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Moriarty, “célébrer le présent”

Texte Godefroy Gordet

La musique de Moriarty s’était d’abord glissée dans mes oreilles un jour de neige où j’avais emprunté la voiture de mon ami Boris. Dans la vieille Renault, trônait l’immense The Missing Room, un album entre blues américain et pop-folk à la française, audacieux, au ton juste, un peu rock et surtout sublime. «Moriarty» fait d’abord penser au Professeur Moriarty de Sherlock Holmes et puis on se dit que le côté «super-vilains» ne correspond pas vraiment à cette musique de nomade… En cherchant on y trouve plus les traits de l’anti-héros Dean Moriarty dans Sur la route de Jack Kerouac. Un type plus libre, pour une musique aérienne qui invite à rêver, mais aussi à danser… Tout comme leur petit dernier Epitaph, qui sonne comme si on avait toujours eu cette musique dans un coin de notre tête, un truc familier mais pourtant si nouveau. Rosemary Standley, la chanteuse franco-américaine du groupe nous a accordé quelques minutes pour nous «raconter» Moriarty.

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  • Rosemary Standley bonjour. D’abord, Moriarty aujourd’hui c’est qui?

Aujourd’hui Moriarty c’est un groupe de sept musiciens au studio et six sur scène. Il y a l’équipe historique, des musiciens qui travaillent ensemble depuis 15 ans et aujourd’hui un bassiste et un batteur se sont greffés au groupe. Tout ça est une longue histoire. Personnellement je n’étais pas dans le groupe à la création en 1995. Je suis arrivée en 1999 et c’est à ce moment qu’on a commencé à écrire et composer les chansons tous ensemble.

  • Est ce qu’on peut dire que vous avez conservé le côté fait main de vos débuts?

Les visuels viennent à la base de Stephan Zimmerli le bassiste, qui est également guitariste, contrebassiste, graphiste et photographe. C’est lui qui fait nos visuels depuis le début, les dessins, les photos. On avait déjà notre univers visuel avant de signer avec une maison de disque. On a signé avec le label Naïve, mais très vite on a eu envie de reprendre les commandes de la barque dans laquelle on s’était embarqués. Du coup on a créé Air Rytmo, notre label. C’est une façon pour nous de revenir à quelque chose de plus indépendant. C’est le groupe qui décide.

  • Vous êtes chacun de vous un peu touche-à-tout «multicarte»…

On a quand même chacun des rôles prédéfinis. On se répartit les tâches. Tu as ceux qui s’occupent de l’administratif, d’autres plus du graphisme, de la com’ ou de la promo.

  • Vous travaillez aussi pour le théâtre, comme dans Memories from « The Missing Room » mis en scène par Marc Lainé au théâtre de la Bastille. Vous pensez réitérer ce genre de création?

Oui, nous faisons de la musique pour des pièces de théâtre, pour des films, mais on travaille aussi avec des artistes à la croisée de plusieurs chemins.. Justement pour plusieurs raisons en ce moment Marc refait un spectacle qui s’intitulera Vanishing Point et qui va se jouer à Chaillot et au Québec. Certains musiciens de Moriarty y participent mais moi non.

  • En 2012 vous parliez «d’une période étrange pour la musique», quel est votre ressenti aujourd’hui?

Mon sentiment est de plus en plus étrange. En France il y a de nombreux festivals qui sont annulés. On est dans une période très particulière. Une période de crise que beaucoup de musiciens ressentent car ils ne trouvent pas de travail…

  • Moriarty c’est un mélange inventif entre jazz, musique africaine, expérimentations électroniques, folk et sons klezmer, un collectif très inspiré qui veut être totalement libre. Air Rytmo (votre label) est venu pour ça?

On l’a monté avant la crise, mais je pense que ça aide d’avoir un micro label. On n’est pas tributaire d’une maison de disque, si on a envie de faire un disque on le fait. C’est notre décision.

https://www.youtube.com/watch?list=PL1kW4_no6p8nBFPewrSJwG6ceLfrqEbol&v=IC7mbwsqWCk

  • Avec Fugitifs vous vouliez faire un hommage aux plus grands auteurs-compositeurs de blues, folk et country. D’où vient cette fascination pour le blues américain des années 30?

Ça vient de nos origines. Mon père est un chanteur de folk américain, donc forcément quand on me demande ce que j’écoutais quand j’étais petite, j’ai ces références-là qui sortent en premier. A l’époque la Cité de la Musique à Paris (quand ça ne s’appelait pas encore la Philharmonie) nous avait demandé de faire des concerts autour de Bob Dylan. On s’était dit que ce serait intéressant de travailler sur les influences de Bob Dylan qui sont les mêmes que nous. Le concert c’est super bien passé, c’était une très belle soirée et plus tardivement on a décidé d’en faire un disque. Ensuite, on a eu envie de retourner en composition et en création, c’est comme ça qu’est arrivé Epitaph

  • Entre musique traditionnelle irlandaise, country ou blues, votre musique puise dans un répertoire plutôt américain. EPITAPH votre 7ème disque sort le 13 avril va-t-il à nouveau dans cette direction?

Oui effectivement c’est un peu la suite de Missing Room avec à mon avis des sonorités plus rock. L’album est assez noir, assez tendu, il y a beaucoup de textes qui parlent de la mort, de l’au-delà, de fantômes, mais c’est pour nous surtout une manière de célébrer le présent.

  • Y-a-t-il là (dans Epitaph) comme une suite du très bon The Missing Room (Disque d’or)?

Missing Room a vraiment son univers à part, avec beaucoup de chansons qu’on a écrit sur la route, il y a pas mal de cadavre exquis. On peut dire que c’est une suite mais les deux albums sont très différents. On a beaucoup tourné avec des musiciens réunionnais et de musique cajun, on était sur scène avec Christine Salem, et je pense qu’il y a aussi cette influence-là qui s’en ressent. Epitaph a une empreinte de rythmes réunionnais qui n’existaient pas avant. On a envie de faire décoller les morceaux. On a envie que les gens danses, j’espère que ça se ressent.

https://www.youtube.com/watch?v=p1mwqsmN-ts

  • L’Olympia les 10 et 11 octobre 2015 c’est toujours le même symbole de réussite?

Non pas forcément. Même si je suis très contente de faire l’Olympia, n’importe qui peut le faire, c’est une salle qui se loue (rire)… Il y a le symbole de l’Olympes Grecque, je suis contente de le faire. C’est un rendez-vous parisien qu’on va avoir avec le public mais avant ça on joue au festival Solidays

  • Pour vous, quel serait le symbole de votre réussite?

Continuer à faire des disques. Mais la vraie réussite c’est que les gens continuent à venir aux concerts. On fait de la musique pour être entendus, on n’existe pas sans le public.

En concert ce soir mardi 21 avril à la Rockhal! Demain à Liège au REFLEKTOR et le 23 au Flagey de Brussels…