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La Review : Antigone au Théâtre du Centaure

Par Fabien Rodrigues // Photos : ©antoinedesaintphalle

Le mythe intemporel et la quête d’absolu de l’héroïne tragique Antigone, dans sa version racontée par Anouilh, s’offre une création percutante au Centaure jusqu’au 26 février. Une plongée à ne pas louper dans un des textes iconiques du théâtre français… 

Thèbes. Les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, ont préféré s’entretuer plutôt que de se partager le trône. Le pouvoir revient à Créon, ancien premier courtisan joyeux devenu roi aigri et malgré lui ou presque… Pour mater la révolte et insuffler l’ordre dans une cité qui en a besoin, il décide d’ériger Étéocle en héros et de laisser pourrir le cadavre de Polynice, interdisant à tout citoyen de lui offrir une sépulture, même minime.

Mais Antigone, la « petite Antigone sans qui tout le monde aurait été heureux » ne le voit pas de cet œil : à 20 ans à peine et alors qu’elle est fiancée au fils de Créon, Hémon, elle prend la décision de celle qui ne pourra se satisfaire que d’une confrontation avec le destin, la mort et l’absolu. Elle ira recouvrir son frère de terre, et cela lui coûtera la vie, peu importe les supplications de sa sœur Ismène, de sa gouvernante adorée ou même de Créon, qui souhaite tout sauf son mal, après une première tentative avortée.

Dans ce combat passionné et ce refus de tout compromis, on retrouve sur scène Nora Zrika, jeune comédienne luxembourgeoise formée à Mons, grande et grave, qui campe une Antigone contemporaine avec brio, un regard perçant noir et une intensité juste. Contemporaine car le metteur en scène Antoine de Saint Phalle a voulu cette Thèbes post apocalyptique, dressée comme un phare dans un futur sordide où l’humanité a tout détruit. Si cela ne saute franchement pas aux yeux dans la scénographie – ni dans le texte qui reste évidemment intouché – quelques petits détails de mise en scène, comme la scène de danse d’Antigone, forte et hypnotique, apportent une certaine vivacité au contexte. 

Le filet militaire tendu au-dessus des interprètes aide quant à lui à évoquer la lourdeur du ciel et la pesanteur extrême de la situation politique thébaine. Autour de Nora Zrika, Denis Jousselin campe un Créon qui lui va comme un gant, accablé par les rides du pouvoir qui gèle tout plaisir et tout absolu, ce que méprise Antigone au dernier degré. Anne Brionne est également très convaincante en nourrice et en soldat de confiance un peu niais mais presque attendrissant… Hémon est joué par Juliette Moro, un choix plutôt intéressant, tandis qu’Elsa Rauchs est à la fois une Ismène juste et une narratrice captivante hors scène… 

Enfin, le sol meuble est quasiment un personnage à part entière, ce sol qu’Antigone ne pourra s’empêcher de jeter sur la dépouille de Polynice, malgré les révélations choquantes de Créon sur la veulerie absurde de ses deux frères. Ce sol ou elle sera ensevelie, rejointe dans la mort par celui qui préférera l’y accompagner plutôt que de vivre sans elle.

« Moi je veux tout, tout de suite, – et que ce soit entier, ou alors je refuse ! ». Antigone est l’incarnation parfaite de la tragédie grecque et n’a certainement pas, depuis son tombeau de pierre, à rougir de cette nouvelle interprétation de son choix…  

Antigone d’Antoine de Saint Phalle est joué au Théâtre du Centaure jusqu’au 26/02, puis au KHN le 10/03 et au Cube 521 le 25/03.

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