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Kit Empire, “un chaos organisé” dans l’univers du street-art

Texte : Godefroy Gordet
Photos : Kit Empire

Fresques, installations, projets sur toile ou autres, Kit Empire se fout du support, du moment que le collectif peut créer sans stress et sans ambages. Associé depuis 2017, David Omhover et Emmanuel Fey forment Kit Empire, un duo qui connaît déjà une identité aux productions caractéristiques. De leurs avatars « monstrueux » naissent des œuvres aux couleurs qui attirent l’œil et les thématiques sociétales percutantes. De ses montres fixant le spectateur à d’autres apparitions bariolées, Kit Empire montre une direction artistique au troisième degré, témoignant d’un constat acerbe sur notre monde et d’une remise en question de notre vision esthétique.

Rencontrés à l’Université d’Arts Plastique de Metz il y a plus de 15 ans, David et Emmanuel travaillent ensemble depuis qu’ils se connaissent. Passé d’abord par d’autres collectifs, en 2017, ils décident de créer le duo Kit Empire en fusionnant leurs deux univers graphiques sur la même toile. Petit à petit leur réseau se forme entre la scène luxembourgeoise qui les appelle à collaborer dans des événements comme le Kufa’s Urban Art de Esch ou les expo’ organisées par Cueva, et d’autres latitudes, comme en novembre dernier, à la Galerie KM9 de Trêves.

De la fusion de leurs deux pratiques et univers, Kit Empire né de l’idée que « tout est question d’assemblage ». Un peu comme ces deux mots qui n’ont rien à voir entres eux mais qui les définissent en tant que duo artistique, « avant, on exposait souvent en solo à Luxembourg, depuis la création de Kit Empire, on ne fait plus rien sous nos signatures individuelles ». Ils ont créé leur empire graphique, « un chaos organisé », comme ils disent, qui repose sur leurs questionnements, leurs débats, « on conçoit notre travail comme si on avait perdu la notice d’assemblage et qu’on essayait de réassembler le monde selon nos envies ».

« Kit Empire c’est du street-art, de la pop culture, de l’autodérision », explique Emmanuel Fey. De nombreux domaines et idées mêlées pour une ligne assez claire, codifiée par le lieu et la pluridisciplinarité. Emmanuel vient de la peinture, quand David est plus dans le collage, lorsqu’ils associent leurs deux pratiques il y trois ans, dans l’idée « d’intervenir mutuellement sur le domaine de l’autre ». C’est un véritable travaille à 4 mains qui s’opère alors de par des échanges d’idées mais aussi un véritable échange d’interventions sur la toile « lorsque l’on créé une œuvre, on se l’échange plusieurs fois. On s’envoie la toile par courrier, sans savoir ce que l’autre va retravailler ou proposer. On s’autorise à intervenir ou recouvrir partiellement ce qu’à fait l’autre pour faire évoluer notre univers ».

“Du street-art, de la pop culture, de l’autodérision”

Un travail spontané mais réfléchi autour des thématiques du duo qui leurs viennent de la pop culture, de la science fiction, des séries Z, et tout ce qui se rapporte à la science et à l’espace, « c’est un travail qui repose sur la confiance, car même si cela fait plus de 15 ans que l’on se connaît, ça nous arrive de douter, mais c’est important pour nous de continuer à travailler dans ce sens ». C’est à la fois devenu leur processus de création et aussi leur recherche esthétique, stylistique, artistique…

Et dans cette quête, la « monstruosité » prend une grande place, dans le sens où ils font des monstres, les personnages principaux de leurs fresques et toiles. Une fascination qu’ils expliquent et justifie par la notion de symbole, « ces personnages ne sont personne et tout le monde à la fois ». Des personnages représentés la gueule ouverte, une mâchoire carnassière, qui portent une pensée, « l’idée d’une créature prête à mordre le monde à pleine dent ».

Car clairement, chez Kit Empire, il y a aussi cette volonté de partager un message, « celui-ci évolue à chaque œuvre ». Les textes et typo dans leurs œuvres sont plus qu’un simple effet graphique, c’est une façon pour eux de donner à l’œuvre une orientation, un parti pris, « c’est comme si nos monstres criaient des slogans ». En fait, ces petits personnages sont comme une personnification d’eux-mêmes en tant qu’artistes, « on a chacun nos personnages, c’est comme une continuité de nous-mêmes ».

Ainsi, comme le spectacle de la monstruosité permet « d’enseigner la norme », Kit Empire saisit cette norme en montrant son contraire, dans une vision ironique du monde qui nous entoure, « dans nos œuvres il y a une profusion de détails qui participent au propos. Rien ne doit être trop évident pour le spectateur ». En même temps, il y a ce contraste saisissant avec les tessitures colorées qu’ils emploient, rappelant l’univers de l’enfance, du jeu vidéo, du film d’animation.

Une déconstruction des codes visuels qui est devenue leur signature, « on cherche le contraste entre les deux idées, la couleur et les messages en filigranes plutôt grinçants ». Dans ce sens, Kit Empire explique que « le monde est notre terrain de jeu, nous l’observons et en grossissons les imperfections ». Une façon claire d’ancrer leur travail artistique dans une dimension double : humoristique et critique.