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Kuston Beater, caresses à contre-poil

Texte : Godefroy Gordet
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Derrière Kuston Beater – on vend la mèche –, il y a le bien connu Christophe Peiffer. Mosellan d’origine, « de la classe moyenne prolétaire », messin quinqua, posé au Luxembourg pour y monter en 2003, son studio graphique George(s). Dans la musique, si le type mixe en public et compose dans son salon depuis bientôt 20 ans, il plonge dans le grand bain seulement en 2011, avec un premier EP éponyme. Il y a bien eu quelques playlists avant, pendant et après, mais cet EP le lance franchement et, tranquillement, huit ans après, il sort un premier album qu’il baptise Bidule. Et ce « truc là », est une petite pépite du genre qu’on a dévoré à s’en goinfrer. Venez avec nous, on vous invite à la découverte d’un véritable OVNI musical.  

Christophe Peiffer a commencé la musique tard, enfin ce qui lui paraît tard, car à 24 ans à priori tout est encore possible. Néanmoins, piètre guitariste dans un groupe indie, « dont la batteuse était fan de johnny », il s’achète entre 97 et 98 une Groovebox et un sampler reléguant sa guitare au placard, « j’ai encore une dizaine de cassettes démo de cette époque ». Dans les années 2000, il découvre la MAO (Musique Assistée par Ordinateur), se trouve le nom de Popp69 en tant que DJ, et développe son premier projet After Hate, inspiré par les labels Ninja Tunes ou Cup of Tea, « la MAO était pour moi assez naturelle puisque la logique de travail s’apparentait à celle de mon activité de graphiste, je fais souvent le parallèle de Cut/Past, Layers, Filtres, Editing, comme dans Photoshop ».

Puis, aux alentours de 2006, sans qu’il ne sache trop pourquoi, Kuston Beater a pointé le bout de son nez, « je n’ai aucune théorie sur une quelconque construction ou démarche consciente »C’est l’orientation musicale tant au niveau des influences que de la technique, et les différents outils évoqués précédemment qui l’ont conduit à changer de nom, « j’aurai pu aussi choisir Harlod Lloyd que j’aime beaucoup mais Buster m’a paru plus en adéquation avec mon attitude scénique inexpressive et placide. Et puis j’aime jouer avec les mots, avec cette anagramme j’obtenais un nom qui claque et la notion de beat ».

Du second degré et de la pop

S’en suit plusieurs apparitions sur des compiles signées Grand Duchy Grooves ou Chez.Kito.Kat. ainsi que son premier EP éponyme en 2011, publié sur le label lorrain. Là-dessus, à l’image des titres Une Fois Dedans ou A Penis Is A Worm Gun et d’une pochette plutôt suggestive, il choisit le sexe comme ligne directionnelle principale. Il aura fallu 15 ans d’essayage de machines, avant qu’il ne se lance, « j’étais plus connu pour mes dj set, notamment avec Vincent Gens Russo que pour mes prods. Je ne me trouvais pas digne de les faire écouter à d’autres ». C’est Marc Hauser, Fred Baus et Victor Ferreira qui, respectivement, lui ont mis le pied à l’étrier. Plus tard il rencontre Samuel Ricciuti et Christophe Biach de Chez.Kito.Kat, qui le poussent à en développer au moins cinq « du même tonneau », pour publier un disque. Et « Le disque de cul » comme le nomme certains, est né, « Je suis aficionados de B.O., Music Library et autres curiosités sonores, ce premier disque est grandement nourri de samples issus de ma grande collection dont particulièrement des extraits de B.O. de films érotiques ou carrément de cassettes Porno, les fameuses Éditions Cassex, ceci pour justifier l’orientation coquine de l’objet ».

Plein de second degré et d’influences pop, cet EP dévoile au grand jour sa marque de fabrique. Un style qu’il pousse bien plus loin dans Bidule, son premier maxi publié également par Chez.Kito.Kat qu’il créé entre 2012 et 2019. Sans pression, mais avec plein de matière dans les mains, Kuston met 7 ans, quand même, à sortir ce Bidule« malgré les requêtes de ma fan base, au moins 10 personnes, et mes sempiternels ‘oui ça arrive, je bosse’, je me suis mis à tergiverser… ». Le producteur veut proposer une musique différente, changer son processus, « j’entamais énormément de morceaux qui paraissent géniaux le soir de la création, puis à la réécoute je les trouvais merdique ». 

Une expérimentation sonore

D’un déclic, il fait le tri sur les morceaux qui figureraient sur ce disque dont un entamé en 2012 et d’autres se situant dans ce laps de temps, « l’épreuve laborieuse mais nécessaire fut le travail de mix des morceaux. C’est Michael Galetto qui s’y est collé, au bout de 2 mois de collaboration les morceaux étaient propres ».

Bidule – le nom de sa chatte – parle finalement de soi : il y a un côté OVNI et un degré d’expérimentations sonores qui collent à la peau de ce disque, « la première volonté était de ne pas reproduire ce qui avait était fait sur le premier, donc Bidule ne comporte quasiment aucun samples. Il est je pense, moins fouillé, plus claire et synthétique ». Il y a aussi un côté super tripant et plutôt poétique dans ces titres que, si bien nommés, on pourrait presque prendre par 3 et en faire des haïkus. De là, on ressent une forme d’étonnante spontanéité dans l’écoute, comme si tout se construisait au fil des secondes d’un morceau, même si Kuston explique qu’il n’y a aucune démarche du genre et qu’il ne veut pas raconter mais laisser l’auditeur se faire ses propres images, « je vais démystifier ce dont beaucoup se gargarisent en palabrant sur tel ou tel intention poetico/intellectuelle. Tous mes titres sont soit inscrits dans le contexte lors de la création du morceau, soit issus de mon carnet dans lequel j’engrange mes idées ou formules à la volée ».

Après avoir « warmupé » – comme il dit – pour de nombreux artistes, dont Vitalic, Depeche Mode, Caribou, Miss Kittin ou encore Ride, Kuston Beater ne se revendique pas comme une bête de scène, « je dois être le champion du monde du trac, je ne sors pas de disque pour les jouer en live d’ailleurs », la modestie l’emporte dans le stress lorsqu’il joue sa musique. En attendant un prochain live, Kuston Beater pense à un 3e opus, qu’il espère sortir avant les 8 prochaines années, à voir en fonction des opportunités qui se déclineront comme il ironise, « j’ai déjà 4 ou 5 morceaux corrects et sinon on m’a proposé Coachella mais je me tâte ».