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Einstürzende Neubauten : de l’industrie à la Philharmonie

Texte : Thibaut André
Cellphone pics : Carl Neyroud / Deadly Sexy Carl
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Le gang au logo préhistorique d’origine toltèque (ou olmèque, le débat reste ouvert) était de sortie ce mardi soir dans la prestigieuse salle de concert de la Philharmonie. Le scintillant Blixa Bargeld, que l’on connaît pour avoir longtemps officié aux côtés de Nick Cave au sein des Bad Seeds, débarquait avec ses acolytes d’Einstürzende Neubauten (traduction littérale : les nouveaux bâtiments qui s’effondrent) pour un concert immanquable en terres luxembourgeoises. Ce groupe de légende évolue depuis 1980 dans l’underground de la musique industrielle. Bold Magazine était présent pour ce live à guichets fermés et vous en rapporte la substantifique moëlle.

Riche d’onze albums studio (douze si l’on inclut « Stahlmusik » sorti en 1980), Einstürzende Neubauten est un groupe atypique et pionnier dont la musique n’est pas facile à aborder de prime abord. En plus des instruments traditionnels tels que la guitare, la basse, la batterie et le clavier, d’autres éléments insolites empruntés directement à l’industrie viennent compléter la panoplie : marteaux, tuyaux, verre brisé, limes, bidons, seaux… Une voix caverneuse, la plupart du temps d’expression germanique, vient surplomber l’ensemble dans un débit proto-slam sombre et angoissé, moite et inquiétant. Même les fûts du batteur sont habillés d’une feuille métallique pour ajouter à la froideur des sonorités. En plus du caractère industriel indéniable de leur musique, cette dernière s’aventure dans les eaux froides et hypnotiques du krautrock et du postpunk. Bref, on est très loin des formats FM traditionnels. Einstürzende Neubauten en est même l’antithèse.

Le public affiche au minimum quatre décennies au compteur en général et se veut plutôt stylé et aguerri. On ne vient pas pour la surprise ou la frime mais parce qu’on est fan. D’ailleurs, la salle est comble. En mode greatest hits pour cette tournée, Einstürzende Neubauten est venu rejouer ses tubes de déconstruction rock pour l’occasion. Leur dernier album « Lament » date de 2014 pour rappel.

Il est 20 heures. La pointeuse sonne le début du labeur et on investit l’usine avec les titres « The Garden », « Haus der Lüge », « Sabrina » ou encore « Sonnenbarke ». Le titre « Halber Mensch/Von Wegen » est introduit par Blixa avec un habile jeu vocal qui consiste à tapoter sur ses joues gonflées avec la bouche ouverte, ce qui ne manque pas de déclencher un brin d’hilarité dans le public. Ensuite, le morceau « Unvollständigkeit »  revêt une couleur particulière avec sa cascade de verre qui vient se briser dans un bac métallique en parfaite synchronisation avec le rythme et la structure du titre.

Au fil des morceaux, le groupe gagne en assurance et Blixa, en habile contremaître, cornaque l’équipe avec brio. Pieds nus comme son bassiste, il a troqué le bleu de travail pour un superbe costume noir agrémenté d’un élégant gilet sombre aux motifs cachemire. Il s’adresse volontiers à la foule en anglais comme en allemand.

La balance sonore est juste parfaite, il faut dire que la salle de la Philharmonie possède une acoustique de très grande qualité. L’usine tourne à plein rendement telle l’industrie allemande, la locomotive est sur les rails. Le rythme des chansons est effréné et le public, très enthousiaste, en redemande. Après une heure et demie de concert, le groupe reviendra sur scène pour deux rappels dont le flamboyant « Total Eclipse of the Sun » de l’album « Silence is Sexy » sorti en 2010. Au final, c’est sous un tonnerre d’applaudissements que le groupe quittera la scène non sans avoir salué respectueusement le public. La pointeuse indique 22 heures. Il est temps de poser les outils.