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Laurent Lecamp : « Qui d’autre que Montblanc peut se permettre d’associer un glacier à l’une de ses pièces ? »

On vous le dit tout de suite, nous aurions pu encore échanger de nombreuses heures avec Laurent Lecamp tant il nous a transportés dans son univers et dans sa vision du monde horloger. Après une carrière dans l’œnologie, l’horlogerie (où il a notamment fondé la marque Cyrus), une formation en gemmologie ou encore l’écriture de plusieurs livres, Laurent est désormais à la tête du département horloger de Montblanc, une maison qui n’a cessé de nous faire rêver tant pour ses instruments d’écriture que pour ses pièces horlogères uniques au monde. Quasiment deux années après sa nomination, rencontre avec celui qui a insufflé un vent nouveau au sein de la célèbre maison allemande.

Interview : Mathieu Rosan

Malgré votre jeune âge, vous avez eu mille vies et on sent à travers votre parcours une grande curiosité et une volonté de constamment de vous challenger…

J’ai toujours souhaité découvrir des choses et m’enrichir à travers des univers riches et variés. Depuis mon plus jeune âge, j’ai un caractère très curieux. Je considère d’ailleurs que la curiosité est la base de tout. C’est quelque chose qu’il est fondamental d’entretenir avec le temps. Je suis d’ailleurs en train de lire un ouvrage sur la force mentale dans lequel on prend conscience de l’importance de penser différemment et d’attiser sa curiosité. Le mental est quelque chose que j’essaye de travailler au maximum car la façon dont nous pensons influence notre créativité et la manière que nous avons de travailler. Pour moi, l’une des plus grandes qualités chez un individu est sa capacité à aller vers des choses qu’il ne connaît pas.

En plus de votre carrière, vous avez notamment couru des marathons en conditions extrême. Je pense à celui sur le lac Baïkal, à moins 40 degrés. Finalement vous aimez l’aventure autant dans votre professionnelle que dans votre vie privée…

L’un de mes grands-pères m’a dit une fois : « Dans la vie, la chance n’existe pas. Tout dépend de la manière dont tu vas appréhender les choses ! ». C’est une mentalité. La chance est un état d’esprit, et la façon dont on va s’ouvrir aux choses feront que nos décisions seront couronnées ou non de succès. Dans la vie il faut savoir saisir les opportunités que les autres n’auront pas l’audace d’attraper. Si je n’avais pas créé ma société en horlogerie, développé une manufacture ou encore visité une grande partie du monde pour vendre des produits de luxe, je n’aurais jamais pu travailler avec Montblanc et avoir la chance de développer sa division horlogère. C’est sans doute la diversité de mon parcours qui les a convaincus de travailler avec moi.

Justement, qu’est-ce qui vous a séduit dans l’aventure que vous proposait Montblanc ?

Lorsque l’on entre dans une marque qui partage autant d’émotions que Montblanc, on a envie d’y rester et d’avancer avec elle. Ce qui m’a beaucoup plu, au-delà de l’histoire incroyable de la maison, c’est sa singularité dans le secteur. Montblanc possède non pas une, mais deux manufactures. Celle située à Villeret étant l’une des plus belles de l’horlogerie Suisse. L’autre particularité de la Maison se reflète dans sa capacité à proposer des garde-temps de très grande qualité à 1 700 euros mais également des pièces de très haute horlogerie à plus de 200 000 euros.

J’imagine que le lien que possède Montblanc avec les glaciers, les montagnes ou encore l’aventure, vous permet de travailler sur des inspirations qui vous parlent particulièrement…

Absolument ! Et c’est d’ailleurs amusant que vous l’évoquiez car c’est l’une des premières choses auxquelles j’ai pensé lorsque j’ai signé chez Montblanc. Je trouve extraordinaire l’idée de créer un nom en lien avec une montagne aussi mythique et chargée d’histoire. La symbolique autour de Montblanc m’a toujours beaucoup touché. En arrivant j’avais d’ailleurs cette volonté de travailler avec tout ce qui entoure les glaciers.

Quel était votre cahier des charges à ce moment-là ?

Ce qui m’intéressait c’était de me dire que l’on a une telle force à travers le logo de la marque qu’il était important de continuer à capitaliser sur cette association unique au monde. J’ai donc organisé une ascension sur le Mont Blanc afin de contempler la Mer de Glace et de m’en inspirer. Après une journée passée à la contempler, je suis revenu en Suisse avec une photo et j’ai demandé à ce que l’on conçoive un cadran pouvant reproduire la beauté de ce glacier incroyable. Le modèle Iced Sea était né et avec lui un cadran unique qui renforce le lien de Montblanc avec ses origines. Qui d’autre que Montblanc pouvait finalement se permettre d’associer un glacier à l’une de ses pièces ?

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Dans les décisions que vous avez pu prendre depuis votre arrivée, on sent une volonté importante de raconter une histoire derrière les modèles que vous proposez. Je pense notamment aux pièces que vous avez imaginées autour de Reinhold Messner…

Absolument ! Dans les mois et années à venir nous allons d’ailleurs réduire drastiquement le nombre de nouveautés afin de laisser de la place à un important focus sur l’histoire de la marque. À chaque fois que je suis avec mes équipes, je leur demande si elles sont d’accord ou non avec l’histoire que je souhaite raconter. Dans une pièce horlogère, chaque élément raconte une histoire : le bracelet, le cadran, le fond de boîte… Chaque garde-temps Montblanc qui sort aujourd’hui de la manufacture possède ainsi une identité forte en lien avec l’histoire de la marque.

Justement, quelle a été l’histoire autour de l’Iced Sea que nous venons d’évoquer ?

Le Mont Blanc possède six glaciers dont un qui s’appelle la Mer de Glace et qui tire son nom d’alpinistes anglais qui l’ont surnommé après avoir admiré ses reflets bleus rappellant ceux que l’on peut trouver en mer. Cela a nourri en moi la volonté de proposer une montre de plongée inspirée d’un glacier.

Quelles sont les difficultés à surmonter lorsque l’on souhaite développer la division horlogère d’une marque comme Montblanc, qui est avant tout une référence en matière de d’outils d’écriture et de maroquinerie ?

Il est vrai que Montblanc a dû se créer une légitimité dans le monde horloger. Pour se faire, la maison a transposé son savoir-faire et l’exigence dont elle a toujours fait preuve afin de concevoir des pièces à la hauteur de ce qu’elle savait faire de mieux, à savoir les instruments d’écriture.

La manufacture n’a jamais cessé de produire des mouvements depuis 1858 faisant de Montblanc une marque proposant un savoir-faire digne des plus grandes maisons horlogères. Pourtant on a l’impression qu’elle n’est pas toujours identifiée en tant que telle…

C’est vraiment quelque chose qui est en train de changer. L’exemple le plus représentatif de cela est que de plus en plus de très grands collectionneurs s’inscrivent sur les listes d’attente de certaines pièces qui sortent de la manufacture de Villeret. Le regard sur les montres Montblanc a changé et nos modèles deviennent des « classiques » pour les amateurs d’horlogerie. Le fait que de tels collectionneurs soient prêts à patienter plusieurs mois pour obtenir certains de nos modèles est une belle forme de reconnaissance.

Justement, qu’est-ce qui lie le client Montblanc qui achète une montre à 1 500 ou 2 000 euros et celui qui va acheter une montre à 100 000, 150 000 ou plus ?

C’est une très bonne question ! Mais sont-ils vraiment liés entre eux ? Je dirais que c’est avant tout l’histoire commune des produits Monblanc et de ce que partage comme valeurs la maison depuis sa création. Que ce soit pour une montre à plusieurs milliers d’euros ou des pièces extrêmement rares à plusieurs centaines de milliers. Pour les pièces Minerva par exemple, tous les clients sont fascinés par sa complexité et ils prennent conscience que l’innovation est également au cœur de notre histoire et de notre ADN. Finalement le lien se fait avec l’historicité que nous apportons à nos modèles qu’ils soient à 3 000 ou 40 000 euros.