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Matthieu Chedid : “Je reste émerveillé par tout ce qui peut m’arriver”

Interview : Mathieu Rosan

Véritable référence de la scène musicale francophone et figurant parmi les meilleurs guitaristes d’Europe, Matthieu Chedid, alias – M –, était de passage au Luxembourg en automne dernier pour un concert événement à la Rockhal. Nous avons eu la chance d’échanger avec l’artiste le plus récompensé de l’histoire des Victoires de la musique (un titre honorifique qu’il partage avec son ami Alain Bashung). Rencontre avec un artiste hors du commun.

Il y a toujours eu beaucoup d’intimité dans vos albums, mais cela est encore plus évident dans Lettre infinie. Comment expliquez-vous ce besoin de vous dévoiler encore davantage ?

D’une certaine manière, sur certains de mes précédents albums, je restais effectivement beaucoup dans le mystère. Avec Lettre infinie, j’ai eu envie d’être plus transparent et d’imager cela grâce à des lettres sonores. Bien évidemment, je reste pudique, mais j’avais vraiment ce besoin d’être plus explicite avec l’intime que d’habitude. Je l’ai toujours été dans mes chansons, sans jamais vraiment y mettre des mots. C’est vrai que, pour une fois, j’ai utilisé des prénoms, des noms et des choses beaucoup plus précises.

C’était un moyen pour vous d’être plus proche de votre public ?

Oui clairement, et c’est d’ailleurs toujours par réaction. Dans mon précédent album solo, ÎL, on avait des morceaux assez spirituels dans lesquels j’étais vraiment beaucoup plus dans le mystère. Sans doute un peu trop, pour le public, qui avait parfois du mal à comprendre où je voulais en venir. C’est ce qui m’a poussé à être beaucoup plus explicite sur Lettre Infinie.

L’album est composé de 13 titres, comme autant de lettres que vous adressez au public. Quel est leur fil conducteur ?

Il s’agit de l’intime et l’amour que j’ai envers l’autre. Que ce soit les personnes que j’ai pu rencontrer dans ma vie, mais également la planète et tout ce qui nous entoure au sens large. C’est ce lien d’amour entre les gens ; un amour infini qui est le lien de toutes ces lettres.

-M-, votre nom d’artiste, représente votre part de poésie et de fantaisie. Il est d’ailleurs un personnage que vous réinventer à chaque album. Qui est le -M- de Lettre Infinie ?

Je dirais que c’est un -M- doré quelque part. Il y a également une idée d’alignement. Je vais vers quelque chose de plus posé, de plus aligné : cela se ressent sur ma musique. C’est un peu la pierre philosophale de l’alchimiste que je suis. Je pense que je suis un peu dans cette période de l’âge d’or. Il y a de ça dans ma vie personnelle, intime et même dans ma vie musicale. Pour la petite histoire, je sors d’une semaine totalement magique ou j’ai eu la chance de jouer avec Roger Hodgson de Supertramp, et, le lendemain, avec Marcus Miller. Ce sont pour moi des fantasmes de musicien et d’enfant. Faire de la musique vingt ans après et voir des gens qui sont encore-là, je le vis avec beaucoup d’humilité et de gratitude. Pour moi, rien n’est jamais acquis, et je reste abasourdi par tout ce qui peut m’arriver, aujourd’hui encore !

Comment expliquez-vous cette fascination, malgré vos nombreux succès et récompenses ?

L’émerveillement chez moi est perpétuel. On peut être émerveillé de choses très simples et c’est mon cas. La beauté d’un coucher de soleil, d’une fleur qui pousse ; tout est beau d’une certaine manière. C’est une notion qui est plutôt intérieure et ma grand-mère, Andrée Chedid, m’a transmis cela. C’est dans ma nature également. Encore une fois, je vis l’instant présent, je ne suis pas dans le passé ou bloqué sur ce que j’ai eu la chance d’accomplir jusqu’ici. Je suis dans le présent, ce qui implique intrinsèquement cette idée de cadeau quelque part.

“J’aime profondément expérimenter”

Dans Superchérie, sur lequel vous avez travaillé avec Thomas Bangalter (Daft Punk), vous revenez à l’un de vos premiers amours, le funk. Ça paraissait évident pour vous de travailler avec lui sur ce titre ?

Oui, et notamment car c’est aussi une amitié qui date depuis de nombreuses années. Ça me fait d’ailleurs penser à Philippe Zdar, mon grand ami, que nous avons perdu il y a très peu de temps. C’est lui qui m’avait présenté Thomas, il y a un peu plus de 20 ans. Je le connais depuis très longtemps et j’ai une affection toute particulière pour lui. On a essentiellement collaboré ensemble pour des raisons humaines et pour ce plaisir d’échanger tous les deux. Je dois également dire que je suis vraiment très admiratif de l’orfèvrerie de son travail, notamment avec les Daft Punk. De mon côté, je suis plus instinctif. J’aime profondément expérimenter, c’est d’ailleurs pour cela que je parle souvent d’alchimie. Les alchimistes travaillent dans un laboratoire avec beaucoup de patience et, finalement, c’est cette idée qui m’intéresse. J’aime rencontrer ce genre d’artistes qui vont me faire aller plus loin ou ailleurs.

Vous avez écrit Billie pour votre fille qui est seulement âgée de seize ans. Elle chante d’ailleurs sur huit des treize chansons. Comment a-t-elle réagi quand vous lui avez proposé de vous investir à ce point sur cet album ?

Ce qui est drôle, c’est qu’elle a toujours été à la maison quand j’écrivais mes chansons et, à chaque fois qu’elle passait derrière moi, elle chantait sans même que je m’en rende compte. Au final, quand je l’écoute ça paraît tellement simple pour elle que c’était vraiment naturel de l’intégrer sur cet album.

Vous êtes l’un des artistes francophones les plus primés, et chacun de vos albums est un succès. Qu’est-ce qui vous donne toujours envie de continuer ?

C’est justement cette idée de l’infini et des métissages musicaux. Aller toujours chercher des choses dans l’improbable. J’adore quand l’improbable devient une évidence. Résolument, rendre évident l’improbable, c’est vraiment ce qui me motive le plus !


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