Adieu, Léonard Cohen
Son ultime album était sorti il y a un mois. Un opus sombre dans lequel le chanteur âgé de 82 ans évoquait la mort. Un disque sublime et prophétique. Leonard Cohen s’est éteint jeudi 10 novembre.
Il savait que la fin était proche, et l’envisageait sereinement, car il savait qu’il allait y retrouver sa muse décédée cet été, Marianne Ihlen, celle qu’il évoquait dans So Long Marianne (1967). Il lui avait adressé une très belle lettre d’adieu: «Marianne, le temps où nous sommes si vieux et où nos corps s’effondrent est venu, et je pense que je vais te suivre très bientôt. Sache que je suis si près derrière toi que si tu tends la main, je pense que tu pourras atteindre la mienne. Tu sais que je t’ai toujours aimée pour ta beauté et ta sagesse, je n’ai pas besoin d’en dire plus à ce sujet, car tu sais déjà tout cela. Maintenant, je veux seulement te souhaiter un très bon voyage. Adieu, ma vieille amie. Mon amour éternel, nous nous reverrons.»
Voix rauque, presque d’outre-tombe, et pourtant si romantique et mélancolique, Fedora vissé sur la tête, Leonard Cohen était avant tout un poète. Écrivain à ses premières heures, il quitte son Montréal natal pour s’établir à New York et devenir chanteur, car l’écriture ne lui rapportait pas assez. Symbole de la génération post-soixante-huitarde, aux côtés de Dylan, et avec lequel il aurait pu partager le Nobel de littérature, il fait partie de ceux qui ont emmené la chanson aux confins de l’univers poétique.
S’il laisse une œuvre dense et riche, on retiendra So Long Marianne, bien sûr, Suzanne ou encore l’incontournable Hallelujah – repris par plus de 200 artistes depuis sa création en 1984 – dans lequel il fait le lien entre l’amour physique et la spiritualité. Né dans une famille juive, il s’était converti au bouddhisme dans les années 90, à un moment où il avait fait le choix de s’éloigner de la scène. Rattrapé par des préoccupations matérielles (il a été dépouillé par son agent, ndlr.), il y est revenu, avec une tournée triomphale entre 2003 et 2008 et près de 380 concerts.
Son dernier album, You Want it Darker, restera comme la dernière trace de sa voix aussi caverneuse et profonde qu’il était devenu fragile en raison de ses problèmes de santé. Huit titres somptueux, cathartiques, et dans lesquels sa voix résonne pleinement… pour les siècles des siècles… Hallelujah.