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Taina Bofferding : “Nous sommes loin d’avoir atteint l’égalité”

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, nous faisons le point avec Taina Bofferding, Ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, sur l’égalité entre les genres au Luxembourg.

Par Jeanne Renauld

Quelle est la situation actuelle en matière d’égalité entre les hommes et les femmes dans le pays ?

Les bases légales d’une égalité entre les hommes et les femmes existent mais, dans les faits, au quotidien, nous constatons malheureusement encore des inégalités. Selon l’indice de qualité de genre 2021, élaboré par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) et qui prend en compte six domaines fondamentaux – le travail, l’argent, le savoir, le temps, le pouvoir et la santé –, le Luxembourg se situe en 9e position au sein de l’Union européenne, avec un score de 72,4 points sur 100, supérieur de 4,4 points à celui de la moyenne des pays membres de l’UE (0 représentant une inégalité totale et 100 une égalité totale). Si l’égalité n’est pas encore atteinte, nous pouvons néanmoins nous féliciter d’avoir réalisé d’importants progrès au cours de ces dernières années. En effet, depuis 2010, le score du Luxembourg a augmenté de 11,2 points et le pays a gagné trois places dans le classement. Il s’agit de la progression la plus importante au sein de tous les États membres, ce qui démontre que les choses bougent. Il ne faut toutefois pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons absolument continuer dans cette voie.

Quels ont été les progrès marquants réalisés ces dernières années ? Et a contrario, quels sont les domaines dans lesquels des efforts doivent encore être fournis ?

Le Luxembourg a progressé dans tous les domaines depuis l’introduction du GEI en 2010, mais plus particulièrement dans celui de la prise de décision, de l’emploi et du savoir. Le pays affiche un bon score pour le critère de l’argent ainsi que celui de la santé, avec un score respectif de 92,4 et 89,9 points. En revanche, les inégalités entre les femmes et les hommes sont les plus marquées dans le domaine du pouvoir (53,4 points), et plus précisément au niveau de la prise de décision politique (54,6) et économique (37,5).

« Les quotas peuvent être un instrument intéressant pour faire évoluer les mentalités »

Comment faire en sorte d’améliorer l’égalité dans ces domaines ?

Au niveau politique, un quota légal a été introduit en 2016 et s’est pour la première fois appliqué lors des élections législatives de 2018. Les partis ont été obligés de présenter 40 % de candidats de chaque sexe sur leurs listes de candidats. De manière plus générale, le gouvernement a adopté un nouveau Plan d’action national pour une égalité entre les femmes et les hommes en 2020. Il s’agit d’une feuille de route pour nous guider durant les prochaines années. Celle-ci reprend des mesures et des actions ciblées à réaliser dans différents secteurs.

Sur le marché du travail, on constate que malgré le fait que le Luxembourg soit bien positionné au regard des autres pays européens (lire notre encart), la femme n’est pas encore l’égale de l’homme. Comment sensibiliser les employeurs à cette discrimination ? Faudrait-il également imposer des quotas dans les entreprises privées ?

Aucun parti politique n’avait proposé d’instaurer des quotas en entreprise dans son programme. Il n’y a pas de consensus autour de ce sujet. Cependant, nous sommes convaincus que nous devons faire progresser l’égalité au sein des entreprises, en les accompagnant dans cette voie et en faisant fructifier les bonnes pratiques dans ce domaine. À cet égard, nous avons réformé le programme « Actions positives », qui vise à inciter les entreprises à établir un plan d’actions concrètes pour l’équilibre entre les sexes, la mixité et la diversité. Les quotas peuvent être un instrument intéressant pour faire évoluer les mentalités, permettre à des hommes et des femmes qui disposent du profil et des compétences nécessaires d’accéder à certains postes, sans préjugé lié à leur sexe, mais il ne s’agit pas du seul moyen pour contribuer à faire bouger les lignes.

L’éducation est-elle la clé de l’égalité entre les hommes et les femmes ?

Je pense en effet que cela passera par l’éducation et la lutte contre les stéréotypes et les discriminations. C’est pourquoi travailler avec les jeunes, les sensibiliser, favoriser l’égalité dès le plus jeune âge, à l’école, nous semble essentiel.

« Soyez vous-même, même si parfois, c’est difficile »

On évoque souvent l’inégalité entre les genres sur le marché du travail, mais elle peut aussi être présente dans la vie privée, au quotidien…

Effectivement. Nous sommes encore loin d’avoir atteint l’égalité dans la sphère privée, dans la vie familiale et sociale. La pandémie nous l’a encore illustré. La question des responsabilités au sein des ménages ou encore le recours au télétravail nous ont par exemple démontré que les genres ne sont bien souvent pas égaux dans le cadre d’une vie de famille. Les congés de maternité et de paternité, les congés parentaux, l’introduction du temps partiel, la lutte contre les violences domestiques ainsi que la lutte pour une meilleure répartition des tâches et des responsabilités familiales doivent contribuer à une plus grande égalité.

Avez-vous rencontré des difficultés en politique, en tant que femme ?

Il y a eu des réactions parfois inappropriées ou sexistes, face à l’arrivée d’une jeune femme au gouvernement. « Sera-t-elle capable ? Pourra-t-elle assumer les responsabilités d’une telle fonction ? »… Dans tous les milieux, des préjugés existent. À nous de les démonter.

Qu’est-ce qui vous anime dans votre fonction de Ministre ? Quels sont vos combats, vos ambitions ?

Mon grand but, c’est de parvenir à surmonter les stéréotypes, à lutter contre toutes les formes d’inégalité et de continuer à progresser vers une meilleure égalité entre chacun.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui nous lisent et qui souhaiteraient s’inspirer de votre parcours ?

Soyez déterminée, croyez en vos opinions, ne vous faites pas influencer par les autres. Choisissez une profession qui vous plaît et non pas un métier pour « rentrer dans le cadre ». Soyez vous-même. Même si c’est parfois difficile, c’est le plus beau cadeau que vous puissiez vous faire.