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Vers le sud : Un voyage pour quatre fondations

Par Claire de la Vallée / Photo principale : ©Christophe Goussard

Dans le sud-est de la France, il y a les plages et les calanques, la lavande et le pastis, les marchés et les platanes. Mais il y a aussi de très belles fondations d’art témoignant de l’engagement de mécènes et artistes passionnés qui ouvrent leurs collections au public. Bold vous en propose quatre, sélectionnées pour une belle échappée culturelle en arrière-saison…

La Commanderie de Peyrassol

Dans l’arrière-pays varois, sur les contreforts du massif des Maures, ce gigantesque domaine – 850 hectares, excusez du peu – est d’abord célèbre pour ses vins, en appellation Côtes-de-Provence, tous bio. Des blancs élégants et aériens, des rouges soyeux et profonds, des rosés subtils, frais et minéraux. L’ancienne commanderie de l’ordre des templiers, fondée au 13e siècle, a été acquise et restaurée en 2001 par le collectionneur Philippe Austruy, comme un petit village provençal avec sa bastide, son jardin botanique et son potager.

L’accueil se fait par le caveau de dégustation flambant neuf (2020) dessiné par l’architecte Charles Berthier. Dès l’arrivée, le paysage est marqué par de hautes bannières multicolores qui flottent au-dessus des vignes. Il n’est pas difficile d’identifier couleurs et motifs de Daniel Buren. Le Damier flottant arc-en-ciel (2016) annonce la couleur : plus d’une centaine de créations de grands noms de l’art contemporain (des années 1960 à nos jours) se découvrent au gré d’une longue promenade entre le vignoble, la forêt, les chais, les jardins de la bastide et un centre d’art.

Les sentiers mènent jusqu’aux œuvres en plein air de Vasarely, Joana Vasconcelos, Ugo Rondinone, Bernar Venet, Ben, Arman, César, Gisela Colon, Dan Graham, Franck Stella, Anne et Patrick Poirier, Jean Tinguely et bien d’autres encore. La plupart des œuvres sont spécialement réalisées in situ par les artistes invités avec lesquels le collectionneur entretient des liens privilégiés. Au cœur du domaine, le centre d’art abrite d’autres œuvres, peintures, sculptures et photographies qui méritent qu’on s’y attarde. La visite guidée obligatoire permet de mieux appréhender les figures marquantes de divers mouvements de l’art contemporain comme Niki de Saint Phalle, Bertrand Lavier, Étel Adnan, François Morellet, Sol LeWitt, Richard Long, Anish Kapoor, Jacques Monory, Niele Toroni, Robert Barry, Jésus Rafael Soto, Chiharu Shiota ou Lee Ufan. Des expositions temporaires sont aussi proposées. À ne pas manquer d’ailleurs, jusqu’au 3 novembre, « En Couleur » avec une vingtaine d’œuvres de Bertrand Lavier.

Pour une pause gourmande, on a le choix entre le Bistrot de Lou et le restaurant Chez Jeannette qui proposent une cuisine de saveurs provençales avec les produits du potager. On peut également séjourner sur place dans l’une des chambres d’hôtes.

Le truc en plus : On peut louer une voiturette (15€/heure) pour explorer les parties plus lointaines du domaine.

La Fondation Vasarely

Impossible de louper ce bâtiment futuriste en bordure d’Aix-en-Provence : de loin, on voit les ronds dans les carrés noirs et blancs et les parois qui reflètent le ciel. Créée en 1976 par Victor Vasarely himself, la fondation a pour but d’intégrer l’architecture dans l’espace urbain et de poursuivre l’ambition de son fondateur, à savoir la promotion d’un art social, abordable par tous. Père de l’Op Art, ou art optique, l’artiste franco-hongrois est un héritier du Bauhaus pour sa vision de l’art qui englobe mathématique, architecture, musique et humanisme.

À la fin des années soixante, la municipalité d’Aix-en-Provence décide de développer le quartier du Jas de Bouffan pour soutenir le développement de la ville. Pour éviter d’en faire une cité dortoir, l’aspect culturel et touristique est mis en avant. À la recherche d’un lieu pour son projet de « Cité polychrome du bonheur », l’artiste accepte la proposition de la mairie qui lui cède le terrain. Claire et Victor Vasarely ont entièrement doté et financé la fondation, par la vente d’œuvres de Victor Vasarely. Le couple voulait un lieu « indépendant des marchands, de l’administration, des financiers, et des partis politiques, mais contributeur de la création », comme le précise le guide de l’endroit.

Le centre architectonique est une structure impressionnante basée sur l’hexagone. À l’intérieur, le visiteur déambule dans des alvéoles, qui mettent en valeur 42 œuvres intégrées monumentales. « Monumental » est bien le mot qui convient : les pièces ont été montées sur place et certaines font jusqu’à huit mètres de haut sur six de large. L’effet wow est garanti dès la première salle d’exposition. Formes géométriques, couleurs, illusions d’optique, jeux cinétiques, travail de matières : tout le travail de Vasarely est ici synthétisé dans une scénographie surprenante et envoutante.

Le truc en plus : La boutique regorge d’affiches, livres, éditions limitées, mais aussi d’objets et jeux qui permettent d’appréhender l’œuvre de Vasarely de manière ludique.

Château La Coste

Il faut croire qu’art et vin font bon ménage, car voilà une deuxième fondation d’art qui a grandi dans les vignes. Situé à quelques kilomètres d’Aix-en-Provence, le domaine a été acheté en 2004 par l’Irlandais Paddy McKillen, promoteur d’hôtels de luxe comme le Claridge’s, le Berkeley ou le Connaught. Il était à la recherche d’une «farm» non pour y jouer les gentlemen, mais pour associer la production de vin haut de gamme et la grande gastronomie avec le monde de l’art et de l’architecture. Le tout en dimension XXL, avec les moyens à la hauteur de ses ambitions. Aujourd’hui, il est à la tête de 250 hectares où se côtoient un vignoble et ses chais, un espace extérieur dédié à l’art contemporain et une salle d’exposition, un hôtel de grand standing avec spa, une boutique et plusieurs restaurants. Les plus grands architectes, les artistes les plus connus, les chefs les plus toqués marquent l’endroit de leur empreinte. Et comme il détestait les panneaux « ne pas toucher » dans les musées, Paddy Mckillen veut que « l’art touche le plus de gens possible » et ouvre grand son domaine.

Pour se lancer dans la visite, on se munira du plan fourni à l’entrée, mais aussi de bonnes chaussures et de quoi tenir le coup sous la chaleur provençale, car il faut bien deux à trois heures pour faire le tour. Au milieu des vignes, des oliviers et des cyprès, on découvre une collection d’une quarantaine d’œuvres. Ce sont essentiellement des pièces conçues spécifiquement pour le site, parmi lesquelles une immense araignée noire de Louise Bourgeois, un mobile géant d’Alexandre Calder qui se reflète dans la pièce d’eau du centre d’art conçu par Tadao Ando qui a aussi rhabillé une chapelle historique. Comme dans une chasse au trésor, on passera d’un continent à l’autre, d’un artiste à l’autre, en contemplant les réalisations de Jean-Michel Othoniel, Sean Scully, Hiroshi Sugimoto, Yoko Ono, Lee Ufan, Richard Serra, Andy Goldsworthy, Richard Long, Prune Nourry ou Ai Weiwei. Parmi les architectes impliqués, Jean Nouvel s’est vu confier la conception des chais, Frank Gehry a réalisé un pavillon dédié à la musique où des concerts sont organisés, Richard Rogers signe une galerie en porte-à-faux surplombant le paysage, Renzo Piano ajoute une salle d’exposition intégrée au sol et finalement, en 2022, l’ajout d’un pavillon conçu par Oscar Niemeyer est venu compléter les créations existantes.

«Les plus grands architectes, les artistes les plus connus, les chefs les plus toqués marquent le domaine de leur empreinte».

Pour se restaurer, on a l’embarras du choix. En fonction du plafond de sa carte de crédit, on s’orientera vers le restaurant argentin où Francis Mallmann cuisine au feu, la table d’Hélène Darroze dans le palace Villa La Coste, le restaurant italien Vanina, le restaurant Tadao Ando ou encore la Terrasse.

Le truc en plus : Depuis 2013, tous les vins sont certifiés bio et passent progressivement en biodynamie. On peut réserver des visites guidées et des dégustations.

La Fondation Luma

Dans la famille Hoffmann, le mécénat est une seconde nature. Il faut dire que les créateurs et héritiers des laboratoires pharmaceutiques Hoffmann-La Roche figurent parmi les plus riches de Suisse. Luc Hoffmann était passionné par les oiseaux et s’est installé en Camargue en 1947 pour étudier ses chers volatiles de plus près. Sa fille Maja est restée proche du domaine familial et a créé la Fondation Luma à Arles. Elle a investi 150 millions d’euros pour créer ce complexe de onze hectares. Construit sur les anciens ateliers ferroviaires de la SNCF, il est surtout visible par sa tour en inox de 56 mètres de haut dessinée par l’architecte Frank Gehry.

Inauguré en 2021, le site a pour ambition de soutenir des artistes à travers un centre d’art et de recherche. Il propose aussi des expositions pluridisciplinaires, mettant notamment la photographie à l’honneur, mais osant aussi des pas de côté vers d’autres arts visuels, la danse ou la musique. Idéalement, on visitera les lieux pendant les Rencontres d’Arles où toute la ville se consacre à la photographie, mais en dehors de cette période, d’autres expositions sont proposées et finalement, le site se suffit à lui-même pour flâner et se laisser surprendre.

D’abord à l’extérieur, le bâtiment tient d’une sculpture avec ses quatre tours aux facettes ondulantes et argentées soutenues par une colonne vertébrale couleur pierre. Il parait que l’architecte a voulu reproduire les coups de pinceau de Van Gogh. À moins que ce ne soit les rochers des Baux-de-Provence ou les falaises des Alpilles. Au pied de la tour, six bâtiments industriels ont été réhabilités : la Grande Halle, les Forges, ou encore la Mécanique Générale sont dédiées aux expositions. Les autres accueillent des artistes en résidence, des espaces pour des spectacles ou des événements. Les jardins, le parc et l’étang qui entourent le site sont l’œuvre du paysagiste Bas Smets. Il entend y préserver la faune et la flore de la région et offrir un lieu de vie et de promenade ouvert à tous.

«Le site se suffit à lui-même pour flâner et se laisser surprendre».

À l’intérieur, on commencera par monter jusqu’au sommet pour admirer la vue depuis les terrasses des 8e et 9e étages : un panorama sur la vieille ville épousant le méandre du Rhône, vers la Camargue et la plaine de la Crau, jusqu’aux Alpilles. En redescendant les niveaux, on découvre les installations permanentes : le double toboggan de Carsten Höller, la peinture sur les murs de l’auditorium d’Etel Adnan, le jeu de miroirs d’Ólafur Elíasson dans l’escalier, les rideaux métalliques de Konstantin Grcic ou l’œuvre immersive de Philippe Parreno.

Le truc en plus : Au rez-de-chaussée de la tour, le Drum Café a été imaginé par l’artiste Rirkrit Tiravanija. On y sert une cuisine bistronomique ancrée dans la région. La première carte était signée Céline Pham (désormais à la tête de l’excellent Inari, au centre d’Arles). Actuellement, c’est Laurent Blondin qui régale.

Et aussi…

Pour celles et ceux qui n’en ont jamais assez, encore quelques lieux spectaculaires et fondations de haut vol :

  • La fondation Maeght à Saint-Paul de Vence. Inaugurée en 1964, elle est la toute première fondation privée d’art de France. Témoin de l’amitié du couple Maeght avec des artistes comme Braque, Picasso, Giacometti ou Léger, la maison récemment agrandie rassemble l’une des plus importantes collections européennes d’œuvres du XXe siècle.
  • La fondation Hartung-Bergman à Antibes avec les œuvres de Hans Hartung et de sa femme Anna-Eva Bergman, figures incontournables de l’art moderne et acteurs marquants de l’abstraction. Des galeries d’exposition aux ateliers réhabilités, en passant par les 1 500 mètres carrés de jardin, c’est tout leur travail que l’on découvre dans ce lieu.
  • La fondation Carmignac sur l’île de Porquerolles, avec ses quelque 300 œuvres de Jean-Michel Basquiat, Keith Haring ou encore Andy Warhol qui s’y côtoient. La visite se fait pieds nus, dans une atmosphère quasi mystique créée par un plafond aquatique. À l’extérieur, un jardin, peuplé d’une dizaine de sculptures, invite à la contemplation.
  • Venet Foundation à Le Muy. Connu pour ses sculptures monumentales, l’artiste Bernar Venet a jeté son dévolu sur une ancienne usine, pour accueillir son incroyable collection l’art contemporain.

Manger la Provence

Rassasiés de culture, il vous reste sûrement un peu de place pour un petit détour gourmand dans une adresse qui rend hommage au terroir provençal dans son cadre, comme dans ses produits. À dix minutes d’Aix-en-Provence, le chef Nicolas Bottero a créé le Mas qui porte son nom, un restaurant gastronomique qui affiche une étoile Michelin. Le jeune Nicolas passait la plupart de ses vacances en Provence aux côtés de sa grand-mère paternelle. Il découvre la féérie des marchés avec les légumes colorés, les herbes odorantes, les fruits juteux. « Ces marchés de Provence ont été déterminants dans mon choix de vie », relate celui qui, très tôt, sait qu’il veut s’orienter vers la cuisine. BTS de l’École hôtelière de Grenoble en poche, Nicolas Bottero fera ses armes à Monaco auprès d’Alain Ducasse, passera du temps en Auvergne chez Michel Bras, puis en Suisse aux côtés de Benoît Viollier, avant de retrouver son premier maître à La Bastide de Moustiers. Il se souvient d’un « jardin potager incroyable, avec deux jardiniers pour produire les légumes, les fruits » où le rapport entre le produit et la cuisine était des plus étroit.

C’est ce qu’il insuffle aujourd’hui dans son restaurant. La nature est le garde-manger où le chef va puiser inspiration et produits pour une cuisine enthousiasmante, savoureuse et parfumée. Sa « tartelette aux mille saveurs » où se chevauchent pêle-mêle une quinzaine de légumes et des herbes. Petits pois, poireaux, asperges, courgettes, carottes, betterave, sauge, bourrache et radis dressent un tableau comestible des plus élégants. Les producteurs des environs sont mis à contribution, comme pour ce délicat dos d’agneau de Haute-Provence, farci avec un pistou de sarriette accompagné de courgettes en deux textures et de pommes Anna. Toujours en puisant dans le jardin, le chef concocte un dessert autour de la rhubarbe avec de la fleur de sureau et un crémeux à l’agastache. On pourra prolonger l’expérience en passant par la boutique gourmande où dégoter, pour le retour, des produits locaux et les bocaux salés et sucrés cuisinés par le chef et sa brigade…

Ce format tourisme qui sent bon l’art, le soleil et les plaisirs de bouche est également à retrouver dans le Bold Magazine #87, à lire en ligne ici!

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