Musiques : Tessae, en “thérapie”
L’art du rebond : victime de harcèlement, déscolarisée, Tessae a dilué ces épreuves dans son rap/r’n’b et sort à moins de 20 ans un premier album, “Saisons”, entre référence à Verlaine et morceau avec Gims.
La souffre-douleur au lycée — elle se décrit comme “la rêveuse, qui ne se maquillait pas” — est donc passée depuis par la case phénomène TikTok, repérée et “validée”, comme on dit dans les musiques urbaines, par des poids lourds comme Booba, hier, et Gims, aujourd’hui.
Elle n’est pas pour autant devenue un bloc d’assurance. “Il y a toujours cette notion de thérapie: le regard des autres, je vais écrire là-dessus mais je n’ai pas une masse de confiance en moi non plus (rires)”, confie-t-elle à l’AFP. “Il y a des jeunes filles en train se construire qui m’écoutent et me disent +ça m’aide à m’accepter+, et ça m’aide aussi.”
L’artiste au look façon Billie Eilish — “une grosse source d’inspiration, mais je ne suis pas son double français, ça n’aurait pas de sens” — s’empare aussi de sujets comme le harcèlement de rue, avec son single “Salope”. “J’ai déjà entendu des petits trucs dans la rue, mais c’est surtout ma sœur qui l’a vécu, elle est souvent dans les transports et me raconte +tel mec m’a suivi+, +je me suis fait cracher dessus+, +on m’a insultée+.”
“A l’export”
Des bordées d’offenses, elle a parfois dû en gérer par écrans interposés avec la notoriété grandissante (plus de 4 millions de vues pour son titre “Bling” sur YouTube). “Avec le temps, j’arrive à passer un peu au-dessus.” Les attaques machistes ne l’ont pas surprise. “Il y a eu des choses comme une meuf’ qui fait du rap c’est dégueulasse ; mais bon, pour moi +si tu critiques, c’est que tu fais aussi bien (en musique), vas-y fais+, et là, ça ne répond plus en face.”
Il y a eu aussi de beaux encouragements. Le festival défricheur parisien MaMA (prévu en octobre 2020 mais annulé pour cause de Covid-19) l’avait ainsi sélectionnée dans sa section “avant-garde”, dédiée “à l’export et à la mise en avant de nouveaux artistes français”. A l’export ? Logique, car YouTube l’avait retenue plus tôt dans l’année dans son programme “Foundry”, panel de jeunes talents internationaux. C’était la seule Française du lot, étiquetée par la plateforme “avant-garde pop-rap”.
“Nous naviguons tous dans une nouvelle industrie musicale et les artistes de cette promotion trouvent de nouvelles façons de créer des contenus et de rester connectés avec leurs fans”, avait présenté Naomi Zeichner, à la tête des partenariats-artistes chez YouTube.
“Carte de visite”
Pendant le premier confinement, la Marseillaise garde le lien avec son public sur les réseaux avec son projet “Ad Vitam”: un souvenir et un artiste préféré soumis par un fan pour qu’elle en fasse texte et musique d’un petit morceau éphémère. Avec une surprise à la clé. “Sur TikTok, j’ai fait un morceau dans le style de Gims, il est tombé dessus, ça lui a plu.” Résultat, un titre avec lui, “Le cœur n’y est plus”, figure sur Saisons” (sorti chez Belem Music).
Cet album “carte de visite”, comme elle le dit, lui permet de dévoiler tous ses registres, fruits de cours de chant suivis dès 9-10 ans, sans oublier la pratique piano et guitare, avant les logiciels, peaufinée en autodidacte. Du bac à distance, finalement abandonné, il est resté quelques vers de Paul Verlaine dans le disque. Tessae a passé d’autres examens: Booba l’invite en 2019 à ses côtés sur scène au festival francilien We Love Green. Comme dans les séries, on se demande qui elle croisera dans les “Saisons” suivantes.