Regarder la vidéo en entier
Accéder directement au site
BOLD Magazine BOLD Magazine

Damien Deroubaix, «détruire pour mieux repartir»

Texte: Godefroy Gordet

Un mec simple et concret, un type qui ne passe pas par quatre chemins, un artiste qui sait où il va et comment s’y rendre… Ce sont les premières lignes de la personnalité de Damien Deroubaix qui nous sont apparues dès nos premiers échanges. Très vite, on comprend la pertinence du travail de l’homme autour de ses nombreuses expositions à travers le Monde ou des 7 catalogues monographiques qui lui sont consacrés. Le français renouvelle les contextes artistiques, repense le dialogue avec les spectateurs et dynamise le débat sur la société dans une logique très frontale. Des cultures populaires à une esthétique noire, enrichie d’un bestiaire étrange, Deroubaix par la métaphore des images nous invite à revoir notre monde.

Né à Lille en 72, de parents ouvriers, « ayant bien élevé leurs enfants», Damien grandit dans une «banlieue pourrie comme il en existe tant autour de Lyon». Depuis sa révélation pour l’art, le parcours du français est «Sans concession». Il étudie aux Beaux Arts de Saint-Etienne pour finir à l’Akademie der Bildenden Künste de Karlsruhe à la fin des années 90. Après avoir fait l’objet de superbes expositions solo entre la Suisse et l’Allemagne, il profite de résidences à Berlin en 2005 et à l’Iscp de New York en 2008 pour se voir nominé au Prix Marcel Duchamp en 2009. Suite à dix années passées à Berlin, Damien revient en France pour s’installer à Meisenthal. Aujourd’hui, nombre de ses œuvres font parties des collections de grandes institutions et musées, tels que le Musée d´art Moderne Centre Pompidou, Mamc Strasbourg, les Frac Midi-Pyrénées, Limousin et Basse Normandie, Fnac cnap, Musée du dessin et de l’estampe originale de Gravelines et  internationales, entre autres celles du Museum of Modern Art New York, du Centre Pompidou Paris, du Mudam, Luxembourg, Saarlandmuseum Saarbrücken, Museu Coleçao Berardo Lisbonne,  Albrecht-Dürer-Haus-Stiftung Nuremberg, Kunstmuseum St Gallen. Mais son affection se porte aussi sur le commissariat d’exposition (Altars of Madness, Casino du Luxembourg, 2013), un travail qu’il développe depuis 1999 avec zèle.

Dans sa peinture, il associe des références à l’histoire de l’art, à la culture populaire et ses iconographies, mais aussi à une «esthétique trash», pour laisser jaillir les influences de «Pablo Picasso, Diego Velasquez, Otto Dix, Max Beckmann, l´art mésopotamien, les fétiches nkisi, Grünewald, Slayer, David Hockney, Morbid Angel, Cannibal Corpse, Hans Holbein, Pieter Brueghel l´ancien, Rembrandt, Harmenszoon van Rijn, Henri Matisse, Albert Marquet, Napalm Death, Terrorizer, Alfred Böcklin, Eugène Delacroix, Véronèse, et des tas d´autres que je connais ou découvre dans les musées ou ailleurs», nous énumère t-il dans le désordre… Passé de l’aquarelle à l’huile sur toile depuis un peu plus de 2 ans, sa technique de travail évolue autant que sa peinture, son truc c’est de «Ne jamais arrêter, ne jamais avoir peur de tout détruire pour mieux repartir». Ensuite, le dessin l’amène à la sculpture, «Je ne me sens pas sculpteur». Néanmoins, tout est lié dans son travail, «Les choses circulent d´une œuvre à l´autre, se répondent, mais les combinaisons possibles sont multiples».

 Artiste international, Damien Deroubaix a connu de belles destinées dans chaque pays où il a pu vivre, «J´ai passé 10 années formidables en Allemagne, j´y ai fait pas mal d´expositions, aux USA, où j´ai vécu 6 mois, j’ai fait plein de rencontres, d’expos, les collectionneurs américains me soutiennent vraiment, j´ai 8 œuvres au Moma de New York, la Suisse m´a ouvert des portes formidables, et maintenant je découvre le Japon». Une œuvre qui semble universelle et bien reçue aux quatre coins du monde mais sans que l’artiste ne s’en soucie, «Je m´en fous de savoir que mon œuvre est universelle ou non. Ce n´est pas à moi de juger. Je fais mon travail c´est tout, l´histoire jugera». Dans cette logique, il explique ne pas se soucier des étiquettes qu’on pourrait lui donner, «Je peins le monde, si ça fait de moi un artiste engagé, soit».

Revenu pour quelques temps à Luxembourg, c’est par le biais de trois expositions; Bastion!, The loneliness of the long distance runner et Picasso et Moi; qu’il retrouve le public du Grand Duché avec enthousiasme.

Avec Bastion! aux Centres d’art Nei Liicht et Dominique Lang de la ville de Dudelange, avec Giulia Andreani, Aurélie de Heinzelin, Célie Falières, Camille Fischer, Caroline Gamon et Gretel Weyer, achevée le 25 février, il se place en tant que commissaire d’exposition, «Depuis des années j´organise des expos pour des artistes ayant un bon travail mais pas assez de visibilité». C’est après avoir visité les ateliers ouverts de la ville de Strasbourg, au Bastion 14, qu’il décide de monter une exposition à Meisenthal au Kunstverein Bitcherland-Artopie, reprise ensuite par Gabriele Langendorf au HbK Saar de Saarbrücken, puis Danielle Igniti à Dudelange, «Les œuvres ne sont pas pensées pour être ensemble mais j´ai fait le boulot du commissaire et tout se répond formidablement».

En parallèle, le 5 mars s’est achevée son exposition The loneliness of the long distance runner, présentée sur les deux espaces de la Galerie Nosbaum Reding, avec laquelle Damien collabore depuis 12 ans, «Je parle ici de l’histoire de la peinture, et donc du monde».

Enfin, son expo’ Picasso et Moi s’est ouverte, présentée au Mudam depuis le 20 février et jusqu’au 29 mai. Un travail hommage à «un vieux copain», que l’artiste montre avec beaucoup de fierté. Une exposition qui suit son chemin en plusieurs parties qui se dévoilent de musée en musée, «La première partie de l’exposition a été montrée à la Fondation Maeght en octobre 2014, Anne Dopffer, directrice du Musé Picasso de Vallauris m’a proposé de poursuivre l’aventure dans son musée avec Sueño (du 19.03 au 16.06). Exactement comme Enrico Lunghi l´a fait juste après en me proposant de reprendre l´exposition au MUDAM, exposition augmentée grâce à notre collaboration et à l´aide du Musée Picasso à Paris et de Catherine de Braekeler à la Louvière».

De la Galerie Jordan Seydoux à Berlin (Juin 2016), Jusqu’à la Tokyo Station Gallery au Japon (5.12.2015 au 7.02.2016), en passant par le Musée du Dessin et de l’Estampe de Gravelines (Juin 2016), Le Creux de l’Enfer, une expo’ à Thiers en France (12.10.2016 au 31.01.2017) et Dogs from hell chez Patricia Dorfmann (30.01 au 27.02.2016) à Paris, le travail de Damien Deroubaix, trouve une grande visibilité et toutes ces expositions lui permettent d’avancer, «J´ai entre douze et quinze expositions par an, plus de la moitié en solo, plusieurs institutions chaque année, je ne travaille pas in situ (je le ferai exceptionnellement pour le creux de l´enfer), donc chaque expo permet de pousser un peu plus loin mes recherches, ma peinture. Que faire d´autre sinon?». Et après son déjà long parcours, l’artiste français entretient l’ambition de développer prochainement une grande exposition personnelle dans une institution, «Pour me permette de faire le point sur 20 ans de travail».