L’intelligence artificielle s’expose aux Rotondes
Focus sur l’exposition Tête-à-tête, présentée dans le cadre du festival Multiplica aux Rotondes du 24 février au 5 mars. Une exposition sur les émotions humaines à l’ère du numérique…
Avec de plus en plus de précision, les intelligences artificielles (I.A.) sont capables de saisir, d’analyser et de reproduire les émotions humaines. Elles sont aussi capables de provoquer en nous de nouvelles réponses émotionnelles, tant positives que négatives : c’est ce que font les algorithmes des réseaux sociaux au quotidien…
Au travers de six œuvres par six artistes, l’exposition Tête-à-tête propose d’aller au plus près de ces technologies et d’explorer frontalement les liens complexes qui se nouent lorsque nous confions à ces I.A. une part de notre humanité. Au programme :
CO(AI)XISTENCE de Justine Emard (FR)
Le protocole de réalisation de Co(AI)xistence (2017) s’approche d’une expérience scientifique, et crée une interface entre les données numériques et la motricité humaine à travers le langage sensible de l’art. Justine Emard a mis en scène l’interaction entre Mirai Moriyama et le robot Alter, animé par une forme de vie primitive basée sur un système neuronal, une intelligence artificielle (IA) programmée par le laboratoire de Takashi Ikegami (Université de Tokyo), dont l’incarnation humanoïde a été créée par le laboratoire de Hiroshi Ishiguro (Université d’Osaka). Son apparence minimale autorise une projection émotionnelle, en ouvrant un espace pour l’imagination. Dotés d’intelligences différentes, l’humain et le robot dialoguent à travers les signaux de leurs langages respectifs, tant corporel que verbal. En utilisant un système d’apprentissage profond non anthropomorphique (Deep Learning), le robot peut apprendre de sa rencontre avec le danseur. Exister suppose que l’on est dans la réalité et/ou vivant…
Kissing Data Symphony de Lancel/Maat (NL)
Une « Intimacy Data Symphony » est une expérience multisensorielle et intime de réalités fusionnées, un rituel poétique durant lequel deux personnes s’embrassent et se caressent le visage en public. L’activité cérébrale de ces deux personnes est mesurée et visualisée sur un électroencéphalogramme, dont les données en temps réel sont projetées au sol et tournent autour du duo. Les données liées à l’activité cérébrale des couples qui s’embrassent s’entremêlent. Un paysage de données, responsive et immersif, est ainsi co-créé, reflétant les émotions et les mouvements de chacun·e de manière interpersonnelle et esthétique. La visualisation de données est traduite en temps réel en un algorithme qui compose un paysage sonore : une Kissing Data Symphony…
ELEPHANT JUICE de Simone C Niquille (CH/NL)
Dans le court métrage Elephant Juice, la chauve-souris réfléchit : « Notre propre expérience fournit le matériau de base de notre perception du monde, qui est donc limitée. » Inspiré de l’essai fondateur du philosophe Thomas Nagel « Quel effet cela fait-il d’être une chauve-souris ? », le narrateur du film paraphrase ce passage pour réfléchir à la probabilité que les systèmes de vision par ordinateur construits par l’homme dépassent un jour la vision du monde subjective de leur créateur. L’action se déroule dans une salle de bain et suit un personnage pendant qu’il se prépare pour un entretien d’embauche automatisé. Dans ce nouveau processus de recrutement, les entretiens se déroulent devant la webcam du candidat. Un logiciel de vision par ordinateur analyse le fichier vidéo de l’entretien et étudie les expressions faciales du candidat pour déterminer s’il dispose des qualités recherchées, telles que la fiabilité, la compatibilité et l’assiduité…
Ballade du fou Zahra Poonawala (FR/CH)
Zahra Poonawala donne, avec la Ballade du fou, une nouvelle opportunité de voyager à la fois à l’intérieur et en compagnie d’un son. L’œuvre se place dans le prolongement de travaux précédents qui, déjà, donnaient à entendre le son non pas comme une surface impénétrable, mais comme un volume à parcourir en mouvement et en écoute. Ces œuvres, comme TUTTI, reposaient aussi sur un dialogue entre les déplacements du/de la spectateur·rice/auditeur·rice et ceux des objets sonores. Il en résultait une prise de conscience accrue de la plasticité du son, de son caractère vivant. Dans la Ballade du fou, les configurations sonores évoluent en fonction de la relation physique entre le/la spectateur·rice et l’installation. À l’approche du/de la spectateur·rice, un haut-parleur en céramique s’anime et émet un chant, celui d’une soprano, tout en suivant par ses rotations le mouvement du/de la spectateur·rice…
HUMAN STUDY#1, 3 RNP de Patrick Tresset (FR/BE)
Human Study #1 est une installation où l’humain devient acteur. Dans une scène qui rappelle un cours de dessin d’après nature, l’humain prend le rôle du modèle pour être croqué par quelques robots. Lorsque le sujet arrive au rendez-vous, il/elle prend place dans un fauteuil. Un·e assistant·e fixe des feuilles de papier sur les bureaux des robots et les réveille en leur tordant le bras ou en frappant trois fois. Les robots, artistes minimaux stylisés, ne sont capables que de dessiner de façon obsessionnelle. Leurs corps sont de vieux pupitres d’école sur lesquels est épinglé le papier à dessin. Leurs bras gauches, boulonnés sur la table, tenant des stylos Bic noirs, ne savent que dessiner. Les robots RNP se ressemblent tous, à l’exception de leurs yeux qui sont soit un vieil appareil photo numérique, soit une webcam basse résolution. Leurs yeux se concentrent sur le sujet ou regardent le dessin en cours…
MIXED FEELINGS de Filipe Vilas-Boas (PT)
« Dans la nécessaire critique des usages déviants de la technologie numérique – j’ose croire la développer quelque peu dans ma pratique – la reconnaissance faciale tient une place particulière. Et pour cause, utilisée comme outil de surveillance dans l’espace public, elle constitue de fait une atteinte à nos libertés fondamentales, ce qui lui vaut notamment d’être bannie de l’arsenal policier dans la ville de San Francisco. Loin de moi l’idée de vouloir légitimer tout usage liberticide, je tente ici un détournement poétique afin de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Après tout, les marteaux peuvent aussi bien nous servir à briser des crânes qu’à construire de belles cabanes. En serait-il de même avec tout objet technique ? Avec Mixed Feelings, j’explore les potentialités poétiques de la reconnaissance faciale pour développer une forme d’empathie artificielle…
Plus d’infos sur les artistes et leurs œuvres sur le site du Multiplica. Visite guidée gratuite le mercredi 01/03 à 18h30 et le dimanche 05/03 à 11h00. Rencontre avec les artistes le samedi 25/02 de 17h00 à 18h30.
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