Crazy Backstages : légende urbaine ou réalité ?

Dans le cadre de son partenariat avec le festival des Congés Annulés, Bold s’est engagé cet été encore plus loin avec les Rotondes et a proposé son premier Bold Talk, une table ronde conviviale et décalée sur un sujet forcément musical pour cette première édition : la « culture » backstage, avec ses nombreuses légendes urbaines, son évolution au fil des décennies, mais aussi des anecdotes très réelles d’experts en la matière…
En effet, sur la scène extérieure du festival, autour de moi, que du beau monde : tout d’abord les membres du groupe No Metal in this Battle, qui se produisaient dans le Klub des Rotondes le soir même, mais aussi Sébastien Cuvelier, directeur artistique du très chouette festival des Aralunaires et fin connaisseur des scènes internationales, ainsi que the one and only Fabienne Dimmer, qui côtoie chaque jour ou presque le gratin de la musique live grâce aux nombreux concerts prestigieux programmés par l’Atelier (A-Promotions)… La question n’était pas forcément aisée à aborder : on le sait bien, qu’il s’est passé et se passe encore des choses très « particulières » dans les coulisses des scènes mondiales, mais est-ce toujours aussi fou ? Quand tout cela a commencé et que devient aujourd’hui, au Luxembourg comme ailleurs, cette culture du backstage ?
L’origine ?
En tant que légendaire « mother » des artistes qui passent au Luxembourg, Fabienne Dimmer passe sa vie ou presque en backstage depuis près de 25 ans. Si j’imaginais personnellement que les prémices de cette image d’Épinal que l’on peut avoir des coulisses et de ce qui s’y passe dataient des années psychédéliques, Fabienne remonte même un peu plus loin, mais pas trop : « Les années 60, le début de la libération de la parole et des mœurs et le fameux sex, drugs and rock’n’roll sont probablement à l’origine de cela, je ne vois pas vraiment d’exemple antérieur. Je devais d’ailleurs être destinée à ce métier : mes parents m’ont conçue en mai 68 ! ».


Sébastien Cuvelier nous donne, quant à lui, les noms qu’il associe au début des crazy backstages : les Rolling Stones, Iggy Pop, David Bowie… Également photographes réputé, il souligne aussi l’aspect documenté de la chose : « Des photographes ont immortalisé certains de ces moments alors, il y a des documentaires un peu bootleg qui circulent… Robert Mappelthorpe, ancien copain de Patty Smith, fait partie de ceux-là ; Iggy pop lui-même, qui a shooté pas mal sur ses tournées avec Bowie, à Berlin notamment. Et puis il y a un documentaire à la réputation très sulfureuse, Cocksusker Blues de Robert Frank sur les Stones, qui n’a jamais eu droit de diffusion, mais qui incarnerait parfaitement cet aspect no limit des backstages d’alors : groupies, nudité, drogues… ». Avec No Metal in this Battle et de son leader Pierre Bianchi, on fait ensuite un bond en avant dans le temps, notamment avec le « mouvement plus alternatif de notre jeunesse, plus calme, plus professionnalisé, mais je me rappelle d’images venant des scènes Punk et Metal qui sont assez synonymes pour moi de cet aspect un peu dingue des coulisses ».
Vie privée et spécificités géographiques
Comme annoncé lors de ma question qui lui était annoncée, dans « la limite de l’acceptable et du légal », Fabienne pense bien « avoir tout vu », mais ne va certainement pas « tout dire », car selon elle, « c’est ça le backstage : c’est la vie privée des artistes » ! Le sexe bien sûr, la drogue aussi qui est arrivée dans la musique alors, mais ces pratiques évoluent beaucoup : « On imagine bien que Keith Richards s’est shooté avec tout ce qu’il pouvait à l’époque, mais les artistes d’aujourd’hui ne sont plus dans ces pratiques », confie-t-elle.
On imagine pourtant certains « riders », à savoir les fiches fournies par les prods des artistes contenant ce qui doit se trouver en loge pour leur accueil, contenir encore des items potentiellement…challenging : des M&M’s exclusivement bleus, des accessoires correspondant aux fantasmes de chacun, un pochon de cocaïne ? Pour Fabienne, à présent, les prods utilisent surtout ces demandes surréalistes pour une chose à la fois très pratique et plutôt cocasse : s’assurer que les lieux d’accueil lisent bien les riders et ce qui est important dessus ! « Ça je peux le dire : j’ai un groupe qui, à cet effet, mentionne à chaque fois un kilo d’héroïne afghane sur le rider. Juste pour tester notre sérieux ! Mais soyons honnêtes, ce genre de demandes se fait encore sérieusement, mais je n’y réponds certainement pas ».
Cette notion de refuge pour les artistes, Sébastien la respecte aussi pour les backstages des Aralunaires, mais remarque aussi de grandes différences parfois, en matière d’accueil, selon le pays où se déroule le live – et que lui confient volontiers les musiciens : « Il faut savoir par exemple qu’en Angleterre, avec le nombre faramineux de groupes qui s’y produisent, l’accueil est souvent très chiche, c’est tout juste s’ils ont un paquet de chips. Alors quand ils arrivent à Arlon avec des frigos remplis de bière belge, forcément, il ne faut pas les prier deux fois pour qu’ils vident tout » ! Pierre Bianchi a lui aussi entendu parler de ces conditions d’accueil très dures au Royaume-Uni… Et au Luxembourg ? « On a beaucoup de retours très positifs des artistes au Luxembourg et même si nous sommes plus petits, c’est un atout à mettre en avant pour notre scène live et attirer les artistes », nous dit alors Fabienne, avant de préciser qu’Amsterdam « est aussi une destination privilégiée, pour des raisons assez évidentes »…
Un nouveau backstage ?
On l’a compris : la scène live contemporaine et ses coulisses se sont éloignées du crazy d’alors et se sont professionnalisées, amenant de nouvelles pratiques. Des pratiques plus inclusives notamment, avec des artistes et des groupes qui tournent en provenance de pays, d’ethnies, de cultures et de religions bien plus variés qu’auparavant et qui impliquent des demandes plus ciblées. Aux Aralunaires, « on est déjà passé depuis un certain temps au tout végan en backstage par exemple, ce qui simplifie pas mal les choses et ce que correspond assez bien à un public artistique plutôt réceptif », confie Sebastien Cuvelier.
Et si le backstage était une possibilité espérée alors pour les fans et groupies d’interagir de manière exclusive avec les artistes, aujourd’hui, certaines formules « packages » ad hoc sont justement mises en place pour servir cette fonction en amont de l’événement – à l’instar du fameux « meet & greet » qui permet de rencontrer son artiste ou groupe préféré avant le spectacle, de tailler le bout de gras quelques secondes et de faire un selfie, souvent inclus dans un ticket/package VIP très, très cher ! L’expérience spectateur est stimulée, mais tous les packs « meet & greet » ne se valent pas selon Fabienne : « certains artistes font des trucs super, je pense notamment aux guitaristes qui passent du temps avec le public et avec qui tu reçois vraiment une expérience mémorable pour ton argent. Mais bien sûr, avec de grandes stars comme Johnny Depp par exemple, les sommes – de l’ordre de 1200 ou 1500 euros – peuvent paraitre effectivement absurdes »… Le « meet & greet », backstage de demain ? Cela reste donc à voir !
Quoi qu’il en soit, ces crazy backstages et leur nouvelle forme s’appliquent surtout aux artistes d’un certain calibre – et Pierre Bianchi nous apporte le mot de la fin parfait : « C’est effectivement un chouette mythe, mais n’oublions pas que la majorité des groupes ne sont pas des superstars, ils avalent les kilomètres dans leur camionnette pour se rendre sur le lieu du concert, et après le live, ils remballent leur matos et sont souvent juste contents de boire un dernier coup avec les organisateurs avant d’enchaîner. On est loin des légendes glamour et sulfureuses, mais c’est ce qu’on aime faire ! ».
Ce format est également à retrouver dans le Bold Magazine #87, à lire en ligne ici!
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