Le Review : Mère perdue, cheveux gras au TOL
Avec La Visite, Christine Muller met en scène une jeune maman au bord de l’implosion mentale – qui doit de plus faire face à l’arrivé soudaine d’invités un tantinet envahissants : son public. Acide et efficace, ce seul en scène joliment orchestré est à voir au Théâtre Ouvert de Luxembourg jusqu’au 1e février…
Le texte de La Visite ne sort pas de nulle part, puisque c’est Anne Berest, également auteure du roman à succès (et bardé de prix prestigieux) La carte postale paru en 2021, qui l’avait couchée sur le papier un an auparavant… Un premier atout dans la poche de la jeune Christine Muller, à qui Véronique Fauconnet – directrice du TOL – a commandé la mise en scène de la pièce. Seconde carte forte dans la main : un décor vraiment très réussi, réalisé par Christian Klein avec Manu Nourdin à la lumière, écrin parfait traduisant avec justesse l’ambiance de cette maison bourgeoise du Minnesota, bourré d’appareils scientifiques d’observation et d’expérimentation…
Le personnage principal s’y est installée quelque temps auparavant avec son mari, suite à l’obtention commune d’une prestigieuse bourse de recherche au sein d’un simili MIT. Enfin, « commune » sur le papier, mais surtout grâce à son intuition, n’aura-t-elle de cesse que de nous faire comprendre. Européenne dans l’âme, madame tombe vite enceinte et se retrouve désespérément seule, dépassée par son nouveau statut et les responsabilités qui y incombent tout comme par son entourage direct. « La pire chose qui puisse arriver à une mère, vous savez ce que c’est, oui, la pire chose qui puisse arriver dans la vie d’une mère, c’est d’avoir un jour un enfant » arrive ainsi très vite dans ce monologue entrecoupé seulement par les quelques interactions fictives qu’entretient la chercheuse avec des invités qu’elle feint d’accueillir avec bienveillance et enthousiasme, les « cousins du Canada », mais en fait non : nous, le public !
Pour interpréter cette mère au bord de la crise de nerfs, Rosalie Maes livre une performance juste, qui s’insère avec panache dans le décor qui l’entoure. Tantôt acide et brute, tantôt attendrissante de fatigue physique et mentale, tantôt posant des questions qui piquent là où il faut que ça pique, la comédienne ne permet aucun temps mort. Même les expériences chimiques et colorées auxquelles elle s’adonne ci et là pour ponctuer son flux sauvage de réflexion donnent un rythme supplémentaire au tout, ajoutant elles aussi à la pertinence de la scénographie. Le gribouillis de rouge à lèvres sur le visage de Rosalie, de plus aussi tôt dans la pièce, est-il nécessaire pour accentuer la perte de repères que ressent, à chaque minute, son personnage ? Peut-être pas, l’interprétation et l’intention font très bien le boulot par elles-mêmes, mais rien de bien grave.
Au bout d’une petite heure de spectacle, les spectateurs intrus sont gentiment congédiés et on ne peut s’empêcher de ressentir beaucoup d’empathie pour cette maman 100% baby blues, mais aux punchlines qui visent juste… « Si l’on était capable d’aimer tout le monde avec ne serait-ce qu’une fraction de l’amour qu’a une mère pour son bébé, le monde serait tout autre ». Pas mieux.
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