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Essaouira, ça ira !

Par Sebastien Vecrin / Photos : Heiko Riemann / Photo principale : Peter Schulz

« Marrakech arnakech, Essaouira, ça ira ! » Cette punchline pas ouf n’est pas de moi, mais de Youssef, le taxi driver qui nous conduit de l’aéroport d’Essaouira-Mogador à notre hôtel, à quelques encablures des remparts de la vieille ville. Nous débarquons dans la cité des Alizés en bande pas très organisée pour célébrer le mariage de notre ami Pascal avec le plus beau joyau du pays, sa future femme originaire de Casablanca. On a prévu de faire un max de bordel sans trop perturber les us et coutumes des locaux. Allez viens, je t’emmène. 

Sur fond de musique gnaoua dans la Mercedes 190, Youssef me raconte tout sourire qu’il a dépanné, dans les années 60, Jimi Hendrix et Cat Stevens qui s’enjaillaient dans les bas-fonds les plus underground de la citadelle. Arrivés à bon port, sur le parvis de l’Hôtel Le Médina Essaouira Thalassa Sea & Spa, il me tend sa carte en me fixant droit dans les yeux. « Khoya, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu m’appelles ! ». J’en prends bonne note. La moitié des convives a opté pour ce palace tape à l’œil, face à l’océan, en marbre, avec portiers et porteurs, grande piscine, quatre restaurants, cocktails bigarrés, fitness et tout le toutim et l’autre pour un Riad plus typique, le Dar L’oussia, au centre de la médina, avec des étages qui donnent sur un patio intérieur aménagé avec du mobilier recouvert de mosaïques zellige, le carrelage marocain. Et puis surtout un rooftop avec une vue panoramique sur la baie, la plage, l’île de Mogador et le port de pêche qui donnent envie de danser en veste de survêtement sur de l’électro, une clope au bec, comme dans le clip « Territory » de The Blaze.

Salam aleykoum

C’est d’ailleurs ce qu’on a fait. Après quelques longueurs de crawl, un hammam et une bonne douche, notre crew a rendez-vous pour trinquer à la santé des futurs époux sur la terrasse de leur Riad. Une bière Kania dans chaque mano, je me délecte du coucher de soleil en écoutant l’appel à la prière du muezzin. C’est mystique, j’adore l’ambiance. C’est ma toute première fois au Maghreb et même ma première fois en Afrique, excepté un séjour dans un resort de luxe sur l’Île Maurice il y a fort longtemps. J’ai certainement oublié de préciser, mais Pascal et sa douce officient dans la fashion sphère à Paname, alors forcément, je m’acoquine avec toute une armada de modeux, RP, stylistes et directeurs artistiques en tous genres. D’ailleurs, certains ont zappé la case swimming-pool pour s’empresser d’aller dilapider du dirham dans le souk et revenir avec quelques belles étoffes et autresqeššabas. Résultat : un doux mélange d’appropriations culturelles, de seconds degrés bien amenés et d’envie de ressembler à un frère musulman, djellaba noire, capuche sur la tête, casquette et Air Max aux pieds. Incha’Allah, ce sera ma mission shopping du lendemain après mon petit déjeuner aspirine thé au Nahnah. Pour l’heure, notre DJ envoie un savant mélange d’Acid Arab, synth raï, chaoui et staifi. Je découvre cet univers et j’en prends plein les oreilles. Je m’en délecte et j’en veux plus !

Direction le Taros avec mes nouveaux potes parigots, une des rares gargotes où nous pourrons continuer à nous enivrer, car l’alcool au Maroc, comme le cochon, c’est haram ! Situé dans une jolie bâtisse du XVIIIe siècle qui surplombe la station balnéaire, le club tire son nom des alizés soufflant de la mer. Question taro, le Taros s’enflamme un peu à base de 45 dirhams la bière de 25 cl, soit quatre euros… peut-être pour justifier la décoration du designer John Quinn. Mais au diable l’avarice, pour l’instant, un orchestre de gnaoua nous régale avec leur transe illuminée sous les étoiles. À chaque riff enragé de guembri, le luth à trois cordes, le quintet fait tournicoter de manière convulsive le long pompon qui orne leur coiffe. Je me prends au jeu et me laisse emporter par le groove des tambours tbel. Je recommande deux bouteilles de Stork pour m’ambiancer sur le dancefloor. Depuis 1997, la commune attire chaque mois de juin des dizaines de milliers de touristes mélomanes lors du festival Gnaoua et Musiques du Monde. Dans la semaine, j’irai m’acheter une compilation pour enrichir ma collection de vinyles, mais pour l’instant, pas question de tomber dans les bras de Morphée, même si mes pas de danse hasardeux trahissent une certaine « fatigue ».

Surfing Morocco

Réveil chaotique et brumeux. Malgré tout, le doux soleil marocain me sort fissa de ma torpeur. Hier soir, nous nous sommes promis à la vie à la mort qu’on irait surfer aujourd’hui et vu les messages sur mon WhatsApp de ce matin, c’est toujours d’actu. J’appelle Youssef. Nous avons besoin de deux voitures pour aller dompter la baie d’Imssouane, à 1h30 de route. Il met son beau-frère sur le coup. Également appelée Magic Bay, nous sommes sur le point de découvrir la plus longue vague d’Afrique, que l’on peut dompter sur 800 mètres pendant trois minutes sans stress, toute la sainte journée. Le village de pêcheurs, quant à lui, est typique à souhait, limite un peu brut. En guise d’épicerie, des légumes et des bouteilles de Hawai, Poms et Top’s à température ambiante sont étalés à même le sol dans un garage ouvert. La surf school, même limonade, propose pour 70 dirhams des combinaisons approximatives, des planches un peu désuètes et des coachs bien trop beaux qui t’explosent la rétine en un coup d’œil. Il y a peu de surfeurs dans l’eau, nous sommes donc relax pour tâter de la houle. Les conditions sont paradisiaques.

Toute notre escouade assure ses take-off avec un moral d’acier. En fin de session, galvanisés par l’adrénaline, nous rêvons d’une bonne bière rafraîchissante sous le cagnard. J’enquête en soum soum auprès des pêcheurs du bled. On m’explique, à demi-mot, que par là-bas, on devrait pouvoir réussir à me négocier mon doux breuvage. C’est sûrement l’épopée la plus relou de mon séjour. J’ai marché quatre kilomètres sous un soleil de plomb, demandé à six commerces, 20 badauds, pour finalement me faire servir, dans l’arrière-salle d’un bouiboui, une bière Flag chaude dans un mug, comme si je dealais un kilo de méth avec un cartel mexicain.

Riding zone

Nous avons également pris nos skateboards dans le coffre, motivés par une légende berbère qui raconte qu’un splendide skatepark avec des courbes colorées se cache sur les hauteurs du petit village de Taghazout. Youssef nous jure sur le Coran qu’il connaît l’endroit, même si le bougre s’y reprend à cinq fois en demandant à chaque agriculteur que nous croisons, sur sa remorque tirée par un âne, où se trouve ce satané spot si fantasmé. Une heure et demie plus tard, nous nous retrouvons enfin en train de taper des ollies sur la Mecque du skate marocain, perdu au milieu des collines arides. Majestueux ! Nous enchaînons juste ce qu’il faut de tricks pour immortaliser la photo qui récoltera 200 likes sur Instagram. Cette journée est décidément idyllique. On est les seuls à rider ces courbes généreuses devant les yeux ébahis de deux kids en boubou. On leur prête nos boards pour qu’ils s’élancent pieds nus à toute berzingue dans le bowl en rigolant comme des dératés. Pour nous remercier, nos nouveaux frérots reviennent 10 minutes plus tard pour nous offrir le thé. Ce jour-là, nous aurions dû leur laisser nos planches en cadeau, mais on ne se rendait pas complément compte de la précarité dans laquelle vivaient ces enfants. On l’a cependant très vite compris, puisque Youssef, pour les trois longues heures qui nous séparent désormais d’Essaouira, a prévu deux pits-stops en cadeau. Le premier pour prendre en photo des chèvres juchées sur des arbres au cœur de l’Atlas.

Nous avons rapidement saisi que le paysan les obligeait lui-même à rester perchées sur les arganiers afin de gratter des pourboires. Ces pauvres bêtes exploitées par des fermiers opportunistes percutent directement de plein fouet notre crédulité de touriste. J’en place également une pour les balades en dromadaire sur la plage, laissons donc ces bestioles vivre leur meilleure vie. Bref, revenons à nos cabris qui sont malgré tout friands des fruits de l’arganier, qu’elles gobent tout entier. Elles rejettent ensuite dans leurs crottins le noyau, si convoité pour la fabrication de l’huile. Autrefois, ces noyaux étaient récupérés puis pressés pour donner une huile de piètre qualité. Cependant, aujourd’hui on procède autrement dans les coopératives d’argan, et surprise du chef Youssef, c’est justement notre seconde destination. Des femmes assises en tailleur en rond extraient l’huile avec des gestes transmis au fil des générations. Notre chauffeur nous « suggère » d’acheter un ou deux flacons pour aider ces pauvres dames. On s’exécute sans piper mot, en mode mini prise d’otages sous son œil malingre. Il me lance un « merci Sidi » et ajoute qu’il faut 35 kilogrammes de fruits secs et 20 heures de travail pour produire un litre d’huile d’argan. Merci pour l’info. Ce soir, j’irai me coucher moins con, épuisé par deux sessions de glisse d’anthologie.

Dracarys

Le lendemain, je me lève tôt, prêt à croquer la cité. Mes collègues partent louer des quads dans les dunes ou s’essayer au kite surf. De mon côté, je commence ma visite par la terrasse d’Il Mare, avec en ligne de mire la Promenade des Châtiments alias la Skala de la ville avec ses gros canons et les prisons de l’île de Chypre, où officient dans la vraie vie les artisans marqueteurs sur bois de thuya. Mais dans la fausse vie, sur HBO, c’est là que Daenerys achète son armée d’esclaves dans la cité d’Astapor. Je suis un fan hardcore de Games of Thrones, j’ai vu sept fois les huit saisons. Que voulez-vous, il faut bien s’occuper en gueule de bois devant un McDo Wedely ! Ensuite, direction la rue principale de la casbah d’Essaouira. Je me perds dans les différents souks entre les tas de raz-el-hanout, cumin ou paprika disposés symétriquement, les joailliers qui confectionnent les pièces à la main sous mes yeux, la maroquinerie et les étals de prêt-à-porter.

Je découvre de nouvelles marques bien stylées. J’hésite entre un sweat Calvin Klain, une paire d’Adidas à quatre bandes ou une casquette Gugci. J’en profite pour digger deux albums de gnaoua dans un petit disquaire en vieille pierre, tenu par un passionné. Les prix sont alignés sur Discogs, donc chers, mais j’aurai un beau souvenir. Je m’autorise un détour chez l’herboriste apothicaire qui me vante les vertus de ses plantes séchées. « Avec celles-ci, tes cheveux vont repousser et avec celles-là tu vas faire monter le papa sur la maman. » Bah vas-y, dans le doute, je prends tout, c’est pour un pote… Je termine ma virée sur le port pour mater les bateaux de pêche qui vendent les dorades à la criée. À même la berge, des barbecues s’organisent pour griller des sardines fraîches. Je commence à avoir la dalle, il est déjà 15 heures et nous avons tous rendez-vous sur la plage au Restaurant Océan Vagabond pour célébrer, les pieds dans l’eau, le mariage haut en couleur de Mahjouba et Pascal…

Les bonnes adresses de Seba :

Hôtel Le Médina Essaouira Thalassa : Avenue Mohammed V, Essaouira 44000, Tél : +212 5244-79000

Dar L’Oussia : 04 Rue Mohamed Ben Masoud, Essaouira 44000, Tél : +212 5247-83756

Le Taros: Place Moulay Hassan, Essaouira 44000, Tél : +212 524 47 64 07

Ocean Vagabond, Boulevard Mohammed VI, Essaouira 44000, Tél : +212 5247-84367

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