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« Élevage du vin » : ce qu’il faut savoir pour bien déguster local

Par Fabien Rodrigues / Photo : CI Photos

Que celle ou celui qui ne l’a jamais fait nous jette la pierre : alors qu’une dégustation de vin – nouvelle activité sociale ô combien plébiscitée à travers le globe – se passe tranquillement, les mots « élevé en fût », « sur lies » ou encore « barrique » font soudainement leur apparition. On se doute du principe de base, on hoche la tête en distillant des petits « tout à fait » qui font illusion ou presque et on repart avec une vilaine impression d’imposture. Qu’à cela ne tienne, on vous donne quelques éléments clés et paroles de pros pour briller en wine tasting – notamment sur les terroirs locaux…

L’élevage d’un vin est une des nombreuses composantes de sa qualité et des différents aspects qu’il va exprimer lorsqu’il sera dégusté – c’est indéniable. Il consiste en une étape « intermédiaire », souvent nécessaire, entre la fermentation alcoolique et le moment où le vin peut être mis en bouteilles – et donc devenir potentiellement buvable. Pour parler simple, c’est lorsque le vin est en train de « vieillir » en fût ou en cuve – le terme de vieillissement pouvant toutefois désigner aussi celui que le vin subit une fois mis en bouteille. C’est là que différents procédés vont agir sur ses arômes et le rendu final.

Inox ou bois ?

L’élevage en cuve inox est l’élevage le plus commun du vin. Très pratiques, car faciles à entretenir et à transporter, elles sont de plus neutres quant à leur interaction avec le vin et peuvent même offrir la possibilité de contrôler leur température.

Le long de la Moselle luxembourgeoise, certains vins sont plutôt soumis à ce genre de vinification classique afin d’intervenir le moins possible sur l’expression du cépage et du terroir, c’est-à-dire du sol sur lequel pousse la vigne. C’est notamment ce dernier qui donne les appellations prestigieuses comme les fameux « Premiers Grands Crus ». Dans ces cas-là, il peut être préférable d’avoir l’influence la plus minimale possible sur l’expression en question, comme en atteste Charlène Muller, maître de chai chez Domaines Vinsmoselle : « Pour les Grands Crus et les Premiers Grands Crus encore plus, il est important de maintenir une expression optimale du cépage choisi et du terroir. Les deux sont complémentaires : une parcelle d’un certain cépage à Schengen ne va pas donner du tout la même chose qu’une parcelle du même cépage à Mertert, il est donc primordial de respecter cela. On va donc plutôt opter pour des élevages en cuves inox. On va seulement choisir des fûts en bois, de chêne en général, pour certains cépages qui s’y prêtent bien, comme les Pinot Noir, le Pinot Blanc ou le Chardonnay ».

L’utilisation de fûts de chêne va alors revêtir un aspect différent entre les vins blancs et les vins rouges : quand ces derniers ont déjà fermenté avant la mise en fût, la fermentation des blancs va se dérouler dans le fût en question. Cet élevage dure de quelques semaines pour des vins de type primeur à plusieurs mois, voire plusieurs années pour les vins de garde. Mais qu’apporte le contact entre le vin et le bois du fût, aka la fameuse barrique ?  « La porosité du bois des fûts va permettre un échange avec l’extérieur, soit une micro-oxygénation qui va apporter une certaine stabilité au vin. Ensuite, plus le vin est au contact du bois, notamment dans les petites barriques où la surface de contact est relativement plus grande, plus la réaction entre les deux éléments va libérer certains tanins de saveur : on va retrouver la vanille par exemple ou les côtés toastés, beurrés et boisés. Le fruit frais du vin élevé en inox va laisser place petit à petit à du fruit plus compoté, voire du fruit sec », explique Charlène Muller.

En matière de taille, si vous visitez les caves luxembourgeoises, vous verrez surtout des cuves en inox et deux types de barriques : les petites barriques classiques de 220 litres environ utilisées par exemple pour le Chardonnay dans les caves Domaines Vinsmoselle ou les foudres, sortes de fûts géants utilisés pour certains Pinots. C’est également le cas au sein de la Maison Viticole Schmit-Fohl, à Ahn, première à avoir cultivé du Chardonnay le long de la Moselle luxembourgeoise, comme nous le confie Nicolas Schmit-Fohl : « Nous utilisons en effet des foudres pour nos Rieslings, car cela permet un élevage légèrement oxydatif sans pour autant ECO prendre trop de bois, que nous ne cherchons pas. Les petites barriques de type bourguignon, donc de 228 litres, sont plus utilisées pour nos Chardonnays par exemple, ou nos Pinots Noirs, notamment pour certains millésimes adéquats qui supportent bien le contact avec le bois. Pour les crémants, le passage en fûts de bois assez âgés, c’est-à-dire 10 ou 12 ans, permet aussi une vinification plus oxydative sans trop de barriques, pour obtenir un résultat optimal et des bulles beaucoup fines. Une grande partie du savoir-faire s’obtient par des années d’expérience; nous allons même restaurer bientôt d’anciens fûts en béton par exemple, qui ont plus de 50 ans, que nous utiliserons pour nos vins de réserve »…

Nicolas et Mathieu Schmit-Fohl

L’élevage sur lies

Voilà un autre terme souvent utilisé lors des dégustations et qui peut laisser légèrement pantois : l’élevage sur lies ! Si à l’écoute, on pourrait imaginer de grosses soirées pyjama entre fûts adolescents, il n’en est évidemment rien : les lies sont en fait ce qui reste des levures utilisées pour la fermentation du vin une fois leur tâche de fermentation – c’est en effet elles qui transforment le sucre en alcool – effectuée. Une fois que plus rien n’est à transformer, elles meurent et tombent au fond de la cuve ou de la barrique : ce sont les lies.

Quant à la décision d’élever un certain cru sur ces lies en question, qui est procédé plutôt technique, c’est encore Nicolas qui en parle le mieux : « Il faut déià faire la différence entre les lies grossières, à savoir l’intégralité des lies apparaissant dans une cuve, et les lies fines qui arrivent après un soutirage et qui restent en suspension dans le vin en formation. Le travail du vinificateur va être d’agir sur cette étape très technique en fonction de la structure du vin et du résultat voulu. Par exemple, une étape d’élevage sur lies grossières va pouvoir amener une minéralité intéressante dans certains cas, quand les lies fines peuvent apporter un côté un peu plus gras… Le mieux est encore de passer nous voir au domaine, les viticulteurs sont toujours ravis de faire découvrir leur métier en caves ! ».

Quoiqu’il arrive – et Charlène et Nicolas sont d’accord – il faut goûter ! Chaque production est en effet d’abord dégustée par ses vinificateurs tout au long du processus d’élevage, jusqu’à ce que le résultat soit convaincant et jugé bon pour être mis en bouteilles. Avant que vous – et nous – amatrices et amateurs de bons vins, puissions en faire autant !

Focus : l’AOC Moselle, côté français.

Si la Moselle Luxembourgeoise jouit d’une réputation solide au sein de la Grande Région et même au-delà, on peut avoir tendance à oublier que la Moselle française possède elle aussi sa route des vins et son appellation d’origine contrôlée : l’AOC Moselle. « À l’échelle de l’histoire du vin de Moselle, dont les origines remontent à l’Antiquité, l’ancienneté de l’AOC Moselle, qui fête ses 12 ans en 2023, pourrait sembler presque anecdotique…

Vignes en bord de Moselle, proches de Sierck-les-Bains / Photo : Guillaume Ramon

Et pourtant, elle traduit la réalité d’une véritable renaissance, celle d’un vignoble déjà célébré par le poète Ausone voici deux millénaires. Un vignoble qui a marqué, depuis, l’histoire et les paysages de la Moselle, et aurait pu, suite aux coups portés par la guerre, la révolution industrielle et le phylloxéra, disparaitre définitivement… Heureusement, grâce à l’énergie et à la foi d’un groupe de vignerons regroupés au sein de l’ODG AOC Moselle, mais aussi au soutien sans faille du Conseil Départemental de la Moselle et de la Chambre d’Agriculture, ce patrimoine qui fait partie intégrante de l’identité mosellane, est désormais préservé du déclin. Mieux encore, il renaît, grandit en surface et en qualité, suscite un véritable engouement en et hors Moselle », déclarait ainsi en 2023 Patrick Weiten, Président du Département de la Moselle et de Moselle Attractivité dans une véritable lettre d’amour au vignoble mosellan.

L’AOC Moselle, ce sont 19 vignerons, répartis sur trois territoires et 18 communes : du Pays des Trois frontières au Pays Messin, formant une route des vins qu’il fait bon découvrir, tout comme le secteur de Vic-sur-seille, près de Château-Salins. Les cépages cultivés y sont sensiblement identiques à ceux qui le sont de côté luxembourgeois, avec une emphase sur le Pinot Noir, l’Auxerrois, le Müller-Thurgau et le Pinot Gris. Et plus de la moitié des domaines sont de plus déjà entièrement convertis en bio depuis 2020 ! Il serait difficile de vous détailler toutes les bonnes choses que l’on trouve à goûter sur cette route des vins encore trop méconnue, mais notons tout de même les récompenses les plus récentes obtenues par quatre de ses vignobles emblématiques au Concours Général Agricole 2023 :

— Domaine Oury-Schreiber : médaille d’or pour son Auxerrois ;

— Domaine Les Béliers : médaille d’or pour « La Vigne aux oiseaux » (Auxerrois), médailles d’argent pour « Papillon » (Auxerrois) et pour « Rubis » (Pinot noir) ;

— Domaine Sontag : médaille d’argent pour son Müller Thurgau ;

— Château de Vaux : médaille d’argent pour « Les Clos » (Pinot noir). 

Audrey et François, propriétaires du domaine Maujard-Weinsberg

Quant au coup de cœur Bold, il va au jeune domaine Maujard-Weinsberg, né en 2016 grâce à la volonté de François et Audrey, duo de passionnés engagés et basé à Marange-Silvange. Exprimant avec précision les terroirs locaux, les crus aux noms évoquant souvent ces mêmes terroirs with a twist sont produits selon une méthode de vinification parcellaire et monocépage et sont plébiscités par les meilleures tables gastronomiques de la région.

Ce format est également à retrouver dans le nouveau Bold Magazine #85, à lire en ligne ici!

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