Louisahhh : « Danser et faire la fête sont devenus des actes de rébellion »
Crédit photo : ©Marilyn Clark / ©Céline Bishoff
Le 14 décembre prochain, Louisahhh – Louisa Pillot de son vrai nom – sera aux côtés de Maelström sur la scène de la BAM. Révélée en 2011 par Louis Brodinski, qui la signe sur son label Bromance, la Dj et productrice américaine, a depuis fondé son propre label, RAAR, sur lequel va très bientôt sortir son prochain album, dont elle distille quelques tracks depuis plusieurs semaines. L’occasion était trop belle pour ne pas aller à sa rencontre quelques jours avant sa venue à Metz.
Quand as-tu commencé à faire de la musique ? Qui ou qu’est-ce qui a influencé ta décision ?
A vrai dire, je suis complètement obsédée par la musique depuis mon plus jeune âge. J’ai débuté le piano à 5 ans ; à l’adolescence, je me suis mis à la guitare… J’ai toujours chanté et joué. La musique était (et est toujours d’ailleurs) le principal lien entre mon père et moi. Il a fait des choses aussi absurdes qu’incroyables, comme emmener sa fille, aussi douce et innocente soit-elle, voir Pink Floyd et Nine Inch Nails. J’ai toujours douté de mes propres capacités de production, mais apprendre à collaborer avec des partenaires incroyables m’a beaucoup appris et m’a donné confiance en mes propres forces, en ce qui concerne le chant et l’écriture.
Il y a de plus en plus de femmes qui percent dans l’électro, la techno : considères-tu avoir ouvert la voie ?
Je ne m’en rends compte que depuis peu, avec ces jeunes femmes, formidables, sur scène, après moi (ou avant, selon le cas). C’est un véritable honneur d’avoir pu leur faire de la place. Je suis heureuse d’avoir permis cela.
Te considères-tu comme féministe ?
Définitivement oui, mais, hélas, je déplore que, souvent, le féminisme est mal compris. Être féministe, pour moi, signifie que tout le monde, quels que soient leurs genres, orientations sexuelles, races, origines et croyances, devraient avoir des chances égales de succès. Pour moi, cela ne signifie pas que les femmes sont là pour écraser les hommes, dans le seul but de perturber et renverser le patriarcat suprémaciste blanc, qui opprime systématiquement quiconque n’est pas un mec blanc et riche.
S’il n’y a qu’une seule chanson que tu places au-dessus de toutes les autres ?
Impossible d’y répondre, je change d’avis tous les jours (rires) ! Mais, en ce moment, c’est « Modern Love », de David Bowie.
Tu es américaine, mais tu vis à Paris. Pourquoi avoir choisi la France ?
En réalité, la France m’a choisie (rires) ! A l’origine, je suis venue, car c’était un ultimatum de mon ancien label, Bromance. Je ne suis jamais repartie.
Qu’aimes-tu particulièrement à Paris ?
Je vis près des Buttes Chaumont, une ancienne carrière réhabilitée en un magnifique parc qui offre une vue imprenable sur Paris ! Je m’y rends souvent pour promener mon chien, je m’y sens comme à la maison (sourire).
Comment s’est passée la rencontre avec Maelström ?
Nous nous sommes rencontrés via une espèce de « blind date » musical, grâce à Louis Brodinski (rires) ! C’était en 2013, le deuxième jour de mon arrivée en France : je me suis retrouvée sur le pas de porte de Mael, à Nantes. Nous ne nous sommes plus quittés depuis (sourire).
Pourquoi avoir choisi de fonder ton propre label avec Maelström en 2015 ?
Au bout de cinq formidables années, Bromance s’est arrêté. RAAR a vu le jour dès lors qu’il est devenu évident que Mael et moi désirions concentrer notre énergie sur un son moins commercial, pour aller vers une musique peut-être plus étrange, moins accessible… plus ‘rare’, en fait, de ce que ce qui aurait été possible sous un autre label.
Le slogan de RAAR est : « De la techno pour les punks, du punk pour les techno-heads ». Peux-tu nous en dire davantage ?
Mael et moi venons de différents côtés du monde punk. Lui, davantage de free party, tendance hardcore techno ; tandis que moi j’ai grandi en allant à des concerts punk, et en écoutant de la musique ‘sale’, qui tabasse, jouée par un glorieux assortiment de mécréans (sourire). Notre intérêt pour la dance était le point de départ, mais nous voulions être sûrs que ce que nous allions faire et produire était de l’ordre de la subversion, de la contre-culture, de la résistance. C’est pourquoi ce slogan semblait approprié pour la scène que nous voulions occuper, le public que nous espérions toucher.
Tu sors un EP tous les deux ans en moyenne. Pourquoi rester si ‘discrète’ alors que, paradoxalement, tu te produis fréquemment en live ?
Je suis lente. Mon travail implique une collaboration et je me concentre également sur le contenu lyrique de ma musique, en lien avec la réalité des choses. D’après mon expérience, il faut vivre pour produire un travail qui ait un sens ; et la vie prend du temps.
Tu viens de sortir un nouveau titre « Feral Rhythm ». Où-a-t-il été réalisé ? Qu’est-ce qui t’a inspiré pour composer ?
Il a été créé entre Paris et L.A., en collaboration avec Vice Cooler, qui a également produit le prochain LP. « Fereal Rhythm » est supposé être un hymne moderne. Je ne créé que rarement de la « musique joyeuse », mais je pense qu’à ce stade de notre Histoire, danser et faire la fête sont devenus des actes de rébellion, voire un moyen de libération nécessaire de l’oppression que nous vivons chaque jour, surtout quand l’avenir tend à devenir de plus en plus étroit. J’ai voulu faire une chanson qui incite à l’espoir.
Danser et faire la fête sont importants pour toi ?
Je pense que l’histoire de la dance music a été celle de personnes marginalisées (par là, j’entends les personnes de couleur, la communauté LGBT, les innovateurs historiques de la house et de la techno, etc.), qui ont créé leur propre espace de fête. Ce n’est pas parce que l’EDM ou la « techno commerciale » sont sur les plus grandes scènes à présent que l’origine de la culture club en tant que subculture n’est pas sacrée et importante.
En 2017, tu t’étais confiée sur tes problèmes de dépression et d’addiction : pourquoi était-ce important de partager cela avec ton public ?
Je voulais que les personnes qui pourraient avoir besoin d’entendre cela sachent qu’ils ne sont pas seuls à lutter, et qu’ils puissent partager mon expérience, ma force et mon espoir en ce qui concerne les maladies mentales et la toxicomanie.
Tu avais également déclaré: « la sobriété étend mes horizons ». Est-il possible de faire partie du monde de la nuit, de la musique et de rester sobre ?
Oui, je suis clean et sobre depuis le 1er mai 2006. Pourtant, on m’avait dit que, peu importe ce que je ferais passer avant ma sobriété, je serais perdante. Mais que, si je plaçais ma sobriété avant tout, je pourrais aller n’importe où, faire n’importe quoi (excepté boire et me droguer, bien sûr). J’ai pris ça très au sérieux. Si vous lisez ceci, et que vous avez du mal à faire face, n’hésitez pas à m’envoyer un MP. Il y a une issue, je vous en fais la promesse.
Tu t’habilles toujours en noir ? Pourquoi cette obsession du noir ?
Je ne dirais pas que je m’habille TOUJOURS en noir (rires) ! Mais je trouve que c’est juste la couleur la plus cool, la plus facile, la plus flatteuse, à la fois classique, élégante et punk. Que demandez de plus (sourire) ? Je suis obsédée par la lumière, et non l’obscurité, mais avez-vous déjà été dans une pièce ultra sombre ? La plus infime source de lumière devient alors comme une évidence.
Quels sont tes projets ?
La veille de la soirée à la BAM (soit le 13 décembre, ndlr.), deux nouveaux singles issus du prochain album sortiront. Ce sera une journée super excitante. A côté, avec Mael et Bertrand James (de Totorro) travaillons sur un nouveau live ; la première date sera le 1er février 2020. Je suis très impatiente de me produire en tant que groupe.
Comment te sens-tu à quelques jours de ta nouvelle venue à Metz ?
Ça fait longtemps que je n’y suis pas venue, mais je suis très contente d’y venir à nouveau (sourire).
Si tu veux sortir après le concert, on a des plans cool !
Ok, je te prends au mot (rire) !
Louisahhh b2b Maelstrom ~ Fabrizio Rat ~ Ambeyance, Samedi 14 décembre à la BAM (Metz), 21h30, renseignements et billets ici