Exposition, théâtre : l’art militant de Pussy Riot célébré à Londres
Le souffle contestataire du groupe russe Pussy Riot, ennemi juré du président Vladimir Poutine, souffle depuis jeudi à Londres avec une exposition et une pièce de théâtre immersif retraçant l’effroyable séjour dans les geôles russes vécu par deux de ses membres.
Le groupe fait partie des artistes présentés jusqu’au 31 décembre à la Saatchi Gallery dans le cadre de l’exposition “Art Riot”, qui revient sur l’art militant russe de ces 25 dernières années et coïncide avec le centième anniversaire de la révolution russe.
Un art militant vital pour la Russie, explique Maria Alekhina, emprisonnée pendant 21 mois dans une colonie pénitentiaire des monts Oural pour avoir participé en 2012 à la fameuse prière punk “anti-Poutine” du groupe dans une cathédrale moscovite.
“L’art militant, c’est une manière de changer les choses”, assure-t-elle lors d’une présentation à la presse. “Nous ne nous attendions pas à nous retrouver en prison, ni à faire l’objet de tant d’attention”, raconte-t-elle à propos de l’épisode de 2012.
“L’important, c’est de faire des choses, de voir ce qui se passe (…). Toutes les grandes choses étaient petites au départ”.
La Pussy Riot Nadejda Tolokonnikova, également emprisonnée pour la “prière anti-Poutine”, propose de son côté le récit de ces évènements dans une pièce de théâtre immersive, “Inside Pussy Riot”, avec un casting uniquement composé de femmes et… des spectateurs.
Affublés d’un numéro de prisonnier, menottés, ces derniers revivent les épreuves endurées par la jeune femme: interrogatoires de police, procès, humiliations diverses, travaux pénitentiaires avilissants… “Il était très important qu’on communique aux gens que ce qui nous est arrivé peut arriver à n’importe qui”, avait expliqué en juillet Nadejda Tolokonnikova dans une interview.
“Tout est possible !”
Cette pièce de théâtre, tout comme l’exposition, n’auraient jamais pu voir le jour en Russie, estime Maria Alekhina.
Alors que certaines critiques, y compris des “alliés” du groupe comme l’opposant russe Alexeï Navalny, accusent Pussy Riot de faire de la provocation “pour se faire de la pub”, le commissaire de l’exposition, Marat Guelman, prend lui volontiers sa défense.
“Quand la politique s’effondre, qu’il n’y a pas de médias libres, l’artiste devient la dernière personne libre qui parle au gouvernement, qui dit la vérité, et qui n’a pas peur”, dit-il.
“Nous voulons faire une exposition où l’artiste lui-même est important, et pas seulement l’art”. Lui-même connu pour ses projets provocateurs, ce galeriste russe a affirmé avoir été limogé de son poste de directeur du musée d’art contemporain de Perm, dans l’Oural, après un scandale autour d’une exposition se moquant des JO de Sotchi de 2014.
Parmi les oeuvres exposées figurent plusieurs vidéos montrant des performances des Pussy Riot, ou encore des portraits géants de ses membres, visages recouverts de ces cagoules colorées qui font partie de leur signature graphique. L’exposition met également à l’honneur le plasticien russe Oleg Kulik, connu pour ses performances d'”homme-chien” censées représenter la vie en Russie après l’effondrement de l’Union soviétique.
Mais aussi Piotr Pavlenski, récemment mis en examen en France pour avoir mis le feu à une façade d’une succursale de la Banque de France à Paris. L’artiste et sa compagne, qui défient régulièrement le Kremlin, avaient obtenu en mai l’asile en France. Un exil qui concerne nombre d’artistes, souligne Marat Guelman en insistant sur la difficulté de monter des expositions en Russie.
Malgré les contraintes, Marat Guelman et Maria Alekhina restent persuadés que la Russie peut toujours être un formidable incubateur artistique. Ou comme le résume Maria Alekhina: “Tout est possible!”.