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Vers plus d’égalité de genre au Luxembourg?

Par Fabien Rodrigues

En cette Journée internationale des droits des femmes et de 4e « Fraestreik », la question de l’égalité entre hommes et femmes se pose de manière vive. Et en cette période de campagne électorale, quelle est la position du Luxembourg ? Le Grand-Duché est-il un bon ou un mauvais élève ? De fortes disparités entrent en tout cas dans la réponse…

Alors que les mouvements progressistes tendent à œuvrer dans le sens d’une déconstruction des genres – d’une reconstruction du genre ? – et que la dualité millénaire homme – femme voit ses contours se perméabiliser, l’égalité entre les deux genres « traditionnels » semble plus que jamais un objectif impossible à atteindre ou presque. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer : en 2021, certains pays scandinaves comme l’Islande ou la Finlande approchaient ou dépassaient l’indice 0,9 en matière d’égalité dans le rapport annuel « Global Gender Gap Report » publié par le Forum économique mondial (FEM) – un indice 1 impliquant une parité parfaite.

Les voisins du Luxembourg s’y classent d’ailleurs plutôt bien, avec une 11e place pour l’Allemagne, une 13e pour la Belgique et une 16e pour la France… Certes, ce sont des chiffres, mais c’est là que le bât commence à blesser : comment expliquer que le Grand-Duché ne se trouve qu’à la 55e position, sur 156 pays analysés, avec un indice de 0,726 ? Même pas dans le tiers supérieur. On aurait tendance à imaginer le pays comme faisant partie – fort de sa réputation sociale – des bons élèves, mais le rapport du FEM semble indiquer que sa copie est à revoir…

« Ce défi ne pourra être relevé que si les partis politiques et les partenaires sociaux suivent cet exemple et font des efforts supplémentaires. »

Taina Bofferding, ministre de l’Intérieur et de l’Égalité entre les femmes et les hommes

Un début d’explication se trouve peut-être dans la disparité entre les différents points d’analyse. Par exemple, le Luxembourg est très bon en éducation, avec un score attribué exemplaire de 1. Mais dégringole par contre avec l’accès des femmes aux postes de législateurs, hauts fonctionnaires et gestionnaires (0,347) ainsi qu’aux responsabilités politiques (0,247). On peut pourtant avoir l’impression d’une classe dirigeante luxembourgeoise plutôt paritaire, avec des figures politiques féminines de premier plan comme Paulette Lenert (LSAP), vice-premier ministre et ministre de la Santé qui s’est imposée comme une des personnalités les plus populaires du pays lors de et après la pandémie de Covid-19, la ministre de la Famille et de l’Intégration Corinne Cahen (DP), la ministre de la Justice et de la Culture Sam Tanson (déi Gréng), la très influente ministre des Finances Yuriko Backes (DP), la ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable Joëlle Welfring (déi Gréng) ou encore – évidemment si l’on peut dire – la ministre en charge même de l’Intérieur et de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Taina Bofferding (LSAP). Alors poudre aux yeux ou bien erreur mathématique ?

La ministre Taina Bofferding partage avec nous son avis en la matière : « La participation des femmes aux processus de décision dans la politique communale et nationale ainsi qu’au sein des entreprises est le défi central en matière d’égalité dans le monde politique et le monde du travail. Ce défi ne pourra être relevé que si les partis politiques et les partenaires sociaux suivent cet exemple et font des efforts supplémentaires. Ce n’est que collectivement que nous pourrons relever ce challenge à l’avenir ».

Si la mise en place de mesures et l’augmentation tangible de l’égalité hommes-femmes est encore – évidemment – le travail de plusieurs années, de plusieurs décennies même, le gouvernement luxembourgeois mise en attendant sur la pertinence de son Observatoire en la matière. Celui-ci, comme le stipule son site web, centralise des données de différentes administrations et organisations et met à disposition du grand public des statistiques et données administratives en matière d’égalité entre les genres. Et signe que ce dispositif a vocation à devenir toujours plus inclusif et pléthorique, il comprend depuis peu des chiffres clés sur deux domaines supplémentaires : ceux de l’éducation et du revenu, en plus des quatre domaines existants, à savoir la violence domestique, l’emploi, la prise de décision et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Un dernier domaine, celui de la santé, suivra quant à lui en fin d’année.

En matière d’éducation, c’est l’accès à celle-ci ainsi que l’obtention des diplômes qui sont observés en particulier, et ce tout au long du cursus scolaire, les inégalités naissant souvent dès la petite enfance. Pour les ressources financières, si les écarts salariaux sont évidemment au centre du pôle d’intérêt, c’est l’écart de pension qui s’avère être le plus étonnant avec le chiffre très élevé de 44% en 2020 contre 0,7% « seulement » pour les salaires – pour lesquels le Luxembourg baisse encore au classement 2022 du FEM pour arriver en 62e place. Une différence tout sauf anecdotique, qui ne peut que rendre encore plus précaire la situation de femmes retraitées seules. Un chiffre qui appelle de manière assez naturelle à des actions concrètes. « Mesurer, c’est se donner la possibilité d’agir de manière ciblée » : c’est le constat introductif de la ministre Taina Bofferding sur le site de l’Observatoire. La ministre confie également : « Nous nous engageons à mettre continuellement à jour l’Observatoire avec des informations nouvelles et pertinentes, afin d’en faire une destination incontournable pour toute personne. Avec l’ajout de ces nouveaux domaines, nous avons une image plus complète des disparités dans des domaines essentiels qui nous guide dans la définition des priorités dans la lutte pour l’égalité entre les genres »

Éducation, salaires, pension, sécurité : des thèmes qui feront forcément des rangs de la grève des femmes, organisée le 8 mars à Luxembourg. Un événement toujours aussi primordial pour Maxime Miltgen, collaboratrice de Taina Bofferding et co-tête de liste pour le LSAP dans la capitale luxembourgeoise lors des prochaines élections municipales, qui encadre son organisation depuis 2020 en tant que membre de la plateforme JIF (Journée Internationale des Femmes) mais aussi en sa qualité de présidente des femmes socialistes. Elle confie ses pensées quant à cette nouvelle édition : « Aujourd’hui, alors que nous avons largement atteint l’égalité des genres au sens juridique, beaucoup pensent malheureusement que la lutte pour une véritable égalité des genres est superflue. La réalité est cependant que les lois ne sont qu’un début très important et qu’il ne faut jamais considérer les droits comme un acquis. Pour que l’égalité soit réellement ancrée dans la société, il faut de l’attention, de l’activisme, de la compréhension, des changements et des concessions politiques. La grève des femmes est pour nous, en tant que plateforme JIF, un moyen de réunir ces cinq objectifs… »

Ainsi, cette « Fraestreik » – qui a rassemblé 1500 personnes lors de son cortège 2022 – n’est pas que dénonciatrice d’inégalités. Elle se veut également vectrice de sensibilisation à des sujets structurels tels que les féminicides, les violences obstétricales, ou les violences à l’encontre des membres de la communauté LGBTQIA+.

@ JIF Luxembourg

Le Luxembourg est-il un si mauvais élève que ça ? À l’échelle de la planète, Saadia Zahidi, la directrice générale du FEM, déclarait l’année dernière : « Effectivement, il y a eu des progrès entre 2021 et 2022. Mais si nous prenons en considération l’ensemble des 16 dernières années, et que nous examinons ce qui s’est passé depuis le début de la pandémie, il est très clair qu’il y a eu un recul dans l’objectif d’atteindre la parité hommes-femmes. Même s’il y a eu une légère reprise l’année dernière, ça n’est pas suffisant pour compenser les 36 années supplémentaires pour combler l’écart économique entre les deux sexes. Il y a donc encore beaucoup de travail à faire ». Partout donc, mais ici plus que jamais. Le cas échéant, il faudra en effet, comme le prévoit le Forum économique mondial, plus de 132 ans pour atteindre l’égalité entre les femmes et hommes…

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