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CHAILD, 100% lui

Texte : Godefroy Gordet
Photo : Roxanne Peguet
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Qui s’évertue encore à faire semblant de ne pas connaître Chaild ? Le type est un incontournable de la scène émergente made in Grand Duchy… Logiquement entouré d’Edsun ou Maz, Adriano Lopes Da Silva dans le civil, développe son projet avec beaucoup de sérieux. Après avoir signé avec la boite de management Foqus, et soutenu par les grandes instances musicales luxembourgeoises, Chaild a de la motivation à revendre et d’immenses ambitions, largement à sa portée.

ADRIANO

« Ma mère est italienne et mon père portugais, j’ai grandi baigné dans ces deux cultures. Mon grand-père faisait un peu de musique, mais je ne viens pas d’une famille de musiciens ». Pourtant, très tôt, Adriano se met au piano, « je voulais faire du cornet, mais je pense que mes parents ne voulaient pas que je leur casse les oreilles… » Élève studieux jusqu’à ses 13 ans, le luxembourgeois décroche du piano classique, lassé de constamment préparer des examens, et souhaitant trouver un espace de créativité plus libre. Et puis, l’adolescent a certaines choses qui commencent à sortir de lui-même, « c’était un âge où on a des choses à dire, où un certain malaise commence à se faire sentir ». Il commence ainsi à écrire ses premiers morceaux, comme « une machine », forgeant ainsi les prémices de ce que sera sa musique plus tard.

Et puis, vient le premier déclic. Il participe à l’Eurovision Gala Night, sa première vraie compétition, en présence d’invités prestigieux comme Conchita Wurtz, un challenge qui le conquit et le pousse à imaginer des choses plus concrètes dans la musique, « ça m’a permis de montrer que j’existe, que la musique est une partie de moi, une façon de m’affirmer, de dire que je suis quelqu’un de spécial, que je ne suis pas comme les autres. Même si c’est très relatif, car tout le monde est spécial à sa façon… Mais c’est comme ça que je me voyais à ce moment-là ». Alors qu’Adriano avait conscience depuis longtemps que la musique ferait partie de sa vie, ce gala a été un déclencheur.

ADRIAN

En 2017, il lance son premier projet concret, nommé « Adrian », mais il a toujours du mal à se définir musicalement. « le rappeur luxembourgeois MAZ (que l’on vous présente dans notre édition 54 et avec qui il vit dorénavant en colocation à Bruxelles) est mon meilleur ami depuis le lycée, c’est lui qui, au début, m’a poussé à chanter au concours du lycée… » Les retombées sont telles, qu’Adriano trouve le courage de monter un set piano/voix, « J’ai enlevé le ‘Da Silva’, ça faisait trop acteur X, et j’ai créé ‘Adrian’ ». Il fait alors quelques scènes intéressantes, notamment au Grund Club, soutenu par Jessica Lobo, et enchaine les concours. Mais il ne se retrouve pas vraiment dans ce premier projet, « rien n’était défini, je ne savais pas où j’en étais personnellement et quelle direction je devais prendre musicalement ».

Pourtant, dans ce marasme, il trouve quand même le moyen de remporter un concours organisé à la Kulturfabrik, pour trouver un soutien au développement artistique, « ils m’ont beaucoup aidé, c’est pour cela que j’ai un lien très fort avec la Kulturfabrik. J’y ai fait la première partie de Dominique A, ils m’ont permis de travailler avec l’excellent Tom Gatti, qui a créé mes premiers morceaux Discontinuous et Chimney Sweeper ». Deux morceaux qui marqueront le début de son passage de Adrian à Chaild. En 2018, toujours sous Adrian, il remporte le Screaming Fields Festival du Rocklab et gagne un suivi professionnel qui lui sera bénéfique, « malgré beaucoup de retours négatifs après le festival, je me suis accroché… ». Et il fait bien, car peu de temps après, il est soutenu par Den Atelier et finit par faire la première partie de Dean Lewis. Une ascension éclair, ponctuée par un moment de sa vie où il commence à accepter sa personne et sa sexualité. Enfin, par le prisme de la musique, il se trouve lui-même.

CHAILD

À la scène il devient Chaild en mars 2019, livrant une musique pop éthérée, à la vocalité ample, aux mélodies sombres et aux lyrics mélancoliques. Une direction nouvelle pour sa musique, venue d’une libération, « j’ai fait mon coming-out, j’ai rencontré mon manager de chez Foqus et je me suis débarrassé de ‘Adrian’ qui me rappelait une période de peur ». Aujourd’hui, il se définit comme un artiste « électro-pop queer ». Une identité artistique à l’origine considérée comme subversive, politique et engagée, qui aujourd’hui se montre comme une culture populaire à part entière. Un aspect conscient dans sa démarche artistique, quelque chose qu’il veut vraiment revendiquer, « quand j’ai fait mon coming-out, ça a fait un peu de dégâts, je vais pas le cacher. Mais depuis ce jour-là, il y a 2 ans, c’est comme si tout d’un coup il y avait des couleurs, et qu’avant j’étais dans un film en noir et blanc. Aujourd’hui, je suis en paix avec moi-même ».

À l’image de beaucoup d’artistes de la scène LGBTQ +, il se positionne d’ailleurs comme l’une des voix de sa génération pour les jeunes queer qui souhaitent être entendus. Mais tout en nuance, il explique : « je ne veux pas être connu parce que je suis gay, je veux que ma musique ait du succès et être gay. Je pense que c’est important de le mentionner, dans un monde où les droits des minorités vont et viennent, je suis d’avis de dire qu’il ne faut pas prendre ça pour acquis. Alors, oui, je suis un artiste électro-pop et queer ». Et cette étiquette, il l’assume plus comme une personnalité, parlant d’une génération qui casse les codes, et cela se ressent dans sa musique, qui comprend l’intention d’être ailleurs, d’être à contre-courant, de faire quelque chose de nouveau, « Chaild, c’est un projet ‘in your face’, ce que j’écris ce sont des émotions vraies ». Si auparavant sa principale source d’inspiration était la mélancolie, il montre maintenant quelque chose de plus flamboyant et extravagant, assumant ainsi beaucoup plus sa virilité.

Retrouvez l’intégralité du portrait de Chaild dans notre édition 66