Protomartyr aux Rotondes : rage froide et dignité
Review : Thibaut André
La team musicale de Bold Magazine a pointé son museau dans l’antre des Rotondes pour les « Congés Annulés » ce dimanche soir. Il faut dire que la tête d’affiche avait parcouru pas mal de bornes pour atterrir au Luxembourg. Venu des terres rudes du Michigan, en droite ligne de Detroit Motor City, Protomartyr distille une musique sombre et intense. On ne pouvait pas manquer un tel rendez-vous.
Formé en 2008 au beau milieu de la crise financière frappant de plein fouet la cité industrielle de Detroit maintenant faillie, Protomartyr évolue dans un style postpunk contemporain et possède déjà quatre albums studio à ce jour. En dignes héritiers de Joy Division, leur musique est le reflet des conditions de vie qui prévalent dans leur ville natale. Jadis, à l’instar de Manchester, c’était une cité riche et flamboyante. Aujourd’hui, le chômage, la pauvreté et la criminalité sont le lot quotidien de ses habitants. On comprend dès lors mieux la tristesse et la rage froide émanant de leurs compositions.
C’est sur le coup de 21 heures que le quatuor de Detroit monte sur scène. Ils affichent des mines sobres et sombres à l’instar de leur univers musical. Le chanteur Joey Casey évolue dans un registre vocal de baryton qui sied tant au genre. Il incarne une sorte de chanteur hybride et torturé à la croisée de Ian Curtis (Joy Division), Mark E. Smith (The Fall) et Nick Cave. Côté musique, si les influences citées ci-avant sont évidentes, on retrouve ensuite la dynamique des proto-punks façon garage tels que les légendaires Stooges et MC5 issus de la même ville d’ailleurs.
Pendant plus d’une heure, les quatre musiciens vont ravir le public dans un crescendo savamment orchestré. On vibre sur le flot de paroles tout comme on prend en pleine face les rythmiques martiales habillées d’une guitare aux lignes profondes de tristesse et riches en reverb. C’est à la fois violent et fascinant comme un orage furieux, lourd et aérien comme un avion-cargo rasant les têtes. Les mecs sont tellement dans leur trip que leur cote de sincérité affiche le maximum.
Même dans la douleur et la rudesse de la vie, Protomartyr reste digne. Ce set est une véritable mise à nu artistique tout en conservant de la dignité et de la pudeur. Ce sera le paradoxe relevé pour ce (grand) soir.
Pour rappel, la série de concerts sous le label « Congés Annulés » a débuté le 27 juillet dernier et propose près de trente dates jusqu’au 24 août prochain au sein des Rotondes derrière la gare de Luxembourg. Toute la programmation est disponible ici :