Jackie Moontan : ton meilleur crooner lunaire

Débarquant de temps à autre sur son vaisseau venant de la face cachée la plus connue de notre planète, tantôt au Luxembourg, tantôt à Berlin et ailleurs sur cette dernière, Jackie Moontan embarque à coup sûr son public dans une aventure musicale chaude et lascive, visuelle et moite juste comme il faut. Jouant volontiers la schizophrénie entre son personnage et son identité secrète – ou inversement ? – Alain Schumann nous confie quelques secrets d’alcôve au lendemain de la sortie du nouvel opus de Jackie Moontan, The Dark Side of the Tanning Bed. Laisse-toi donc séduire, résister est futile…
Salut Jackie, qui es-tu dans le civil et d’où viens-tu ? Quel a été ton parcours au Luxembourg ?
Il y a cette rumeur qui court, que je ne viens pas vraiment de la lune. Je pense que c’est parce que j’ai un sosie. Il paraît que ce vieux Don Juan mi luxembourgeois, mi espagnol du nom de Alain Schumann et moi nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau. Apparemment il traîne dans des cafés jusqu’aux petites heures du matin et raconte à qui veut bien l’écouter qu’il a été dans des groupes de rock et qu’il aurait pu être une star. C’est le discours en tout cas, et après une dizaine de verres il commence à brailler Don’t stop me now de Queen avec son froc descendu. C’est triste, mais c’est une industrie impitoyable, celle de la musique – une maîtresse capricieuse qui broie les âmes sensibles, les bouffe et les recrache sans battre de l’œil…
Comment est né cet alter ego scénique qu’est Jackie Moontan ? D’où vient-il, lui ?
Bon allez, je vais faire en sorte que je joue le personnage de Jackie pour le reste de l’interview, juste parce que j’aime faire plaisir à mon magazine luxembourgeois préféré ! Jackie est né d’une envie du sensuel, de la folie et du dramatique… J’avais envie de m’exprimer via un personnage théâtral déjà, avec lequel il serait possible d’exagérer, d’être plus enjoué que si c’était juste Alain. La lune, pour un autre point de vue – et pour ma maman qui m’a toujours dit que j’étais dans la lune, une expression que j’ai toujours beaucoup aimée ! C’est ce côté all over the place qui me correspond bien et en dehors de la Terre, c’est l’astre qui m’a toujours le plus attiré ! Quant à Jackie, il y a sûrement un mélange entre mon idole d’enfance Jackie Chan et l’icône de la mode Jackie O… Le mélange entre le machisme du cascadeur et style incomparable, avec un prénom mixte, voire androgyne…
Comment est-il arrivé sur terre et quelle est sa mission ?
Je suis – enfin je veux dire IL EST – arrivé en fusée comme la plupart des extraterrestres. Mais l’atterrissage aurait dû se faire au-dessus de la Maison Blanche à Washington, gros coup de buzz dramatique qui aurait indubitablement boosté sa visibilité. À cause d’un problème technique, il s’est planté la gueule dans un marais du Mississippi et a failli se faire bouffer par un crocodile. Buzz kill…
Est-il toujours « Your mother’s favorite singer » ou est-ce que son identité évolue ?
C’est un slogan que j’ai utilisé tout au début oui, après avoir identifié ma cible de fans. J’ai évolué, j’aime les hommes aussi maintenant. Pourtant je reçois encore et toujours le plus de lettres d’admiration de dames qui ont entre 42 et 67 ans. Mais je ne m’en plains pas !
Où vas-tu chercher les inspirations pour le faire vivre et pour créer ta musique ?
La littérature, le cinéma, la musique, mais le plus souvent le quotidien et le monde qui m’entoure. Le mondain aussi, le spirituel, le bizarre, le triste et touchant, l’hilarant et l’absurde et surtout l’amour, la super glue qui semble tenir tout ce foutoir en place.
Tu viens de sortir ton nouvel album The Dark Side of the Tanning Bed… What the f*** ?
The Dark Side of the Moon était déjà pris par un petit groupe obscur anglais et après tout quoi de pire pour un homme de lune qu’un coup de soleil ?
Plus sérieusement, tu peux nous en parler un peu ? Quelle est la vibe de ce nouvel opus ?
C’est l’histoire classique de la montée et de la descente, la perte de l’innocence, vue à travers les yeux d’un homme venu de la lune. Il faut dire que c’est un premier album, mes trois premiers EP étaient autoproduits, avec un son de bedroom pop et avec des synthés très eighties. Je voulais ici m’éloigner de cela et me concentrer sur les années 70, une référence en matière de son et d’instruments joués, pour moi. Il y a donc une vraie vibe de groupe qui joue ensemble, avec le saxophone que j’adore et que j’ai voulu apposer sur la moitié des titres pour un groove maximum sur ce premier album. Comme un hommage à une époque musicale que je révère. Qu’on se demande de quand il date si on le trouve en vinyle, tout en l’encrant complètement dans son contexte contemporain, avec une patte particulière…
Studio / Live : comment abordes-tu ces deux versants de ta créativité musicale ? Un équilibre parfait ou bien l’un est-il plus facile que l’autre ?
Le studio, c’est la créativité absolue, l’expérimentation, la recherche et la frustration, les surprises, les trouvailles, les fautes et le jeu de construction et destruction. Mais le live, c’est la connexion, l’euphorie et la joie de vivre. Tout a sa difficulté et sa facilité. Après, si tu as une sale journée et une sale tête, il vaut franchement mieux être au studio !


Tes vidéos sont aussi très identitaires, quel est le processus de création derrière un de tes clips ?
Pour mon dernier clip Life Goes On, c’est même un processus de quelques années. L’idée, je l’avais déjà il y a sept ans, quand je vivais encore à Paris : un one shot qui commence sur le visage de Jackie et dévoile peu à peu le décor de fin du monde dans lequel il se trouve. L’idée était ambitieuse et je n’avais pas les moyens de la réaliser pendant tout un temps, donc j’ai dû attendre. Parfois, le processus, c’est aussi attendre le bon moment…
En vidéo et en live, Jackie transpire un sex appeal assumé, une séduction éthérée qui englobe tout le monde… La tolérance est une de tes valeurs cardinales ?
En fin de compte, il y a bien plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent. Oui, dans un monde idéal, la tolérance de la différence serait une chose dont on n’aurait même plus besoin de parler. La seule chose intolérable c’est la haine – sous l’égide de certaines valeurs.
« L’IDÉE ÉTAIT AMBITIEUSE MAIS JE N’AVAIS ALORS PAS LES MOYENS DE LA RÉALISER. PARFOIS, LE PROCESSUS, C’EST AUSSI ATTENDRE LE BON MOMENT… »

Ce style incomparable… Tu shoppes où ?
Dans le placard de ma femme. Et en fripes bien sûr, pour découvrir ces kimonos en soie, ces chemises avec des cols géniaux, très larges ou arrondis, mais aussi des coupes que l’on ne fait plus et qui vont avec la musique que je fais. J’aime l’idée de cette petite pépite introuvable que l’on finit par dénicher dans le bon shop vintage, chez les hommes mais aussi chez les femmes – qui ont la chance d’avoir en général beaucoup plus de créations extravagantes à disposition que dans les sections masculines !
Quels sont les artistes luxembourgeois dont tu apprécies le travail ?
Le groupe avec lequel je me produis, THE BIG SEXY, qui est composé de Pol Belardi, Jérôme Klein et Niels Engel. Leur toucher extraordinaire et leurs prouesses musicales m’inspirent beaucoup. Mateus Wojda, John Wolter, le groupe Jambal et encore plein d’autres – la scène luxembourgeoise
ne manque pas de talent.
Si tu pouvais collaborer avec n’importe qui, qui aurait les faveurs de Jackie Moontan ?
Anderson Paak ou bien Thundercat. Je pense qu’on pourrait s’amuser, peut-être même délirer.
Enfin, est-ce que tu as toujours envie de te rouler dans de la fourrure de lama avec ton public ?
Je suis toujours prêt pour un grand câlin bien chaud et furry, pourvu que vous le soyez aussi…
Merci Jackie !
Cette interview très graou est également à retrouver dans le nouveau Bold Magazine #90, à lire en ligne ici!
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