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Tayou : “Chaque nouvelle collection illy propose un véritable engagement”

Interview : Maria Pietrangeli
Photos : Pascal Le Segretain/Getty Images

Colorée, chamarrée et toujours aussi gourmande — la nouvelle collection illy Art Collection a été imaginée par l’artiste Pascale Marthine Tayou. Figure de proue de l’art africain contemporain, il propose ici une multitude de formes caractéristiques de l’ensemble de son œuvre. L’art de Pascale Marthine Tayou est un véritable melting pot d’inspirations, de lieux et de cultures que l’on prend plaisir à retrouver dans les différentes pièces qu’il signe pour illy Art Collection. À l’occasion de la sortie de cette collaboration haute en couleurs, rencontre avec un artiste hors du commun. 

Au-delà d’être une figure de proue de l’art africain contemporain, qui est Pascale Marthine Tayou ?

Je suis un animal qui essaie d’être humain. Je m’inspire des hommes qui m’entourent en les regardant et j’essaie de les comprendre. Ils sont pour moi un outil de travail qui nourrit mon inspiration.

Que faisiez-vous avant d’être “artiste” ?

Si je ne me considère pas comme un artiste, j’ai toujours été débrouillard et c’est d’ailleurs ainsi que je pourrai davantage me définir. Mais peut-on dire que la débrouillardise est un métier ? J’ai toujours essayé de faire des choses et je me considère finalement comme un faiseur de choses. Un artiste c’est quoi finalement ? Je peux accepter d’en être un à partir du moment où je signe un contrat, et encore. Bien que je raconte mes humeurs et mes émotions, je les raconte en associant des matières et des univers. C’est finalement cela que j’appelle faire des choses.

Lorsque vous dites de moi que je suis un artiste, je suis flatté, mais, cela ne va pas justifier ma connaissance de la sphère artistique. Je suis sincère lorsque je dis que je ne suis pas un artiste. Je n’ai pas suivi la logique artistique que les gens essaient de m’attribuer. Après, si l’on me l’attribue, je suis content. Finalement, je suis heureux d’avoir ce respect et ce regard. Mais je dois continuer à être ce que j’étais avant. J’essaie de retrouver constamment l’humanité à l’origine de mon univers. Cette démarche est également de la prudence de ma part. Je ne maîtrise pas tous les tenants et aboutissants de ce protocole artistique. C’est un risque terrible pour moi finalement. Celui qui me reconnait comme artiste, c’est à lui de le justifier, moi je suis un faiseur de choses !

Depuis quand êtes-vous ce “faiseur de choses” ?

On recherche dans une œuvre d’art, l’émotion qu’elle dégage. En termes d’émotion, c’est ce qui m’intéresse. Parfois, je me demande comment mêler l’émotion à la raison afin d’explorer les chemins de l’humanité. Peut-être est-ce aussi mon discours qui construit cela. Nous sommes tous des faiseurs de choses, il n’y a pas que moi finalement. Nous faisons tous des choses. De mon côté, je manipule la forme depuis toujours. Du moment où j’ai senti une urgence existentielle, il y a de cela une trentaine d’année, je me suis mis à l’analyse et à un diagnostic. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à proposer un univers émotionnel au public autour de moi et, progressivement, ce public m’a fait confiance, m’a suivi, m’a encouragé et c’est ce que je continue à faire. Je fais des choses tout le temps. Je suis constamment dans l’observation de ce que je peux proposer. J’ai la chance de faire des choses que j’aime et je le fais tout le temps.

Vous provoquez parfois des réactions violentes comme à Lyon, où l’on a détruit votre colonne pascale. Est-ce à cause du message que vous véhiculez ?

À chaque fois que j’ai été informé de cas de vandalismes, on m’a toujours demandé d’avoir une réaction. J’ai toujours souhaité rencontrer ces gens pour qu’ils m’expliquent. À Lyon, la colonne pascale était inscrite dans une série de sculptures qui devaient être montrées dans la ville. Le curé avait décidé de reconfigurer le positionnement des meubles dans l’espace et il a remis la colonne en mettant les chaises des chrétiens tout autour de la colonne pendant la période pascale. Il avait ses raisons et voulait peut-être changer la vision de ses ouailles. Seulement dans les ouailles, il y en avait quelques-uns qui n’étaient pas d’accord.

“Celui qui me reconnait comme artiste, c’est à lui de le justifier. Moi je suis un faiseur de choses !”

Pascale Marthine Tayou

La suite ? Je reçois un coup de fil alors que je me balade à Paris en me disant “Monsieur Tayou votre colonne vient d’être vandalisée”. J’ai alors répondu que “du moment que nous n’avons pas rencontré celui qui a renversé la colonne, nous ne pouvions pas affirmer qu’il s’agissait d’un vandale”. Il y a donc plusieurs possibilités. La première, c’est que cela peut être le curé lui-même ou le pape qui est passé par là, je n’en sais rien ! N’oubliez pas que c’était pendant la période du carême, c’est peut-être Jésus Christ qui, en montant vers le ciel, a renversé la colonne pour la corriger. Et si c’est le cas, j’aurai fait une œuvre commune avec lui ! D’ailleurs on va dire que c’est ça ! Ma façon de penser est dans la poésie et dans l’humour. 

Comment s’est passée cette collaboration avec illy ?

Le directeur artistique de Illy m’a appelé et invité pour participer à ce projet. Il m’a demandé de faire une proposition d’habillage et de customisation tout en m’adaptant aux contraintes liées au support. Il m’a donc envoyé tout l’historique des collections illy afin que je puisse faire des recherches et prendre conscience qu’il y avait une très belle philosophie dans ce qui avait déjà été fait par la marque. Il y avait des repères qui m’ont immédiatement rassuré et notamment le fait que la société mette en avant l’aspect humain dans ses projets.

Le respect qu’ils ont eu envers moi dans leur démarche m’a immédiatement séduit. J’ai refusé beaucoup de projets avec des sociétés qui n’avaient pas ce respect et cette vision. Chaque nouvelle collection de illy propose un véritable engagement. Ce n’est pas simplement un objet, c’est une relation entre l’artiste et la marque. La palette de couleurs que l’on propose dans cette collection s’est imposée immédiatement à nous. On y retrouve des couleurs juvéniles mais certains y voient une parcelle africaine. Finalement, chacun peut l’interpréter comme bon lui semble. 


Toutes les pièces de la collection sont à retrouver sur illy.com !