Miser sur le luxe pour investir, une bonne idée?
À l’approche des fêtes de fin d’année, les grandes maisons de luxe sont partout : sur nos écrans, sur nos smart phones, sur papier glacé… Le désir du beau n’est jamais si vif que lorsque la magie de Noël fait son apparition. Et si certaines et certains ont une approche très « collectionneur » du luxe et de ses items si désirables, d’autres y voient plus un investissement tantôt passion rémunératrice, tantôt sûreté du rare dans un contexte très incertain…
Le luxe fera toujours rêver…a priori ! En effet, le célèbre peintre et sculpteur George Braque – dont le pic d’activité remonte pourtant à la première moitié du XXe siècle – l’avait dit déjà à l’époque : « Les démocraties ont remplacé le faste par le luxe ». Un adage qui marque une certaine vanité contemporaine et qui se trouve difficilement plus pertinent dans le contexte géopolitique actuel. Pourtant, tout comme les autres marchés, celui du luxe – évalué à plus de 360 milliards d’euros – est lui aussi soumis aux fluctuations économiques et aux impacts divers.
Ainsi mi-novembre, le cabinet de conseil expert Bain & Company faisait état d’une année 2024 loin d’être flamboyante pour l’industrie des produits de luxe, voire presque morose. La cause ? En partie la Chine, dont la consommation semble quelque peu s’essouffler après une pandémie de Covid-19 aux conséquences toujours bien actuelles ; mais aussi un changement des mentalités et une plus grande inclinaison somme toute très compréhensible des consommateurs vers de l’expérience et du voyage de luxe plutôt que dans l’objet en lui-même…
Un second marché de passionnés
Qu’à cela ne tienne, on le sait, l’objet de luxe a encore de très beaux jours devant lui, et si le premier marché montre des signes de stagnation et un léger manque d’entrain, c’est donc le marché de l’occasion – dans son sens le plus chic ici – qui pourrait bien sortir son épingle du jeu. Car si les collectionneurs accumulent, les investisseurs passionnés, eux, placent et parient sur l’avenir ! Les deux n’étant évidemment pas incompatibles, surtout lorsqu’on constate quels sont les items les plus prisés dans cette démarche d’investissement : les montres, la maroquinerie et les grands vins, pour ne citer que ce panthéon du chic qui rapporte pour qui sait choisir.
Car pour qui veut investir dans l’objet de luxe, il semble qu’un minimum de culture du luxe, d’œil et d’intérêt historique soit de mise pour ne pas commettre d’impairs… C’est ce que nous confie le chef Arnaud Deparis, qui a fait de son amour pour les belles montres une activité également rémunératrice : « Dès l’adolescence, j’ai très vite été attiré par les montres. J’ai fait quelques achats au fil des années et j’ai commencé à revendre les modèles que je ne portais plus et qui se revendaient bien. Aujourd’hui, la clé est l’accès à des modèles très rares et très convoités : pour les montres, on parle de Rolex bien sûr, mais aussi de Patek Philippe et Audemars Piguet – le top trois de l’investissement en montres ». En effet, le plus difficile à avoir, le plus intéressant à la revente. C’est la question de l’allocation, chez les Maisons horlogères bien sûr, mais aussi dans les grands vignobles ou chez Hermès, qui diffuse son célèbre Birkin, objet de toutes convoitises, à qui le méritera le plus… Les listes sont longues, les passe-droits peu nombreux, l’entregent nécessaire. Dans le même secteur, mais une moindre mesure, Dior, Prada, Louis Vuitton et Gucci sont aussi présents sur ce second marché très niche.
Si l’on revient à l’horlogerie et que les grands budgets sont hors de portée, il semble également judicieux de s’intéresser aux éditions très limitées des marques plus accessibles, qui procureront une marge à la revente moins importante, mais certaine et potentiellement rapide auprès d’un public averti, « comme avec une des collaborations récentes entre Swatch et Omega sur le thème du système solaire qui fait un carton à la revente, car il est très difficile d’avoir la collection entière tant peu de modèles ont été produits », nous explique Arnaud.
Ce dernier « boursicote » également aussi avec les vins d’exception, mais « il n’y a que la Bourgogne qui marche dans ce sens et c’est très difficile d’en avoir ». Bon à savoir… Quant à la question du moyen d’achat et de revente, le chef déconseille de tout miser sur le web et de privilégier la patience auprès d’espaces commerciaux officiels, quitte à faire quelques kilomètres… Même si des sites sérieux sont à l’œuvre.
Un confort et une sécurité physique qui plaisent aux acheteuses et acheteurs, une tendance qui se confirme ? Alors que la plupart des magasins de luxe en dur souffrent d’une baisse de fréquentation sur l’année 2024, les magasins d’usine affichent des performances supérieures, comme le souligne Bain & Company. « Le canal gagne en popularité en tant que canal d’entrée privilégié sur le marché, procureur de bons prix. Dans un contexte où les consommateurs se détournent des environnements à prix plein et recherchent de plus en plus d’expériences immersives, personnalisées et créées par la marque, les enseignes gagnantes ramèneront le trafic vers les magasins en offrant des propositions de valeur différenciées et en élargissant l’engagement en magasin ».
Attention aux faux pas !
Pour bien investir dans l’objet de luxe, il ne faut pas faire n’importe quoi. Cela semble être une évidence énoncée ainsi, mais beaucoup encore s’y font prendre et peuvent ruiner leur réputation et leur chance de faire perdurer leur activité d’investissement – même au sommet de l’ « échelle sociale »… Car on ne revend pas à tout va, c’est ce qu’a découvert la superstar Kim Kardashian en mettant à la vente son sac Birkin d’Hermès pour la coquette somme de 70,000 dollars il y a quelques mois.
Car même en utilisant le Kardashian Closet, plateforme de revente en ligne maison de la famille K, l’annonce n’est pas passée inaperçue – bien au contraire, elle a créé un bad buzz assez embarrassant pour celle qui brasse des centaines de millions de dollars… En cause, non pas le prix, mais l’état du sac de Kim qui s’est attiré les foudres des internautes, raillant son manque de classe…
L’état des items est en effet primordial dans une revente réussie. Pour les montres, comme pour les sacs haut de gamme, la certification, les documents originaux et le dispositif de conservation – l’emballage donc – en excellent état sont des facteurs obligatoires pour les nouveaux acheteurs qui déboursent une somme non négligeable sur ce second marché très porteur. En somme : on achète, et on met dans un coffre en attendant que la cote monte. Ce n’est pas très sexy, mais l’investissement l’est rarement.
Ensuite, les délais entre achat et revente ne sont pas à prendre à la légère non plus ; et se faire prendre la main dans le sac avec plusieurs achats et reventes rapides pousseront volontiers les revendeurs officiels – toujours très observateurs et plus fans de collectionneurs que d’investisseurs lorsqu’il s’agit d’allouer, de donner accès, à un de leurs biens, à vous mettre sur leur liste noire. Ah, le pouvoir ! Plus d’accès, plus d’achat, plus de revente, plus de profit. Ainsi, même si la revente immédiate avec profit peut tenter, la patience est donc, une fois de plus, une vertu cardinale lorsqu’on parle d’investissement dans le luxe.
Ce qui pose enfin la question de l’avenir à court terme du secteur. « Pour assurer leur croissance future, les marques devront repenser leurs équations de luxe, en rétablissant la créativité et en mélangeant les anciens et les nouveaux manuels de jeu », conclut à ce sujet Federica Levato, partenaire chez Bain & Company. « Il s’agit notamment de redécouvrir leur essence et d’adopter les piliers fondamentaux de l’industrie : la désirabilité alimentée par l’artisanat, la créativité et les valeurs distinctives de la marque ; des connexions et des expériences client significatives, personnalisées et culturellement résonnantes ; et une exécution sans faille basée sur la technologie, l’intelligence artificielle étant appelée à jouer un rôle primordial dans la plupart des domaines de la proposition de valeur ». Une fois de plus, la combinaison d’un savoir-faire séculaire et d’une ouverture d’esprit aux nouvelles tendances technologiques pourrait bien être une clé vertueuse pour l’avenir, de la création à la revente d’un bel objet de luxe…
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