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Frustration de retour avec “So Cold Stream” !

Texte : Loïc JURION & Carl NEYROUD
Photos : Deadly Sexy Carl
Image album : Baldo

Les « frenchys » de FRUSTATION reviennent aux affaires avec une magnifique pochette de l’artiste José-Luis Baldomero Ortas (Baldo) qui attrape l’œil tout de suite. Avec ce 4ème album sorti sur le label born bad records,  le combo parisien reste dans la tradition « stakhanoviste » / « industrielles » de leurs visuels. Mais cette fois, les teintes sont (presque) claires et la scène se déroule en décor extérieur.

« So Cold Stream » est illustré par le dessin d’une machine qui pose du bitume sur une petite route (pas une Autobahn) en diagonale d’un paysage campagnard surplombé d’un ciel aux nombreuses nuances de bleues grisées. Pourtant, au premier regard, j’avais cru voir un barrage qui assèche le lit d’une rivière pour ne laisser couler que quelques flux d’eau maîtrisés… et bizarrement après les écoutes successives de ce nouvel album, cette interprétation reste persistante …

L’album s’ouvre sur le très bien nommé « Insane » dont l’introduction lorgne vers une rythmique typée EBM (Electronic Body Music). La machine se met en route et la construction du titre est très linéaire et en palier. L’entrée du riff de basse cyclique et au son parfait devance l’arrivée de cette voix reconnaissable entre mille. On est bien chez FRUSTATION et le crescendo ne fait que commencer. Quelques mesures après, les synthés enfin pour nous faire sentir toute l’oppression de l’ambiance de cette chanson. C’est doux et fort, confortable et malsain et ça monte, ça monte ainsi jusque la 71ème seconde où la signature de FRUSTATION défonce tout avec un break abyssal qui va nous emmener vers un final tout en démonstration de force.

A peine remis de ce premier round dévastateur, le groupe revient à la charge avec le très punk « Pulse ». Punk ? oui mais en mode FRUSTATION. Ce qui ajoute ce « plus » qui fait sortir de ce titre une débauche d’énergie stroboscopique. Et pour la 2ème fois d’affilée, le travail de la section rythmique est encore parfaite et ce sera l’une des constantes de cet album.

Quand la basse ronde et sèche de « Slave Market» arrive on se dit que l’on va respirer un peu. La douceur et la justesse du timbre de la voix se marie idéalement aux synthés à la raisonnance « carabïenne ». Le voyage se passe tranquille, sur des rails… Mais il ne faut pas oublier les initiales SM de ce titre qui font écho au nom du duo de Nottingham. (Attention spolier) – C’est là qu’arrive les parfaits spoken Words sleafordiens de Jason Williamson-.

Pour l’accompagner, après 2 accords ouverts au son clair, la guitare louche alors vers des arpèges orientaux sur (encore une fois) une rythmique imparable. Ici tout est encore parfait. J’en arrive même à me demander, sans remettre en cause la formation actuelle des Sleaford Mods si Jason ne devrait pas réaliser des performances live accompagnées d’un groupe. Il suffit pour s’en convaincre de jeter une oreille quand Jason accompagna FRUSTATION lors du mémorable cover de Tweet Tweet Tweet au Villette Sonique de 2016. L’enfant qui est né de cette union « consentie » est ce somptueux  « Slave Market », peut être la perle de ce riche nouvel album.

Après ces 6 minutes de bonheur arrive les 90 secondes d’urgences punk de « when does a bancknote start To burn » qui nous ramènes les pieds sur terre avec ce si simple et magnifique cut final qui s’enchaîne parfaitement à l’introduction toute en distorsion synthétique de « Brume », le 5ème titre de l’album.

Si on retrouve pour notre plus grand une rythmique bien « indust », l’approche vocale est typiquement dans l’ADN du quintette Parisien. Une trash bass accompagne un double chant légèrement décalé du meilleur effet. On note encore une fois de plus le talent de FRUSTATION pour illustrer musicalement ses propos. En français dans le texte, cette chanson sonne très anglo-saxonne, et, au rythme de l’enclume, nous progressons vers un exorcisme « Berrurien ».

Nous arrivons au sixième titre de l’album qui lui, est déjà disponible sur les plateformes de streaming officielle. FRUSTATION aurait pu se contenter de démultiplier ce genre d’arrangement pour faire un album homogène, efficace et accessible (et peut être « bankable »). Mais ça aurait trop facile, beaucoup moins riche et surtout moins intéressant pour nous, auditeurs. « Some Friends » sonne comme un single indépendant, et pourtant, sa perception est encore meilleure quand on écoute dans la continuité de l’album. Avec ce petit gimmick « rencontre du 3ème type » en intro, cette basse rebondissante qui accompagne cette voix si singulière et tellement profonde, la voix sonne à la manière d’un adolescent qui se souviendrait des ces 3 vies antérieures. Le refrain, appuyé encore une fois par de très bon clavier pourrait nous faire bouger le gros orteil sur un Dance Floor installé sur un iceberg à la dérive.

C’est alors que nous entamons le triptyque magique qui conclu ce superbe album avec « Lil White Sister », « Pepper Spray » et « Le Grand Soir ».

Tout d’abord l’antépénultième chanson nous ramène dans notre zone de confort avec des effluves très « Manchuniennes ». Avec « Lil White Sister », la mélodie de la voix prend toute la place et les claviers nous élèvent vers les cieux. Alors que les accords plaqués nous rappellent de ne pas partir trop haut, on pilote par temps clair, sans turbulence… On sait où FRUSTRATION veut nous emmener et on se laisse guider. C’est beau, c’est émouvant. On y est bien. La basse raisonne irrémédiablement et la guitare s’étire de tout son long jusqu’à la fin… Just Perfect!

Sur « Pepper Spray » revoilà le grain inquiétant des synthés qu’une basse syncopée et rebondissante vient enfourcher. La guitare nerveuse tend le fil du rasoir où vient se percher cette voix au timbre parfait. Le tout jusqu’au break qui coupe littéralement le titre en deux. Cette deuxième partie est des plus intéressante avec ce « coup de frein à main » qui crée cette ambiance ralentie, en lévitation, anxiogène à souhait qui chauffera le public à blanc avant un final explosif et salvateur qui nous libérera de toutes nos frustrations.

La pièce finale arrive avec « le grand soir » qui nous amène en terre de violence. Le combat final d’un voyage de 38 minutes en 9 titres inspirés et touchés par la grâce. Riche de nuances et variétés, les (maintenant) vétérans de FRUSTRATION nous livrent une jolie galette.

Un bien bel album avec une belle pochette. C’est fait comme à l’époque où les artistes devaient composer des formats longs et nous emmenaient dans leur monde.

Grâce à une production irréprochable et de tels talents, les inspirations mêlées aux influences de ces 9 compositions magnifiquement interprétées par cette voix unique, FRUSTRATION nous livre l’un des albums majeurs de cette fin de décennie. Rien de moins.

FB FRUSTRATION