Ibrahim Maalouf, l’éloge du métissage et du “bonheur malgré tout”
Un amphithéâtre antique où s’entremêleront sons brésiliens, jazz, musique arabe : le trompettiste popstar Ibrahim Maalouf lancera dans les arènes d’Arles (sud de la France) sa nouvelle tournée célébrant le métissage et “l’acceptation des différences (…) dans une société où se développe l’intolérance”.
“L’époque dans laquelle on vit est pleine d’adversité, en particulier dès qu’on fait face à quelque chose de différent, la réaction est souvent violente, il y a un refus”, confie le musicien, qui présentera en première mondiale le 25 juin son spectacle “Capacity to love” (La capacité à aimer) au festival Les Escales du Cargo. Après Arles (France), il écumera l’Europe, entre autres aux festivals de Montreux (Suisse) et au North Sea Jazz (Pays-Bas), avant le Canada et les Etats-Unis à l’automne.
“On vit dans une société où se développe de plus en plus l’intolérance. Capacity to love, c’est une sorte de clé, une solution, quelque chose qui nous manque beaucoup: la capacité à aimer, à accepter les différences”, explique cet explorateur de genres musicaux divers. Face aux vibrations d’un monde bouleversé par guerres et pandémie, le trompettiste a décidé d’apporter du “bonheur, de la fête, de la bienveillance” dans son 16e album qui sortira en novembre, avec des invités “quasiment sur chaque titre”. “Je viens d’un pays où les gens n’ont pas d’autre option que de continuer à vivre malgré tout, d’élever leurs enfants dans le bonheur malgré tout”, raconte celui qui est né il y a 41 ans au Liban, ravagé par une longue guerre civile (1975-1990) et toujours miné par les divisions et une profonde crise sociale.
“La musique est le remède”
“La musique est le remède”, entend-on (en portugais) dans le premier titre déjà sorti, “El Mundo”, sur un rythme de baile funk (musique née dans les favelas) écrit par la chanteuse brésilienne Flavia Coelho, avec une collaboration du DJ Tony Romera. “C’est Le monde, El mundo, tel que je le vois avec toute cette diversité, toute cette bienveillance, cette diversité mise au service de la bienveillance. Il y a ces danseurs qui viennent de tous les continents au service d’une petite fille qui a perdu son jouet”, s’enthousiasme le trompettiste en référence à la vidéo accompagnant le morceau. Dans ce long plan séquence, Ibrahim Maalouf, Flavia Coelho, le danseur Salif Gueye et bien d’autres tentent en dansant de rendre son ourson à la fillette.
Lui “découvre chaque jour” des ponts entre musiques et continents. Quand il avait repris la mythique chanteuse du monde arabe Oum Kalthoum en quintet de jazz, les gens qui aimaient la musique arabe lui disaient : Ne touche pas à Oum Kalthoum, tu vas l’abimer !” “Et les gens du jazz me disaient: Oum Kalthoum, c’est de la musique arabe ça peut pas fonctionner en jazz”, se souvient-il. “Mais on a la même source, entre le jazz et la musique arabe c’est l’Afrique, la blue note, c’est le quart de ton arabe, donc ça a marché!”.
Du métissage, il ne craint aucune perte d’identité: “Ca veut dire quoi une perte d’identité? L’identité en soi est quelque chose qui est censé se transformer. Evidemment qu’on évolue, qu’on teste des choses, qu’on rencontre d’autres cultures et que la définition de qui on est ne peut pas stagner”. “Je refuse d’associer mon travail artistique à un discours politique”, prévient toutefois le musicien qui a grandi en France, pays où l’extrême droite s’est de nouveau hissée au second tour de la présidentielle cette année. “Mais comme tout le monde, je suis un spectateur, et donc malgré moi, il y a une traduction de ces constatations dans mon travail et dans les messages que j’ai envie de communiquer”.
Il se réjouit d’attaquer la tournée dans “un lieu chargé d’histoire”, les arènes romaines d’Arles, invité par Jean-Marc Pailhole, infatigable promoteur des musiques actuelles dans cette ville de 50 000 habitants et dont le festival accueillera aussi Juliette Armanet, Selah Sue… “La dernière fois que j’étais à Arles, j’étais allé visiter les arènes, je m’étais dit ‘waouh c’est trop beau, j’espère qu’un jour on jouera là !’, raconte Ibrahim Maalouf, “C’est grand mais chaleureux, ça permet de garder une forme d’intimité.”