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Rencontre avec Lysistrata

Photos : Carl Neyroud
ITW : Thibaut André & Carl Neyroud

De la musique qui claque avec une dynamique à mettre votre grand-mère sur orbite, Lysistrata est un trio français très jeune qui se joue des codes pour imposer un post-rock tendance noisy plein de fraicheur et de spontanéité sur la scène rock actuelle. Lors de leur passage au Donkey Rock Festival à Sélange (Belgique) le 10 août, la team musicale de Bold Magazine en a profité pour tirer quelques vers du nez à Max, Théo et Ben. 

 


Votre nom vient du grec ancien et signifie « celle qui délie l’armée ». C’est en fait le titre d’une comédie d’Aristophane datant de 411 avant J.-C. Ça parle de femmes se révoltant contre la domination masculine et prenant le pouvoir. Elles imposent notamment l’abstinence sexuelle à leurs guerriers de maris pour les inciter à négocier la paix dans le cadre de la guerre du Péloponnèse faisant rage à l’époque.  Y a-t-il un message politique, notamment féministe, dans votre musique et vos paroles ?

Non, pas du tout. En fait, quand on a choisi le nom, c’est parce qu’il nous en fallait absolument un. On avait déjà un concert de prévu. Théo a trouvé ce nom en cours d’histoire. A l’époque, on le trouvait juste joli. On ne savait pas ce que ça voulait dire. Du coup, on a découvert le sens plus tard. On n’avait pas vraiment fait de recherches à la base. On savait juste que c’était une pièce de théâtre, c’est tout. Il n’y pas de message féministe dans notre démarche.

Aristophane fustigeait la judiciarisation du débat. Quand vous devez en découdre avec l’adversaire, est-ce sur scène, sur un ring ou dans un tribunal ?

Plutôt sur un ring parce qu’un tribunal, ce serait un peu bizarre. Mais on ne cherche pas le K.O. au premier round. On aime bien que ça dure. On va dire que chaque morceau est un round. Du coup, chaque round peut être vu comme un K.O. C’est cool de voir les adversaires souffrir (rires – NDLR : c’est une boutade évidemment). Nous, on souffre autant qu’eux, tu sais. On a une approche guerrière qui, au final, va un peu contre le sens originel de Lysistrata. C’est le paradoxe.

Peut-on concevoir une société où l’ordre guerrier, c.à.d. la protection intérieure (police) comme extérieure (armée), peut être uniquement confiée à des femmes ?

Oui, pourquoi pas ? Aucun problème. On aimerait être protégés par des femmes.  C’est un peu déjà le cas en fait avec nos mamans.

On vous a vu faire des télés comme des festivals. Vous avez également écumé les salles de l’hexagone et même au-delà, en Belgique notamment. Vous jouez avec la même énergie détonante à chaque fois. Où puisez-vous cette énergie ? 

On vient de Saintes en Charente Maritime en France. On vit entre Bordeaux et La Rochelle. Dans cette petite ville, on s’ennuyait un peu. Du coup, on a voulu faire du rock assez jeune. Ce sont surtout des groupes violents et énergiques qui nous ont inspirés. Alors, on a voulu faire pareil. Mais on n’est pas des gens violents dans la vie. On se lâche avant tout sur scène sans que ce soit de l’énergie forcée. L’énergie est un peu différente à chaque live mais elle est sincère. Sinon, c’est nul.

La violence et l’agressivité, si elles adviennent, c’est qu’elles sont ancrées dans l’être humain. Mais c’est quelque chose qui se provoque aussi. C’est jamais gratuit dans la plupart des situations, sauf chez les tarés. Mais il y a beaucoup de tarés. Nous, on est contre la violence. On ne fait pas vraiment du mal aux gens même si on maltraite nos instruments, et parfois nous-mêmes aussi mais sans le faire exprès. (rires)

Si vous deviez vous éloigner de la formule guitare-chant-basse-batterie, quelle serait-elle ?

L’orchestre ! Le grand orchestre classique. Théo a une formation en guitare classique. On essaie toujours d’imaginer des orchestrations alors que certains de nos morceaux ne s’y prêtent pas vraiment. C’est assez drôle. On a toujours ce truc qui revient.

Nagui vous invite sur le plateau de Taratata pour faire une reprise en duo avec un autre artiste ou groupe ? Quelle serait-elle et avec qui ?

Le plus violent (rires) ! Et même tout le set de manière ultra-violente jusqu’à ce qu’il nous demande d’arrêter. On ne s’adapterait pas en tout cas. On jouerait trois heures d’affilée. Pour la reprise, ce serait « Mote » de Sonic Youth avec Robot Orchestra ou alors Thiéfaine. Non, plutôt avec Eric Cantona et Thiéfaine, mais avec Robot Orchestra quand même derrière. (rires)

Y a-t-il un film pour lequel vous auriez aimé réaliser la bande-son, un réalisateur avec qui vous aimeriez travailler ? 

Il y en a pas mal. On aurait aimé faire la bande-son de Bernie (NDLR : réalisé par Albert Dupontel). C’est un film bien taré. Gaspard Noë fait des films méga-crûs aussi même si ce n’est pas une influence majeure. On aimerait bien bosser avec Jim Jarmusch ou David Lynch aussi. Il y a un truc vraiment décalé chez eux. Quand tu vois Twin Peaks, tu ressens cela. Quand on joue un de nos morceaux en particulier, on imagine toujours des plans à la David Lynch. On devrait faire un clip avec David Lynch mais ça risque de coûter cher. Allez, on va lui envoyer un e-mail. (rires)

Vous avez beaucoup de références old school. Quelles sont vos références contemporaines ? Avez-vous aussi des références littéraires ?

C’est vrai qu’on a cité beaucoup de références old school mais on écoute aussi plein de trucs contemporains, comme Death Wish, Chelsea Wolfe et Russian Circles par exemple, sortis sur des super labels. Au niveau des références littéraires, on adore le roman dystopique « 1984 » de Georges Orwell mais aussi « Un Sac de Billes » de Joseph Joffo et « Les Incendiés » d’Antonio Moresco. En fait, on est aussi en train de lire tous les écrits de Richard Brautigan (NDLR : écrivain et poète américain né en 1935 et mort en 1984).

Quelle suite allez-vous donner à votre excellent album “The Thread” ?

On est déjà en train de bosser  sur des nouvelles compos. Parfois, on teste l’un ou l’autre nouveau morceau en live. On va faire une pause à partir de novembre, surtout pour prendre du repos. Et puis, on va en profiter pour se concentrer sur la composition également. Michel Toledo a enregistré notre premier album. On avait failli bosser avec Ted Niceley (NDLR : du légendaire groupe de noise punk underground  Fugazi) mais Michel connaissait trop bien notre son. Il nous a suivi en live. C’est un maître en la matière. Alors, on est resté avec Michel. Pour le deuxième album, ce sera pareil.

Un souhait, un vœu pour 2019 ?

Que tout se passe bien ! On est assez simples à ce niveau. Continuer à bosser, composer et faire plein de concerts, c’est ce qu’on veut faire.  Et puis, on aimerait bien venir jouer au Luxembourg. On y a joué un fois en fait et c’était super sympa.