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Gintare Parulyte, âme sensible et mélancolique

Texte : Godefroy Gordet
Photos : Veronique Kolber

Comédienne, chanteuse, auteure et réalisatrice, Gintare Parulyte connaît un parcours artistique exemplaire depuis ses débuts. Passée d’abord devant les caméras de Roman Coppola, Peter Webber et Jean-Claude Schlim, elle poursuit sa carrière dans l’industrie du cinéma luxembourgeois. Active autant au théâtre, la jeune artiste foule les scènes de la capitale Grand-Ducale avec panache et acharnement. Entre la co-direction du blog culinaire Terrekitechen, les ambitions de son groupe berlinois CLAUDE et la sortie de son premier court-métrage Is That, Like, Your Real Job ?, diffusé ce mercredi 9 octobre au CinÉast Festival, Gintare attaque la rentrée tout en intensité.

Gintare est née à Vilnius en Lituanie. Après l’indépendance de son pays, son père trouve un emploi au Luxembourg, « ce qui a multiplié et divisé mes identités ». Le goût du spectacle vivant a toujours été ancré en elle, « mes sentiments ont toujours été plus grands que moi, alors devenir artiste était la seule option pour moi ». La maison familiale a toujours été remplie de livres, ses parents l’emmènent au théâtre, au ballet et à l’opéra, et très tôt, sur les genoux de sa mère, elle s’y voit déjà, « je savais que je voulais partager des histoires avec un public ». Devenir actrice lui vient ainsi d’un besoin constant de connexion et de sa terreur de la mort, « jouer des personnages différents me donne l’illusion de vivre plus d’une vie, de surmonter le destin ».

En 2001, elle a 15 ans et passe sa première audition pour le film CQ de Roman Coppola. C’est par ces premiers « petits rôles », qui confortent son choix, qu’elle apprend le métier dans l’ombre de certains grands noms du cinéma, ce qui l’a pousse à se former ensuite à New York, « je recherchais un cours d’été intensif et j’ai été guidée par Wendy Ward à New York ». Elle tient ensuite deux rôles plus importants dans La jeune fille à la perle de Peter Webber et dans House of Boys de Jean-Claude Schlim, un moment où elle sent que sa carrière prend son envol, s’inquiétant pourtant toujours pour son avenir.

Dans ce sens, elle intègre le cinéma luxembourgeois, motivée par des réalisateurs bâtisseurs de l’industrie d’aujourd’hui, comme Andy Bausch, Donato Rotunno, Pol Cruchten, Christian Neumann, Laura Schroeder ou encore Christophe Wagner, « à mes débuts, il y avait très peu de réalisateurs nationaux, le système de financement en était à sa naissance, rendant impossible la perspective de pouvoir en vivre. L’évolution qu’a connu le cinéma luxembourgeois me réjouît ».

Au théâtre elle travaille dans de nombreuses pièces dont dernièrement, All New People de Zach Braff, mis en scène par Anne Simon en 2016, Tom auf dem Lande mis en scène par Max Claessen en 2017, ou Versetzung par le même metteur en scène l’année suivante. Le théâtre lui est aujourd’hui essentiel dans son développement artistique, « Anne Simon a été la première à croire en moi et à me faire monter sur scène ». Plus tard, sa rencontre avec le berlinois Max Claessen, lui permet de travailler dans une langue différente, d’explorer différents rôles et genres et d’agir à l’étranger, « c’est une sensation exaltante d’entrer dans un nouveau théâtre et de parcourir ses couloirs remplis de costumes, de lumières et de livres ».

« L’évolution qu’a connu le cinéma luxembourgeois me réjouît »

L’année dernière, elle écrit, met en scène et interprète le rôle principal dans un spectacle intitulé A Lithualien in the land of bananas. Elle y raconte son enfance en Lituanie soviétique et son déménagement ultérieur à Luxembourg. Une mosaïque de souvenirs traités avec humour et minutie, saupoudrée d’une vision surréaliste de la Lituanie sous le régime de l’Union soviétique. Un spectacle inspiré d’événements réels et raconté par le prisme de l’enfant qu’elle a était, « même si je monte sur scène en tant que femme, le spectacle reste une construction. Je fouille dans mon cerveau et dans ma vie pour trouver l’inspiration ». C’est ainsi une pièce très personnelle qui se décline, avec laquelle Gintare découvre le Fundamental Monodrama et s’envole en tournée à Vilnius.

Également attaché à cette thématique, elle présentera prochainement son premier court-métrage Is That, Like, Your Real Job ? en avant-première lors de la 12e édition du Festival CinÉast. Un projet né d’une expérience humiliante sur un plateau de tournage, duquel la jeune femme se relève rapidement épaulé par feu le réalisateur Pol Cruchten, sa compagne Jeanne Geiben et leur partenaire de travail Vincent Quénault de chez Red Lion Films, « c’est le dernier film qu’a produit Pol et je suis heureuse de pouvoir travailler sous ses ailes aimantes et protectrices ».

Auteure et réalisatrice du court-métrage, elle incarne également le premier rôle qui prend pour héroïne une actrice lituanienne. Un film introspectif voire autobiographique qui mêle réel et imaginaire. Mais c’est en même temps une nouvelle expérience artistique pour Gintare qui passe cette fois derrière la caméra, « je suis maintenant en charge des histoires que je raconte, je peux travailler avec les personnes que j’aime et me connecter avec des spectateurs du monde entier ».

Jury du CinÉast en 2014, c’est donc pour son premier film que la cinéaste revient pour cette 12e édition du festival fleurie et surtout inscrite dans une perspective lituanienne, « j’ai assisté à de nombreux festivals dans ma vie, le CinÉast est l’un de mes préférés. Les organisateurs ont un goût exquis, leur sélection de films est hallucinante ». Son premier court-métrage trouve ainsi une place de choix au sein du festival, mettant à l’honneur le cinéma de l’est européen, dans le pays où elle a grandi et où elle a décidé d’être artiste, un symbole fort de sens pour elle, « comme la protagoniste du film est une actrice lituanienne vivant au Luxembourg, il n’y a pas d’endroit plus idéal pour projeter mon film pour la première fois ».

Entre son métier de comédienne, à la scène comme au cinéma, son travail au sein du Foodblog végétarien Terrekitchen, son groupe de musique CLAUDE, son travail d’auteure et ses projets de réalisatrice… Gintare est un exemple du “tout est possible tant que l’on y croit“, « être artiste exige de la discipline, une concentration qui implique de faire l’impasse sur d’autres choses. Faire de l’art, c’est un métier, il faut donc accepter de faire des compromis, de respecter l’opinion des personnes avec lesquelles vous travaillez et de parfois savoir dire NON ».