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MA VIE AVEC JOHN F. DONOVAN, le vibrant “film-somme” de Dolan

Texte : Thomas Suinot
Vedette : Xavier Dolan
Fans : Kit Harrington, Natalie Portman, Jacob Tremblay, Thandie Newton…

MA VIE AVEC JOHN F. DONOVAN, le vibrant "film-somme" de Dolan

Xavier Dolan aura 30 ans le 20 mars. Ma vie avec Jonh F. Donovan est déjà le septième long-métrage de ce cinéaste canadien (il est acteur, réalisateur, monteur, scénariste, producteur…)*. Le film raconte l’histoire d’un jeune acteur en 2017, Rupert Turner, qui se remémore, au cours d’une interview, son enfance et la relation épistolaire qu’il entre-tenait avec ledit John F. Donovan (Kit Harrington, aka John Snow de Game of Thrones — très juste dans le rôle, lui qui est plutôt mono-expressif habituellement, une belle sur-prise), véritable star de la télévision en 2006. Au fil des ans, cette correspondance impacte les vies de chacun et, plus d’une décennie après la mort de Donovan, Turner évoque cette correspondance dans un livre à succès et donc lors d’un entretien avec une journaliste (Thandie Newton). MA VIE AVEC JOHN F. DONOVAN, le vibrant “film-somme” de Dolan.

Dolan a co-écrit cette fresque intimiste, dont le titre en version originale se veut plus évo-cateur et poétique : The Death and Life of John F. Donovan (l’artiste a insisté à plusieurs reprises sur l’importance du terme « la mort » en premier — scène qui ouvre son mé-trage de toute façon). La légende raconte que le Québécois s’est inspiré d’une de ses propres lettres rédigées quand il était enfant et adressées à… Leonardo DiCaprio ! Dolan n’a jamais caché son admiration (et source de motivation pour travailler dans le monde du cinéma) envers l’acteur de Titanic et The Revenant. Mais ce dernier ne lui avait jamais répondu…

Avec son budget de 35 millions de dollars et après un travail acharné de montage, Ma vie avec John F. Donovan s’étale sur près de deux heures et est amputé de Jessica Chastain, qui jouait l’antagoniste principale et était déjà dévoilée sur des affiches promo-tionnelles… « La trame de son personnage s’insérait laborieusement dans le reste de l’histoire » a justifié Xavier Dolan (restant en très bons termes avec l’actrice qu’il espère retrouver sur un autre projet). En coupant deux heures de vidéo, le réalisateur a préféré se concentrer sur la relation entre Donovan et Turner et la période de l’enfance du second (incroyable Jacob Tremblay, qui forme un duo efficace avec Natalie Portman, qui incarne sa mère).

Pour ces raisons, le film ne fut terminé à temps pour concourir au Festival de Cannes (auquel est habitué le canadien, notamment pour ses deux précédentes œuvres Mommy et Juste la fin du monde) en 2017 et aussi en 2018. Mais il est projeté au Festival interna-tional du film de Toronto en septembre 2018 où… il est froidement accueilli.

Pour la première fois de sa carrière, Dolan échoue selon les premières critiques — mais pas la notre, on y revient plus loin ; et attendons, aussi et surtout, les retours du public. Ma vie avec John F. Donovan manquerait cruellement d’émotions voire d’intérêt. Les coupes dans le montage se ressentent, il y a un goût d’inachevé, la galerie trop importante de personnages n’est pas assez étoffée pour qu’on s’y attache, etc. Les cinéphiles espèrent donc une version longue pour la sortie DVD et Blu-Ray avec un montage alter-natif qui pourrait bien durer plus de quatre heures et… qui pourrait drastiquement chan-ger la donne. Seule la photographie, toujours aussi soignée, et le jeu d’Harrington ont remporté unanimement les suffrages. Pour notre part, on a plutôt été conquis par le long-métrage, pas le meilleur de son auteur certes, mais loin d’être la catastrophe annoncée, au contraire.

Avec son style si singulier et sa poésie contemporaine, Dolan a conçu un « film-somme » de ses thématiques habituelles : des portraits de mères et d’enfants ou jeunes hommes abîmés, les confessions et secrets de ces êtres perdus, l’homosexualité cachée ou as-sumée de certains protagonistes, etc. Avec ses gimmicks classiques (bande son pop, plans serrés sur les visages, cadrages originaux, séquence de chant par des membres d’une famille brisée…), le cinéaste captive aisément le public et l’émeut facilement, peut-être trop artificiellement parfois, mais insuffle une sincérité touchante dans l’écriture de ses personnages (certains étant par contre tout juste survolés). Mention spéciale à tout le casting de luxe habité par leur rôle respectif. Il est vrai que le réalisateur prend peut-être moins son temps qu’à l’accoutumée et va à l’essentiel, accentuant paradoxalement la dramaturgie de son œuvre, in fine très personnelle. Si Ma vie avec John F. Donovan ne bouleverse pas forcément le spectateur durant sa projection, il le hante bien après, signe (plutôt rare au cinéma) que le film marque les esprits. A-t-on envie de voir un montage de quatre heures ? Pas forcément, celui-ci suffit amplement. Pari réussi.

Note : 4/5


* Son huitième film, Matthias et Maxime, dans lequel Xavier Dolan joue l’un des rôles-titres, est également prévu cette année !

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