La bière des étoiles
Photo: Romain Gamba
Deux hommes mènent une petite révolution dans le monde de la bière. François-Xavier Delahaut et Roy de Marco ont créé Réserve Royale, une marque belge produisant une bière blonde haut de gamme qui pétille dans une bouteille de champagne et qu’on peut trouver au Luxembourg. Tandis que le marché asiatique s’y intéresse, des chefs étoilés commencent déjà à la servir à leur table.
«Ça paie d’aller à contre-courant tout le temps.» On n’aurait pas pu trouver mieux en guise de conclusion, mais c’est Ève Delahaut qui nous l’a soufflée. La jeune femme vient de s’associer au projet un peu dingue de son frère François-Xavier et de Roy de Marco : celui de donner un bon coup de fouet au monde de la bière. En Belgique, les deux garçons ont créé leur marque, Réserve Royale, autour d’un concept : faire de la bière un produit de luxe vendu dans une bouteille de champagne de 75 cl ultra classe. Et ça cartonne ! Les demandes affluent de partout dans le monde, en plus du Luxembourg où on la trouve notamment à l’hôtel Le Royal. Grande-Bretagne, Portugal, Allemagne, Italie, France, Suisse, Russie, Cameroun, Canada, Australie, Pays-Bas, Espagne, Danemark, Brésil, Corée, Japon, Chine… Tous ces pays ont, au minimum, manifesté leur intérêt.
«Notre but ultime était d’atteindre le marché asiatique», souligne Roy de Marco. De cette ambition découle une partie de leur concept : élaborer une bière blonde pour l’export, au goût «international», mais sans tomber dans les travers de la grande distribution ni perdre l’identité du breuvage. Pour y parvenir, Réserve Royale entend promouvoir le savoir-faire local. Tous les ingrédients viennent de Belgique : le malt, le houblon, la levure, etc.
«Aucun brasseur ne voulait produire une bière dans une bouteille comme celle-là”
Un homme a adhéré à leur discours, le maître-brasseur Pieter de Bock, à qui il a fallu près de deux ans pour trouver les bons dosages tout en respectant leurs désirs. Convaincre sur une terre où la bière est une religion, ça a été «THE» mission. De fait, François-Xavier et Roy ont essuyé pas mal de refus. «Aucun ne voulait produire une bière dans une bouteille comme celle-là, transparente, dans la mesure où la lumière altère le goût», racontent-ils. Cette frilosité cachait sans doute aussi le manque de volonté de donner une chance à cette bière trop audacieuse. Trop onéreuse certainement, puisque cet élixir est commercialisé entre 18 et 28 euros la bouteille en boutique, et 37 euros dans les bars et autres endroits branchés. Si les deux acolytes conseillent de la vendre entre 18 et 21 euros, le prix peut même s’envoler jusqu’à 120 euros ! «Dès qu’on sort des sentiers battus, ça coûte plus cher.»
Entretemps, ils ont trouvé la parade en glissant la bouteille dans un tube blanc opaque, dont le packaging rehausse encore l’image du produit. «Le seul compromis auquel nous avons dû nous résoudre a été d’abandonner le bouchon classique en liège. Avec la bière, ça ne fonctionne pas : comme il laisse passer l’air, il y a un risque d’oxydation», expliquent-ils. Du coup, c’est un bouchon synthétique qui la protège.
De leur recette spéciale, on ne connaîtra pas tous les secrets. Juste quelques-uns. «Nous avons ajouté de la coriandre pour la rendre facile à boire. La pétillance est très fine, ce qui donne l’impression de goûter un champagne. C’est une vraie bière mais nous avons voulu lui ôter tout ce qui participe à lui donner une connotation négative.»
T-shirt, chaussettes et soirées hype
L’image, revenons-y. Âgés 26 et 28 ans, François-Xavier et Roy, qui se sont croisés pour la première fois au lycée Vauban, gravitent depuis pas mal de temps autour du milieu artistique. Le premier est passé par une école de design de mobilier et d’architecture. Il a crée sa propre marque de T-shirt à 13 ans, puis, en 2013, Sock Therapy, un label belge de chaussettes fabriquées en France. Avec déjà cette ambition de proposer un produit haut de gamme et de soigner particulièrement l’esthétisme, les motifs en l’occurrence. «J’en avais marre des chaussettes qui se trouent super vite», lance t-il dans un éclat de rires, découvrant ses chevilles à l’instar de sa sœur pour nous exposer le modèle du jour.
Le second a creusé son sillon dans l’événementiel au Grand-Duché après être revenu d’un long périple à New York puis à Londres. Il est désormais un habitué des soirées hype au Lux. Il était même à l’origine des soirées Millésime au château de Septfontaines, par exemple. Ce goût du prestige et de l’esthétisme se retrouve dans leur nouveau produit. Tous les éléments dorés du verre sont gravés en or 18 carats, sa coiffe est élaborée à Épernay, haut lieu du champagne. Le cerf, emblème de Réserve Royale, a été dessiné au dos par l’artiste d’origine polonaise Małgorzata Dzierżawska, et apparaît de face par un effet de transparence, quand la bouteille a été suffisamment conservée au frais. Surtout, de grands chefs étoilés la présentent à leur table, à l’image de Lionel Rigolet qui a élaboré un menu autour d’elle lors du dernier Dinner in the sky – ces impressionnants dîners servis dans les airs.
Un autre projet germe déjà dans leur esprit. Celui de développer un Gin basé sur une essence de bois rare. « Impossible ! », leur a t-on répondu. Mais une formule semble bien avoir été trouvée…