Sadeck Berrabah, fusée chorégraphique
Sensation télévisuelle certes, mais danseur et chorégraphe passionné avant tout, Sadeck Berrabah a créé une pièce de danse unique, poétique et envoutante qui fait vibrer 40 danseurs à l’unisson. Entre deux collabs prestigieuses, il mène Murmuration à travers le globe, notamment à la Rockhal le 30 septembre prochain. Bold en a profité pour poser quelques questions à ce véritable missile de la danse que personne n’arrête…
Salut Sadeck! Quelques semaines après les représentations de Murmuration à Bruxelles, comment te sens-tu ? Comment s’est passée cette première belge ?
Ces dates à Bruxelles étaient en fait nos premières représentations à l’étranger pour Murmuration. Le public belge a été à la hauteur de sa réputation. L’accueil a été chaleureux et enthousiaste. Nous sommes impatients de revenir près de chez vous.
Tu es né à Forbach, mais on peut aussi lire que tu viens du sud de la France, à quoi a ressemblé la jeunesse de Sadeck Berrabah ?
Ma jeunesse a été chaotique, voire même plutôt catastrophique, mais j’en garde pourtant des souvenirs heureux entre la découverte de la danse et la nature omniprésente dans ma vie et qui constitue toujours un repère où je me réfugie.
Tu as encore un ancrage dans la Grande Région ?
Bien sûr, toute ma famille y vit toujours et je reviens régulièrement les voir. Je ne suis pas du genre à tourner le dos à mes racines. La famille, c’est sacré !
La passion de la danse, elle arrive quand dans ta vie ?
Dès mon plus jeune âge grâce à mon frère avec qui on s’entrainait pour des battles. Et puis bien sûr, il y a mon admiration pour des artistes comme Mickael Jackson.
Comment arrive le passage de la danse à la chorégraphie et le besoin d’en faire ton métier ?
J’ai toujours tout chorégraphié finalement, ça fait partie de ma nature profonde. Avant, c’était par le dessin. J’aime les lignes, les structures, les perspectives. Puis, il y a eu la danse avec ce style que j’ai créé et j’ai vu qu’il suscitait sinon de la curiosité, de l’enthousiasme. Alors que je me suis dit : « pourquoi ne pas essayer d’en faire quelque chose ? ». Je me suis donné alors un délai de deux années pour réussir dans la danse et d’en faire mon métier à temps plein.
Quel est le moment clé qui va tout changer ?
La période de la pandémie a été créativement très productive. La puissance des réseaux sociaux a fait le reste. L’élément déclencheur fut la collaboration avec Shakira pour son clip. Jusqu’à la voir devant moi, je n’y croyais pas d’autant que la rencontre a eu lieu en pleine pandémie. À partir de là, les choses se sont réellement emballées avec de nombreuses sollicitations et notre participation à l’émission « La France a un incroyable talent ». L’effet boule de neige a fonctionné, une collaboration en amenant une autre. Le succès n’est donc pas arrivé du jour au lendemain, mais bien étape par étape.
Kendrick Lamar, Shakira, Chris Brown : comment garde-t-on la tête froide quand on collabore avec des icônes pareilles ?
Pour être très sincère, je pense que je ne réalise pas encore tout à fait ce que toutes ces collaborations représentent. C’est mon entourage, ceux qui observent ce qui m’arrive, qui me font prendre conscience de tout ça. Avant de savoir avec qui je collabore, je dois avant tout imaginer quelque chose de nouveau. Mon focus est donc créatif et cela se fait souvent dans le rush. Je sais en revanche d’où je viens et où j’en suis aujourd’hui. Quand ce sera un peu plus calme, je pourrai alors réaliser tout ce qui a été fait. Je suis aujourd’hui emporté dans le tourbillon du quotidien.
Tu as fondé ta propre famille, c’est une base nécessaire dans ta vie ?
C’est toute ma vie, mon pilier, la force qui me permet d’avancer. Ma famille est prioritaire sur tout le reste. Je ne vis pas à Paris et je rentre retrouver les miens dès que je le peux. Je sais d’où je viens et ma vie n’a pas changé. J’essaye par ailleurs de développer la fibre artistique de mes enfants sans jamais les forcer. Aborder la vie par l’apprentissage de l’art, quelle que soit la discipline, permet une ouverture d’esprit sur les autres. L’éducation artistique devrait d’ailleurs être mieux valorisée à l’école.
Tu t’es inspiré de la nature et du mouvement de certains oiseaux pour créer Murmuration, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Un matin, en pleine nature, mon regard est happé par une nuée d’oiseaux. C’est grâce à cette image tellement forte, visuelle et inspirante que le concept de Murmuration est né. Pour moi, ces figures sont d’une beauté rare. Tous ces petits individus qui, à un moment, se coordonnent de façon géométrique et synchronisée pour se déplacer en groupe sans que l’on comprenne leur fonctionnement. Je me suis dit : pourquoi ne pas tenter de le faire avec des êtres humains ?
Un des mouvements les plus utilisés dans le spectacle est l’isolation : d’où vient cet affect particulier ?
Ça vient du mime. Enfant, j’étais très fan du mime Marceau, de la façon dont il était capable de suggérer les choses et de faire travailler l’imagination. L’isolation permet d’attirer l’attention et d’emporter le spectateur de façon presque hypnotique, comme un magicien qui fait un tour devant vous avec ses mains. La concentration du spectateur est absorbée et permet de l’emmener dans votre univers. En groupe, l’effet est décuplé et la coordination d’ensemble rend le mouvement puissant alors qu’individuellement, il est assez simple.
C’est un mouvement que l’on retrouve dans des courants de danse très différents, du contemporain au hip-hop en passant par le vogue old way. Quelles ont été tes premières inspirations et ont-elles changé depuis ?
Je suis fasciné par les formes géométriques depuis mon plus jeune âge. J’ai d’abord commencé à m’exprimer à travers le dessin puis par la danse que je pratiquais depuis des années sans trouver mon propre style.
Quels sont les autres mouvements utilisés dans Murmuration ?
Murmuration tourne autour de trois éléments : les lignes, isolations et point fixes. C’est un mélange de popping, toyman et tutting.
Toi qui reviens régulièrement en Lorraine, comment perçois-tu le Luxembourg ? Tu connais bien ?
Le Luxembourg ou la Lorraine, c’est presque pareil. Il y a un état d’esprit propre à la Grande Région. Je suis un peu des vôtres finalement…
Qu’attends-tu du public de la Rockhal en septembre prochain ?
J’ai entendu que le public avait répondu présent en nombre. Ça me touche vraiment. J’espère qu’il sera aussi chaud et expressif que les Belges. Je suis impatient de voir la réaction des amis luxembourgeois.
Et inversement, que peux-tu lui promettre avec Murmuration ?
Tout mon travail est basé sur la force de l’union collective. C’est plus qu’un spectacle, c’est une expérience que je souhaite faire vivre à travers ce moment hors du temps où j’emmène le spectateur dans mon univers. C’est quelque chose d’unique, de jamais vu. Les gens connaissent mon travail via les réseaux sociaux et des petites chorégraphies de quelques minutes. Dans mon spectacle, il y a une cohérence d’ensemble qui semble toucher le spectateur. Le processus de création nécessite beaucoup de rigueur et une mise en pratique précise de cette discipline. C’est un tableau vivant qui doit être absolument parfait sinon c’est l’ensemble qui s’écroule. Le résultat est forcément spectaculaire. Par ailleurs, Murmuration incite chacun à approfondir la connaissance de soi-même. J’aime à croire que c’est une sorte d’antidote. Un antidote qui favorise la (re)connexion entre chaque être et le collectif. Même si nous sommes en apparence tous très différents, au fond, nous aspirons tous à la même chose, vous ne croyez pas ?
Le spectacle tournera encore pendant un bon moment après Luxembourg, tu penses déjà à ce qui suit ?
Mon souhait le plus cher est que Murmuration puisse voyager dans le monde entier pendant longtemps.
Tu collabores aussi avec de grandes marques, notamment avec Moncler pour qui tu as créé une prestation légendaire : penses-tu que les marques (de luxe notamment) sont des facilitateurs, des acteurs importants de l’art et de la création de nos jours ?
Oui totalement, avant d’être des marques, ce sont des métiers d’arts qui sont très inspirants pour nous, les artistes. Ce sont également des opportunités qui nous permettent de créer de splendides mises en scène dans des lieux uniques, prestigieux et habituellement très difficiles d’accès.
Dis-nous une dernière chose, ce que tu veux…
Il y a de la magie partout, le tout c’est de savoir regarder… Alors, ouvrez l’œil et savourez ce qui est beau et ce qui vous touche.
Merci Sadeck et à très vite !
Cette cover interview est également à retrouver dans Bold Magazine #84, à lire en ligne ici!
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