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Tom Van Dorpe : « The Kooples c’est avoir l’esprit ouvert »

Interview : Mathieu Rosan
Photos : The Kooples
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Cela fait désormais plus de dix ans que The Kooples a fait irruption dans la mode et inutile de dire qu’il n’aura pas fallu longtemps au label français pour s’y faire une place de choix. Nommé directeur artistique au printemps 2020, Tom Van Dorpe est prêt à écrire une nouvelle page de l’histoire du label en renouvelant un style bien connu des amateurs de mode. Rencontre avec l’un des stylistes les plus attendus des prochaines années. 

Vous avez conçu votre première collection en étant confiné à Paris. On imagine que ce n’était pas ce que vous aviez imaginé avant d’arriver chez The Kooples…

Effectivement c’était assez particulier (sourire). Heureusement, trois à quatre semaines avant le confinement, j’ai quand même pu rencontrer l’équipe. On a ainsi enchainé un voyage à Londres pour la collection homme puis un autre à Los Angeles pour la collection femme. Pour Londres, l’idée était de retrouver le côté punk et rebelle inhérent à l’ADN de The Kooples alors que notre séjour à Los Angeles était guidé par notre volonté de retrouver l’état d’esprit californien. Au final la pandémie a commencé à se développer rapidement en Europe pendant que nous étions aux États-Unis. Nous sommes donc revenus à Paris et rapidement nous avons pu commencer à travailler autour des différents concepts que l’on avait pu amorcer les semaines précédentes. Ma première volonté fut alors de connecter l’homme et la femme dans les différentes pièces. On a donc partagé les couleurs, les inspirations ou encore les print et avons, pour la première fois dans l’histoire de la marque, travaillé sur les deux collections en parallèle. 

Il y a toujours eu un côté androgyne sur les silhouettes The Kooples. C’est quelque chose que vous allez perpétuer ?

Oui c’est important pour nous. Comme nous l’avons évoqué précédemment, nous avons beaucoup travaillé sur la cohérence entre l’homme et la femme en dessinant pour la première fois les collections de manière simultanée. Il y aura donc toujours des pièces qui conviendront à tout le monde. 

Associant élégance et un côté rebelle assumé, The Kooples a su avec le temps adopter un style singulier. Comment faire pour continuer à garder cet ADN tout en continuant de réinventer la marque à chaque collection ?

Je viens du monde éditorial et des magazines. Mon expérience est donc vraiment liée à la réflexion autour du storytelling d’une marque et des idées derrière les collections des designers. The Kooples a toujours été très forte dans ses castings et ses concepts. Celui du couple va, par exemple, beaucoup changer. Il y a dix ans on mettait en avant le couple rebelle et rock’n’roll. À l’heure actuelle, l’image que l’on se fait du couple a beaucoup évolué. L’idée même qu’il faille absolument être en couple pour être heureux est d’ailleurs également en train d’évoluer. Tout cela ne se fait pas en quelques mois et en une seule collection, c’est impossible. Cela viendra petit à petit dans les collections à venir. On va également diminuer les collections et faire en sorte que nos créations durent davantage dans le temps. Nous aurons une collection avec des pièces plus premium et ensuite nous développerons cinq idées autour de celle-ci. 

Quelle est la chose qui vous donne le plus envie de créer un vêtement ?

J’ai toujours trouvé cela dommage que l’on ne puisse se souvenir d’un nombre incalculable de moments. Il m’arrive de terminer une semaine et ne plus me souvenir de la plupart des choses que j’ai pu faire durant celle-ci. Ainsi, pour moi, un vêtement peut vraiment être un marqueur pour des moments que l’on aurait habituellement oubliés. « Tiens ce jour-là j’avais cette chemise ou alors tiens à ce diner je portais cette veste ». Lorsque l’on a choisi les couleurs pour cette collection, on a parlé des différents moments de la journée en fonction du soleil et de la luminosité. On a donc adapté nos couleurs à cette idée du temps qui passe dans une seule et même journée. Les gens ont besoin de comprendre ce qu’ils portent. J’habite au centre de Paris et pour moi l’inspiration vient absolument de la rue. Les Parisiennes et les Parisiens sont vraiment inspirants. C’est finalement ces personnes et l’histoire qui les entourent qui me donnent envie de créer. 

L’ADN disruptif de la mode est plus que jamais d’actualité aujourd’hui. Jusqu’à présent les collections The Kooples étaient plus représentatives d’une certaine forme de lifestyle. Allez-vous faire en sorte d’associer davantage ces deux idées à l’avenir ?

Même si cela ne fait pas longtemps, nous avons déjà eu beaucoup de ruptures depuis que je suis ici (rires). Malgré tout, mon expérience m’a permis de réaliser que le plus important réside dans le fait que tout le monde puisse suivre ce que l’on fait et ce que l’on propose. Cela fonctionne pour nous en tant que marque, mais également la société en générale. Sinon tu as l’effet opposé. Durant mes premiers jours ici, j’ai voulu arriver avec toutes mes idées en proposant une multitude de choses. J’ai rapidement compris qu’il était avant tout important de faire comprendre aux autres la direction que l’on souhaite prendre et ses raisons. Le changement à outrance, sans but réel n’a pas de sens. 

« Pour moi l’inspiration vient de la rue »

Dans un précédent entretien, vous avez déclaré « être obsédé par les années 90 ». C’est une période qui est en plein revival dans la mode depuis plusieurs années. Va-t-on retrouver des influences 90s dans de prochaines collections ?

Absolument (sourire) ! C’est drôle que tu dises cela, car lorsque les gens regardent nos dernières vidéos, beaucoup évoquent le fait de retrouver des influences des années 90. On y retrouve un côté minimaliste et powerfull typique des 90s. J’ai commencé ma carrière durant cette décennie et j’ai donc commencé à absorber les références que j’ai aujourd’hui. Cela reste évidemment la période la plus importante de ma vie à ce niveau-là. Celle qui m’a construit artistiquement. Je trouve cela très intéressant de mélanger ses souvenirs avec les possibilités que nous avons aujourd’hui. Désormais je peux vraiment créer quelque chose dans une esthétique que j’adore tout en travaillant avec les outils dont nous disposons aujourd’hui. Après ce n’est pas que moi, cela fait quelques années que les 90s sont présentes dans la mode. On peut enfin tous dire que c’était finalement la meilleure époque pour la mode (rires). Les années 70 l’ont également été, mais je trouve qu’elles manquent un peu de glamour. 

Comme tous les secteurs, la mode a été très impactée par la pandémie que nous vivons actuellement. Pensez-vous que la mode de demain sera radicalement différente de celle que nous avons connue hier ?

Personnellement, j’ai vraiment essayé de rester dans quelque chose de très positif malgré l’actualité récente. Nous avons compris qu’à l’avenir les gens risquent de se poser beaucoup plus de questions. Nous avons tous réalisé que tout allait beaucoup trop vite et avons pris conscience de l’importance de ce que nous avons perdu ces derniers mois. Le simple fait de rencontrer quelqu’un nous fait désormais prendre conscience de la chance que nous avons de vivre ce moment. Pour la mode c’est finalement la même chose. Le fait de prendre la décision d’acheter une pièce en boutique ou même en ligne est un choix qui n’est plus anodin. C’est un choix spécifique dans notre vie. Nous sommes beaucoup plus focus aujourd’hui sur ce que nous faisons et la manière que nous avons de consommer. On se doit donc d’être attentif à cela. 


Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans notre édition 65 !