bold Magazine #81, à lire en ligne ici!
Un concentré de news culture, de bons plans lifestyle, de reviews et d’exclus en une newsletter BOLD chaque mercredi ? C’est en un clic avec ce lien !