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“Close”, la délicate éclosion du masculin

Avec Close, le réalisateur belge Lukas Dhont, qui a obtenu un Grand Prix au dernier festival de Cannes, scrute la question très actuelle de l’éclosion du masculin, en mettant en scène un garçon meurtri par une amitié perdue.

Le film, tout en délicatesse, marque la naissance à l’écran d’un talent d’acteur, celui d’Eden Dambrine, qui lui a valu de monter à seulement 15 ans les marches cannoises. Quatre ans après “Girl”, drame sur une adolescente transsexuelle passionnée de danse, récompensé par la Caméra d’Or (meilleur premier film) à Cannes en 2018, Lukas Dhont, 31 ans, confirme son talent pour filmer cet âge de la vie, et la “violence d’être obligé de se conformer à la norme”, masculine en l’occurrence, avec ce drame plein de poésie.

Tourné à hauteur d’enfants, le film suit Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav de Waele), deux garçons de treize ans, amis à la vie à la mort.  L’insouciance de leur enfance dans la campagne belge, rythmée par les récoltes de fleurs dans les champs qui entourent leurs maisons, va être percutée par l’entrée au collège.

Tout à coup, le regard de leurs congénères sur cette amitié trop fusionnelle, trop physique à leurs yeux, va s’immiscer: si Rémi ne change rien à son comportement, Léo va peu à peu s’éloigner, désireux de faire plus “garçon” pour mieux coller à la norme masculine dominante: hockey sur glace et burgers, plutôt que promenades champêtres et inventions d’histoires.

“Amis depuis toujours, Léo et Rémi sont trop proches aux yeux des autres, ils vont beaucoup se faire juger, surtout quand Léo va vouloir être dans le groupe des garçons cool”, résumait à Cannes Eden Dambrine. La rencontre de ce frêle blondinet, fils d’agents immobiliers, avec le réalisateur Lukas Dhont ? “C’était un peu le destin, j’étais dans le train avec des amis quand tout à coup un homme m’a demandé tu veux faire du cinéma ? J’ai dit oui, et j’ai appelé ma maman !”, s’amuse celui qui était alors âgé de onze ans.

“Coeur brisé”

Le jeune acteur a appris la concentration et le perfectionnisme à l’école royale de ballet d’Anvers, et son internat pour lequel il a quitté le confort du foyer avec ses deux frères et trois soeurs. “Eden a un talent énorme, il sait vraiment jouer, c’est un acteur”, souligne Lukas Dhont, qui dit avoir été frappé immédiatement par “son énergie très forte et son élégance”. Exactement ce qui lui fallait pour ce deuxième film, qui veut après “Girl” traiter “les thèmes de l’identité, de la masculinité”.

Des questionnements qui remontent à l’enfance du cinéaste. “Enfant et adolescent, j’étais très solitaire, j’avais le sentiment de n’appartenir ni au groupe des filles, ni au groupe des garçons”, comme les personnages de “Close”, précise-t-il. Mais à l’adolescence, “quand les étiquettes arrivent dans la vie (…) j’ai eu le sentiment de perdre des amitiés à cause d’une peur de la physicalité, de la proximité, parce que le regard des autres voulait me donner une étiquette, j’étais vu comme très efféminé”, poursuit-il.

Le cinéaste, qui avait remporté la “Queer Palm”, le prix du meilleur film en rapport avec les questions LGBT à Cannes en 2018, considère-t-il “Close” comme un film “queer” ?  “Dans un certain sens oui, car il est lié à des thèmes qui sont très queer”, “mais au-delà, le film parle de l’amitié intime et ça, c’est très universel. Avoir un ami qui se transforme, et qu’on perd d’un coup, ça peut vraiment nous laisser le coeur brisé”.