Le futur de la collection auto se joue chez les “youngtimers”
Trop polluantes, les voitures des années 1990 vont-elles finir à la casse ? Les collectionneurs leur ont déjà ouvert leurs garages mais sans vignette, elles pourraient bientôt ne plus pouvoir rouler dans les villes.
Volkswagen Golf, Citroën AX ou BX, Peugeot 205 : ces voitures produites massivement ont envahi les salons de passionnés comme Rétromobile. Renault y fête aussi les 50 ans d’un modèle produit à plus de cinq millions d’exemplaires, la Renault 5, entre séries spéciales et modèles Turbo.
“Elles touchent ceux qui ont maintenant l’âge de s’intéresser aux voitures de collection, entre 30 et 50 ans”, explique Antoine Rachet, responsable pour la France de la plateforme d’enchères Benzin. “Et elles ont un prix bien inférieur aux classiques des années 1960. Mais les gens sont prêts à mettre le prix sur un véhicule à l’historique limpide ou bien restauré”, dit-il. Les voitures des années 1960 et 1970 ont en effet atteint des sommets aux enchères, mais il n’est plus rare de trouver la Peugeot 205 GTI, produite entre 1984 et 1992, à plus de 20 000 euros, soit son prix à sa sortie.
Ces “youngtimers”, soit des voitures âgées de 20 à 40 ans, ont vu leur valeur exploser au cours de ces dix dernières années en passant du monde de l’occasion à la collection, avec cette version sportive de la petite Peugeot en porte-étendard. “A partir du moment où des gens avec un veste matelassée et des mocassins veulent une 205 GTI dans leur collection, les cours augmentent forcément, et ces voitures échappent un peu aux passionnés de la première heure”, explique François-Xavier Basse, qui a lancé le magazine “Youngtimers” en 2010.
“L’avantage, c’est que le parc devient plus propre et plus sain”, souligne l’expert, exposant sur son stand des versions de route de championnes de rallye japonaises. Un conseil de future classique à acheter ? “La Peugeot 406 Coupé, on la comparait à une Ferrari, et elle est française. Les prix frémissent déjà nettement”.
Certaines de ces voitures moins prestigieuses ou en moins bon état restent abordables, et pourraient permettre au secteur de rajeunir: en 2021, les membres de clubs de collectionneurs français étaient âgés en moyenne de 58 ans, et de sexe masculin à 97%, selon une enquête de la Fédération internationale des véhicules anciens. Un tiers des collectionneurs détient déjà une “youngtimer” des années 1990. “Ca me rappelle quand j’ai commencé en mécanique”, raconte devant une 205 en vente un visiteur de Rétromobile, Francis Delahaye, 70 ans. “On peut rouler avec, elles sont sûres, et on trouve les pièces”.
“Couper la pyramide des âges”
Mais ces jeunes anciennes sont menacées : leur circulation sera limitée avec l’entrée en vigueur des zones à faibles émissions (ZFE), qui interdit progressivement les centre-villes français en semaine aux voitures à essence d’avant 2006 et diesel d’avant 2010.
Les voitures avec une carte grise de collection (âgées de plus de 30 ans) bénéficieront d’un passe-droit, a assuré le ministre français des Transports en février. Mais quid de ces voitures entre deux âges, bien plus confortables et fiables au quotidien que les anciennes, mais aussi plus polluantes que les modèles plus récents?
“Il faut éviter les dérives. Le collectionneur doit être conscient qu’il ne peut pas utiliser son véhicule tous les jours”, souligne Sébastien Berthebaud, de la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE). L’entretien de ces “youngtimers” peut par ailleurs être plus complexe que pour les anciennes, souligne M. Berthebaud, notamment parce qu’elles marquent l’arrivée de l’électronique et de l’injection d’essence.
La FFVE aimerait qu’une vignette “collection” permette à ces voitures de loisir, bichonnées, de se balader en centre-ville. “La grand crainte est que si on coupe la grande pyramide des âges, les voitures de 15 ans vont partir à la benne”, souligne François-Xavier Basse. “Si on tue ce marché à venir, à moyen terme il n’y aura plus de voitures anciennes”.