“Eppur Si Muove”, infiniment grand!
Dans la série des expositions à voir cet été, Eppur Si Muove – Art et Technique, un Espace Partage, est sûrement l’expo du moment en grande région. Même si Warhol Underground fait grand bruit au Pompidou Metz, l’expo’ du Mudam a pris une telle ampleur de par sa réussite, après les 1 200 personnes présentes à l’inauguration, qu’elle est très vite devenue incontournable, et à raison.
Cette exposition en collaboration avec le Musée des Arts et Métiers-CNAM de Paris est une franche réussite. Hyper vaste et complexe, elle aurait pu néanmoins facilement tomber dans les affres d’une masturbation intellectuelle, élitiste et prétentieuse. C’est en tout cas ce qu’on a d’abord cru lorsque l’on nous a parlé de “rapport poétique aux formes” et de “géométrie descriptive”. Même si les concepts de ce genre ne nous sont pas dénués d’intérêts, il faut avouer qu’une exposition comme celle-ci mérite de garder les pieds sur terre, pour en saisir toute la portée.
Ainsi, nous voilà plongés dans ce “grand tout”, que les curateurs du Mudam ont expressément voulu, “accessible à tous”. Divisée en trois chapitres, La Mesure du temps, La Matière dévoilée et Les Inventions appliquées, eux-mêmes séparés en sous-divisions, l’exposition se veut intuitive et itinérante. Elle rassemble de nombreuses oeuvres mises en relation pour comprendre la spécificité des arts et des métiers techniques qui dessinent l’horizon artistique de chaque époque. S’expose à nous, un parallèle entre objets techniques et oeuvres d’art de façon chronologique. Il y a dans cette exposition une typologie entre les artistes. Une somme de relations entre ces objets historiques qui ont pu influencer et guider, à un moment, l’art contemporain. Ici, l’objet d’expérience, de démonstration, en le confrontant avec des oeuvres abordant les mêmes thématiques, devient lui-même pièce d’art et s’invite entre les cimaises du musée, comme objets artistiques de références. En d’autres termes, les “objets” rencontrent la pensée des artistes et contribuent à la compréhension d’Eppur Si Muove.
“Nous nous sommes questionnés, sur comment construire une exposition comme celle-ci, sans faire uniquement des rapprochements analogiques”, expliquent les commissaires Clément Minighetti et Vincent Crapon. Il s’agissait de faire des 14 chapitres de l’exposition, des jalons pour saisir le sens de l’espace et du temps et par extension essayer de se comprendre nous-mêmes. Le Mudam, transformé en cité des sciences, avec quelques oeuvres interactives, surtout vers la fin du parcours, après la naissance de l’électricité (vous verrez, ndlr)… Même si certaines associations entre les pièces exposées pourront vous sembler alambiquées, il faut admettre que le positionnement des commissaires permet de trouver des réponses scientifiques par l’esthétisation de ces savantes machines. Tout semble relativement complexe dans cette expo’ qui nous montre les mécaniques du monde, mais pas à pas, on commence à capter les phénomènes qui permettent de comprendre le corps. Là, la visite devient instructive et passionnante, et d’oeuvre en oeuvre notre intérêt grandit.
Inutile de citer Léon Foucault et son pendule, Ólafur Elíasson et son Trust Compass, Stelarc et son travail bio mécanique, la machine Fatamorgana de Tinguely ou les autres… Ludique, instructif, poétique, presque PAS masturbatoire, Eppur Si Muove est à faire avant tout car elle nous montre que c’est dans leurs présences physiques que les choses sont monumentales et nous invite à regarder autrement des objets qui semblent souvent anodins ou passéistes. Eppur Si Muove (“Et Pourtant elle Tourne!”) est une exposition ultramoderne en phase avec notre ère, où l’histoire des phénomènes qui dominent notre monde nous est conté. Tout ça, pour nous questionner nous-mêmes…