L’art numérique et les NFT veulent décrocher la lune à Art Basel
L’art numérique et les NFT font une percée à Art Basel, la grande foire de l’art contemporain, les stars du marché de l’art comme l’Américain Jeff Koons se lançant à leur tour sur ce segment en pleine ébullition.
La galerie Pace y a dévoilé la première pièce d’une série de sculptures que l’artiste connu pour son chien ballon et ses tulipes compte envoyer sur la lune avec SpaceX, l’entreprise d’exploration spatiale d’Elon Musk. Jeff Koons, un des artistes vivants les plus chers au monde, prévoit d’installer sur la lune 125 versions miniatures de ces sculptures appelées “Moon Phases” avec une photographie de leur emplacement, vendue sous forme de NFT (Non-fungible token, ou jeton non-fongible). Les acheteurs recevront aussi une sculpture en taille réelle, sertie d’une pierre précieuse pour marquer son emplacement sur la lune. “Nous la découvrons nous aussi pour la première fois”, s’enthousiasme Marc Glimcher, le directeur de la galerie, en présentant cette statue en forme de lune de 39,4 cm, fraîchement arrivée sur son stand à Bâle.
Pace fait partie des rares grandes galeries à s’être aventurées sur le terrain des NFT. Selon Clare McAndrew, auteure d’un rapport sur le marché de l’art pour Art Basel, seules 6% des galeries ont vendu des NFT en 2021. Hautement spéculatifs, leurs prix se sont enflammés depuis la vente l’an passé chez la maison d’enchères Christie’s d’un NFT de l’artiste américain Beeple pour 69,3 millions de dollars (66,3 millions d’euros à taux actuels).
Mais depuis leur pic en août 2021, les NFT ont plongé. Alors que les volumes de ventes de NFT liés à l’art avaient grimpé à 945 millions de dollars en août, ils sont retombés à 366 millions en janvier, puis à 101 millions en mai, selon les relevés de Clare McAndrew. Ces hauts et bas ne font pourtant pas reculer le patron de la galerie Pace, convaincu que les NFT sont le signe d’un marché naissant pour l’art numérique. Il compare leurs excès à la bulle Internet du début des années 2000.
“Bien sûr, c’était une bulle. Mais nous avons toujours l’Internet aujourd’hui”, a argumenté Marc Glimcher lors d’un entretien, qui y voit une “nouvelle méthodologie pour distribuer l’art numérique”.
Araignée de Louise Bourgeois à 40 millions
Pour cette édition, les organisateurs de la foire se sont alliés à la plateforme de blockchain (chaîne de blocs) Tezos qui présente des oeuvres numériques d’artistes dont de nouvelles versions sont générées par apprentissage automatique des machines sous forme de NFT. Les visiteurs peuvent venir en télécharger un gratuitement sur son stand même si certains les remettaient déjà en vente à peine sortis de la foire. A ses côtés, la plateforme ViveArts propose pour sa part une plongée dans l’art numérique à l’aide de lunette de réalité augmentée, présentant notamment un avatar de l’artiste allemand Albert Oehlen dans un univers en 3D.
Dans les allées de la foire, la galerie française Edouard Montassut mettait en vente une création numérique de l’artiste turc Özgür Kar représentant un homme entourés de trois squelettes qui rappelle les bas-reliefs des églises, mais sur écran à cristaux liquides. “Je pense que les NFT vont avoir une place dans le marché à l’avenir”, a déclaré Marc Spiegler, le directeur d’Art Basel, même si leurs prix se sont “effondrés récemment” à l’heure où les artistes multiplient les expérimentations avec les outils numériques.
Dans l’immédiat, les oeuvres en dur que les riches collectionneurs peuvent installer dans leur salon ont renoué avec les gros chiffres: une araignée de la sculptrice franco-américaine Louise Bourgeois s’est arrachée à 40 millions de dollars, une oeuvre de l’artiste conceptuel Félix Gonzalez-Torres est partie à 12,5 millions, une huile sur toile de l’allemand Georg Baselitz s’est vendue à 5,5 millions.
“L’ambiance – malgré évidemment le contexte global compliqué avec la guerre en Ukraine et la situation générale de l’économie – est excellente”, s’est félicité le patron de la foire. La foire, qui se tient du 16 au 19 juin, rassemble une foule d’oeuvres bien réelles, allant d’une gigantesque statue en bronze du britannique Thomas J. Price à une installation de l’artiste franco-chinois Huang Yong Ping représentant une cuisine parsemée d’immenses cafards ou une série de portraits sculptés dans le bois du franco-camerounais Barthélémy Toguo.