Sam Tanson : “Développer le potentiel que nous avons au Luxembourg”
Photos : Julian Benini
La dernière fois que nous avions échangé avec Sam Tanson, c’était il y a un peu plus d’an. Elle occupait alors le poste de première échevine dans la capitale. Quelques mois plus tard, la voici en charge du ministère du Logement et de la Culture. Un rêve pour cette ancienne journaliste culturelle, pour qui ce ressort se doit d’être placé au cœur de notre société. On a évidemment souhaité en savoir plus sur ses priorités, ses envies et sa vision d’un secteur qui, ces dernières années, a connu de profondes mutations. Rencontre avec une ministre déterminée à faire du Grand-Duché un exemple en matière de développement culturel.
Qu’avez-vous ressenti au moment de votre nomination en tant que ministre de la Culture et du Logement ? Vous vous y attendiez ?
À vrai dire, ce n’était pas forcément une surprise. J’ai beaucoup discuté pour que cela arrive, car ça me tenait vraiment à cœur de m’occuper de ce domaine. C’était d’ailleurs acté que, si les Verts obtenaient un poste supplémentaire au gouvernement, ça serait moi. Je suis vraiment heureuse de pouvoir travailler à la mise en place du plan de développement culturel et de continuer à développer le potentiel que nous avons au Luxembourg.
Vous avez récemment présenté votre programme gouvernemental et notamment le projet de loi sur la protection du patrimoine culturel. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il reste encore beaucoup de choses à faire, en matière de protection du patrimoine au Luxembourg. On n’anticipe pas assez, et cela nous oblige à agir trop souvent dans des situations d’urgence. Il nous manque un inventaire sur tout le territoire qui détermine précisément ce qui est digne de protection. C’est un travail de très longue haleine et cela va prendre très longtemps.
Vous avez évoqué le potentiel du Grand-Duché dans le secteur culturel. Quelles sont vos autres priorités pour le développer davantage ?
Un travail détaillé a déjà été fait sous l’égide de mes prédécesseurs avec le plan de développement culturel, mais nous allons faire en sorte dans les mois à venir de définir les axes prioritaires sur lesquels avancer. Une des pistes concerne les procédures de subventionnement pour lesquelles nous sommes en train de réfléchir à la mise en place d’une nouvelle structure. Le but est de créer une institution qui regroupe les subventionnements par secteur artistique et qui favorisera également l’exportation d’artistes vers l’étranger. L’objectif est de permettre aux artistes d’avoir davantage de flexibilité et de rendre leur rendre le travail plus facile au niveau administratif. Leur proposer une sorte de guichet unique pour avoir plus d’informations directes, que ce soit au niveau fiscal, juridique, ou autre. J’aimerais également que l’on regarde le statut des intermittents du spectacle, identifier les points critiques, et voir s’il y a des améliorations que nous devons faire. La question de la TVA réduite sur les prestations artistiques est également importante.
“Malheureusement tout se passe par carnet d’adresses”
Quelle vision aviez-vous de la scène culturelle locale avant votre nomination en tant que ministre ?
La scène a énormément évolué ces derniers temps. Étant donné que j’étais journaliste culturelle il y a plusieurs années, je la suis évidemment personnellement depuis très longtemps. Globalement, je trouve qu’il y a eu énormément de professionnalisation dans le secteur. On peut par exemple citer music:LX qui participe grandement à l’émergence d’artistes à l’étranger.
Malgré toutes les initiatives et les moyens mis en œuvre, on a parfois l’impression que la scène luxembourgeoise n’a pas toujours la reconnaissance qu’elle mérite…
Je ne suis pas forcément d’accord. Prenons le secteur de la musique, par exemple. Nous avons de plus en plus d’artistes qui commencent à s’exporter. Évidemment, le travail n’est pas terminé, mais il faut continuer de soutenir des initiatives comme music:LX. On peut également citer le Grand Théâtre, au sein duquel un travail a depuis longtemps été mis en place afin de lier des artistes résidents avec des productions plus importantes. Malgré tout, ce type d’initiative dépend encore trop de la volonté de personnes individuelles. J’aimerais que l’on puisse avoir une approche un peu plus globale qui puisse profiter à tous et non pas seulement à ceux qui ont fait les bonnes rencontres. Car il ne faut pas se leurrer, malheureusement, aujourd’hui tout se passe par carnet d’adresses.
Comment faire finalement pour légitimer un peu plus certains des talents qui se trouvent dans le pays ?
En renforçant les structures existantes, en les accompagnant davantage, et en faisant en sorte de soutenir des initiatives, comme peut le faire la Rockhal dans l’émergence et l’accompagnement des artistes. On peut également évoquer le Sonotron, à Differdange, qui met à disposition des salles de répétitions disponibles à la location. Je sens qu’il y a une dynamique qui est là, et nous devons être en mesure de faire éclore tous ces projets.
On parle beaucoup du rôle des institutions culturelles, mais comment instaurer cette dynamique auprès des plus jeunes dans les écoles ?
Concernant les écoles, ce n’est pas nous qui avons le lead, c’est le ministère de l’Éducation. Je songe notamment à Kulturama, qui propose des projets culturels au sein des écoles. Cette initiative est récente et j’aimerais vraiment faire en sorte de l’améliorer. L’autre volet est celui de la médiation culturelle de nos institutions afin d’attirer les jeunes. On va mettre en place un service pour s’occuper de ces questions-là afin de proposer d’ouvrir la culture à des enfants qui n’ont pas forcément la chance d’y accéder.
“Le concert de mes rêves ? Radiohead !”
Quels sont les lieux que vous affectionnez particulièrement ?
Il y en a trop, je crois, c’est mon problème (rires). J’aime vraiment beaucoup de choses, et lorsque je compare l’offre culturelle avec celle qui m’était proposée quand j’étais adolescente, force est de constater que cela n’a rien à voir. Comme l’offre était assez restreinte, c’était toujours assez clair de voir ce qui s’imposait en termes d’activité culturelle. Aujourd’hui, j’aime particulièrement aller au théâtre afin d’assister à des pièces contemporaines. J’adore également me faire une exposition de temps en temps. Je viens d’ailleurs de découvrir la dernière exposition du Casino sur le vide dans l’art. J’affectionne énormément la musique aussi, et il m’arrive, autant que faire se peut, de me rendre à des concerts plus contemporains. On écoute beaucoup de musique à la maison, mais comme j’ai deux enfants, j’ai moins l’occasion d’aller à des concerts. Et enfin j’adore lire, mais comme mes journées et mes soirées sont bien remplies, je prends du temps sur celui où je devrais dormir (sourire).
Si on vous dit qu’on a deux places pour le concert de vos rêves…
Le concert de mes rêves (rires) ? Radiohead ! Mais pas n’importe où. Dans le sud de la France, dans l’un des sites où ils ont déjà organisé des concerts par le passé. Ça serait quelque chose de magique.
L’intégralité de l’interview est à retrouver dans le Bold 56 disponible ICI