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Christian Allex (Cabaret Vert) : « Attirer des jeunes avec du contenu et de la passion »

Interview : Thibaut André / Carl Neyroud
Texte : Thibaut André
Photo : Cabaret Vert

 

Evénement musical incontournable des Ardennes, le Cabaret Vert se tiendra du 23 au 26 août prochains en bord de Meuse à Charleville-Mézières. Curieuse comme pas deux, la team musicale de Bold Magazine (Carl et Thibaut) voulait en savoir un peu plus sur les coulisses de ce festival. On a interviewé pour vous en primeur son directeur artistique et responsable de la programmation, Christian Allex.

 

 

Bonjour, Christian. Depuis quand es-tu impliqué dans l’organisation du festival Cabaret Vert et quel est ton rôle ?

J’ai commencé à collaborer avec les organisateurs en 2008. J’ai travaillé sérieusement avec eux à partir de 2009. C’étaient des coups de main artistiques au départ. A partir de 2009, j’ai commencé vraiment à m’occuper de la programmation. Maintenant, ça fait trois ans que suis en charge de toute la direction artistique, c.à.d. la programmation et le concept artistique du festival comme la ligne graphique de la communication ainsi que le choix de la tendance de communication de l’objet artistique et enfin de la scénographie sur le site.

Quelle est la motivation première de cet événement de taille pour la région ?   

On est dans une région qui n’est évidemment pas facile au niveau économique et social. Cette partie des Ardennes possède néanmoins énormément d’atouts. Mais il faut les exciter pour qu’on parvienne à recréer de l’emploi et participer au tissu économique des Ardennes. Le Cabaret Vert s’y emploie d’une certaine manière car le festival met un focus sur cette région assez méconnue et un peu délaissée. Avec le festival, on montre que c’est une terre d’énergie et puis une terre de culture aussi. Après, il faut conserver au projet un côté très universel car un festival est aussi une espèce d’éponge de ce que le monde peut produire en termes de sons, d’images, de mentalités et de richesses intellectuelles. En fait, c’est un croisement : d’un côté, le focus sur un terre ardennaise avec ses valeurs et son patrimoine et, de l’autre, la rencontre avec des groupes comme Travis Scott et d’autres qui viennent des Etats-Unis ou du monde entier. On excite un peu l’intellect des gens par ce croisement.

Comment réalisez-vous la programmation des artistes ? Qu’est-ce qui guide vos choix ?

Je ne sais pas vraiment en fait. (rires) Très souvent, j’essaie de trouver une logique dans l’agencement des groupes sur le planning. J’essaie de programmer des groupes qui sont capables de proposer des shows fantastiques ou en tout cas capables de créer une hystérie dans le public. C’est le cas de DJ Snakes et Travis Scott. J’essaie de les agencer avec des groupes qui peuvent leur correspondre avec, par exemple, Dillon Francis en tant que DJ mais aussi SWMRS (NDLR : prononcez « swimmers ») qui fait du garage rock car il y a de la proximité entre eux. Donc, j’essaie d’agencer un peu tout ça et que, quand les gens voient une programmation, ils voient une logique et non quelque chose de trop déstructuré.

Depuis quelques années, on constate qu’il y a de plus en plus d’artistes de rap et hip-hop à l’affiche de festivals plutôt connus pour une programmation rock à l’origine. Comment expliques-tu ce phénomène de montée en puissance du rap et du hip-hop ?

C’est parce qu’il y a une mutation des générations. Historiquement, lors des grandes messes qu’étaient les festivals des années 60 aux années 90, encore plus après, c’étaient les groupes de rock qui tenaient la jeunesse. Ils étaient un peu les grands prêcheurs, les grands gourous de ces festivals puisque l’idée n’était pas forcément un style musical mais un festival. C’était pour le rassemblement de milliers de personnes tout autour d’une valeur comme la musique mais aussi l’amour. Il y avait aussi un côté rebelle et décalé. Aujourd’hui, parmi la génération qui a entre quinze  et vingt-cinq ans, leurs gourous viennent plus du monde du rap et du hip-hop. Peut-être que ce sont eux aussi qui créent la provocation. On voit bien comment la presse, les médias et les réseaux sociaux s’énervent sur les artistes urbains. Ce sont eux qui créent beaucoup plus la polémique par ce qu’ils disent dans leurs textes, par ce qu’ils sont et par la musique qu’ils font. Ils sont en train de bousculer un système qui est en place et qui n’accepte pas qu’un autre système et une autre offre artistique arrivent et les détrônent.

La scène du Temps des Cerises n’étant plus présente cette année, avez-vous prévu un autre lieu d’expression sur le site pour les DJ?

Initialement, le Temps des Cerises était un bar sur un espace de verdure. On a ensuite amené une scène DJ. Ce bar est ensuite devenu le nom du lieu dans sa globalité. En fait, on a maintenant déménagé le bar en bord de Meuse. Aux abords, on va aménager un énorme dance floor (Green Floor) pour trois, quatre, voire cinq mille personnes. Il y aura une véritable offre très électro et même électro-reggae avec les cinquante ans du label Trojan Records, mais aussi des DJ techno old school comme Josh Wink et Derrick Carter et des nouveaux DJ comme Charlotte de Witte et Amélie Lens.

Avec un pass à 99 EUR pour les quatre jours, vous êtes définitivement dans les festivals à prix démocratique. Comment arrivez-vous à un tel prix avec une telle affiche et une telle infrastructure ?

On n’y arrive pas, on se débrouille. (rires) On cherche des solutions mais on n’y arrive pas. Les gens qui croient que le Cabaret Vert gagne beaucoup d’argent se trompent. C’est réellement une équation très compliquée. Plus on accueille de monde, plus on veut donner du confort au public par la transformation et la magie du lieu dans la scénographie, plus les coûts sont élevés. Trouver de l’argent supplémentaire pour nous aider à réaliser ces développements, c’est de plus en plus compliqué, surtout si on veut éviter de taper dans la poche du festivalier. On a aussi une politique de sponsoring qui pose des limites vis-à-vis d’offres de sponsors qui ne cadreraient pas avec l’esprit du festival.

Le festival Cabaret Vert s’inscrit depuis plusieurs années dans le respect de l’environnement et l’alimentation saine. Comment mettez-vous tout cela en pratique ?

Il y a un espace qui s’appelle le Garden Square. Aujourd’hui, il y a un phénomène de mode qui s’appelle les food courts. Ce sont des espaces rassemblant plusieurs échoppes de restauration.  Il y a plein d’endroits où les gens peuvent s’asseoir et manger. On en trouve surtout dans les centres urbains. On a été un peu avant-gardistes avec ça : le square est un peu un food court avant l’heure et où on a rassemblé des offres culinaires assez variées avec des produits locaux et donc en circuit court. On a même ouvert un marché où on fait du produit un peu plus brut.  On essaie d’avoir une offre alimentaire préparée à 80 ou 90% sur place et produite à moins de deux cents kilomètres du site du festival.

Avez-vous dû renforcer les mesures de sécurité au sein du festival suite à la vague d’attentats ?

Oui comme sur l’ensemble des manifestations en France. Quand il y a eu l’état d’urgence, tous les événements et manifestations ont été touchés par ça. Le Cabaret Vert a été obligé de s’adapte.

Si tu avais un vœu à réaliser pour les futures éditions du festival, quel serait-il ?

Je n’ai pas vraiment de vœu. Pour l’instant, je trouve que l’évolution du festival se passe de mieux en mieux. On vend énormément de tickets. On a un public qui se renouvelle. On a une image à l’extérieur qui est assez bonne. On a des gens qui viennent vraiment de très loin. Ce que j’aimerais personnellement, c’est voir plus de jeunes dans la vingtaine se joindre au projet du festival et amener du contenu. J’ai l’impression que le côté massif de l’événement fait un peu peur aux jeunes générations. Ils donnent certes du temps et du bénévolat mais moins du contenu et de la passion. C’est peut-être sur ça qu’il faudra travailler sur les prochaines années.

Site et infos : Cabaret Vert